C’est la faute de la RH

Dans cet épisode nous allons défendre la fonction RH, ce coupable final si facile à fustiger.

La fonction RH et l’informatique, c’est parfois un peu le mariage de la carpe et du lapin. Deux fonctions qui ne se comprennent pas toujours très bien. Quand la première s’inscrit dans le dialogue et l’exception à la règle, l’autre y voit un bug.

Pourtant, elles ont ceci en commun qu’elles traitent au fond de matières présentes partout dans l’entreprise, qu’elles le veuillent ou non : l’information et l’humain. C’est d’ailleurs ce qui les dote d’une caractéristique commune.

A la fin, c’est toujours leur faute. Collaborateurs, managers, décideurs, opérationnels y vont en effet de concert, fustigeant et accablant les deux fonctions de tous les maux. Après tout, on connait l’adage, la paille, la poutre…

Difficile en effet d’être le dépositaire de problèmes parfois vieux comme le monde et d’être un coupable aussi idéal que facile quand on ne les a pas résolus. Alors, c’est la faute de la RH, c’est quoi l’histoire ?

C’est, bien sûr, l’histoire des coupables faciles, ceux qu’on aime désigner et pointer du doigt, tout accaparés que nous sommes à chercher des responsables plutôt qu’à résoudre les problèmes.

Après tout, quoi de plus humain dans ce théâtre tragi-comique qu’est l’entreprise. « Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli » écrivait Boileau, le « législateur du Parnasse » pour définir les règles de la tragédie classique.

En l’occurrence, ces 3 unités qui lui sont chères – unité de temps, de lieu et d’action – se retrouvent dans une entreprise contemporaine où l’action se termine toujours immanquablement par un « c’est la faute de la RH »…

On vient de recruter un super candidat. Il est parti au bout d’une semaine. La RH est vraiment incapable de comprendre le besoin !

Parfois cela arrive, mais quand en l’occurrence le manager n’était même pas là pour l’accueillir le jour de sa prise de poste, que le N+2 n’a pas participé du tout au processus de recrutement et que le fameux besoin a été fait sur un coin de table genre Asap on n’a pas le temps… Comment dire ?

« C’est la faute de la RH »… On ne va quand même pas reprocher au manager de prendre des vacances le jour où son futur collaborateur arrive, ni même de ne pas avoir pensé déléguer son accueil en bonne et due forme à quelqu’un d’autre, au moins.

Et que dire des augmentations, « tu sais, Paul, je suis vraiment désolé pour toi, moi j’aurais bien aimé t’en donner une mais c’est la RH qui ne veut pas ».

Les vilains de la RH. Peut-être as-tu oublié la règle d’éligibilité liée à l’ancienneté pour laquelle tu t’es battu pour protéger ton budget il n’y a pas si longtemps. Peut-être pourrais-tu simplement la rappeler plutôt que de rejeter sur le dos de la RH ?

Manager, on n’est quand même pas responsable de faire la pédagogie de la politique de rémunération. Il ne faudrait pas nous demander de représenter l’entreprise et sa politique quand même.

Comment ça ? On ne peut pas virer Nicole ? Tiens, si ce n’est pas la faute de la RH ça ? Toujours à nous mettre des bâtons dans les roues, la RH. Comment veux-tu que le business avance, hein ?

C’est étonnant parce que le dossier de Nicole non seulement il est vide mais, mieux encore, tu viens de lui faire une super évaluation de fin d’année. On se demande bien pourquoi tu veux la virer alors ? A moins que ce soit le fait du Prince ?

On t’a refusé une évolution professionnelle ? Une promotion au poste de tes rêves ? Tu voulais devenir Calife à la place du Calife et ce n’est pas possible ? Mince, ils ne sont vraiment pas sympas à la RH.

Ce n’est pas comme si ton manager, grand courageux devant l’éternel t’avait promis monts et merveilles et surtout ce sur quoi il ne pouvait pas s’engager. Après tout, les promesses n’engagent que celles et ceux qui y croient. Et puis, il manage à l’affectif tu sais, ce n’est pas de sa faute.

Toujours en train de nous empêcher d’avancer ! Ils sont incorrigibles à la RH ! Un coup c’est le droit du travail, un coup c’est la RGPD, un coup c’est le règlement intérieur, mais merde on ne peut donc pas faire ce qu’on veut comme on veut ?

La faute à la RH, je te dis. Tiens, ce super candidat qui demande un salaire mirobolant avec des avantages du même acabit, elle pourrait faire un effort la RH, ce n’est pas une petite exception à la règle qui va ruiner la boîte !

En effet, l’équité interne ça n’a aucune importance et on ne paiera jamais les conséquences d’avoir ouvert la boite de Pandore. Mais ça, individualiste forcené que tu es, peu enclin à porter l’intérêt de la boite avant le tien, cela ne t’avait pas effleuré l’esprit.

Sans parler du temps. Ce temps si long qu’il en deviendrait mortel. Encore la RH ça. Je te dis qu’il faut changer la culture de l’entreprise. On n’a pas le temps d’attendre nous ! Transforme-moi tout ça et vite. Encore la RH ça.

Comme si, depuis la nuit des temps, la culture se façonnait à coup de serpette en soufflant dessus et en deux temps trois mouvements. L’humain est lent, c’est la faute de la RH aussi ?

On les envoie en formation, ils ne veulent pas apprendre. On leur met des moyens d’autoformation, ils ne veulent pas apprendre. On met en place des coachs, ils ne veulent pas apprendre. Bon à un moment ça va bien.

Mais, c’est la faute de la RH. Motivez-les c’est un ordre ! Mais que faites-vous donc à la RH, mes collaborateurs ne sont pas engagés ? L’intendance ne suit pas, que diable !

Les collaborateurs ne s’approprient pas le nouveau plan de transformation, voilà donc la RH responsable de la résistance au changement. Vous n’avez qu’à les former ! La belle idée, après ce Nième grand changement auquel ils ne croient plus depuis belle lurette.

Tant on leur a fait un storytelling aussi sincère que les simagrées d’un joueur de foot latino-américain qui se roule par terre parce qu’il a un lacet de chaussure défait.

Disons les choses simplement, ce n’est pas parce que la fonction RH est en charge des ressources dites humaines qu’elle est responsable de ce que sont ou ne sont pas les dits humains, de ce que font ou ne font pas les humains, parfois depuis l’aube de l’humanité.

L’informatique traite de l’information, mais elle n’est pas responsable pour autant de la nature des informations qu’elle fait circuler dans ses tuyaux. Les services postaux sont peut-être responsables que le contenu de vos lettres arrive à destination mais ils ne sont pas fautifs des conneries qu’on écrit dedans.

En outre, si l’on avait simplement cette reconnaissance élémentaire du projet de l’entreprise et de sa réussite comme un bien commun, la question de savoir qui est fautif de quoi serait peut-être moins la priorité de certains !

La fonction RH n’est donc pas plus responsable qu’une autre de ce que sont les humains, c’est-à-dire de ce qui en fait le charme et les faiblesses depuis la nuit des temps.

En résumé, on accuse parfois un peu vite la fonction RH des inconséquences des êtres humains, à commencer par celles de ceux qui font la vie de l’entreprise, notamment décideurs et managers. Un coupable facile à pointer du doigt.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.