N’attends pas de reconnaissance, trouve-la
Dans cet épisode, nous allons nous demander si on ne peut pas trouver nous-mêmes de la reconnaissance quand on n’en reçoit pas de l’extérieur.
« C’est vraiment trop injuste » disait Calimero, le petit poussin d’une vieille série télévisée d’animation, celui qui se plaint sans cesse, victime du syndrome de persécution. Et puis tu sais, à force de croire « qu’on le vaut bien », puisqu’on nous le répète, et bien ce sentiment ne cesse de croître.
Sans être Calimero chef, tout le monde a besoin de reconnaissance, et ce n’est pas qu’une affaire de pognon. Loin de là. Parfois, l’absence de reconnaissance, dans l’entreprise comme dans la vie, est assourdissante !
Alors dans cette morne et vaste plaine où règne cet assourdissant silence comme un brouillard londonien sur la plage d’Ostende par un hiver glacial, n’attends pas de reconnaissance, trouve-la. C’est quoi l’histoire ?
Commençons par replacer les repères géographiques à leur place. Sur la plage d’Ostende on est en Belgique donc il n’y a pas de « fog » londonien et la plage du Morne, ce n’est pas en Belgique mais à Maurice. Maintenant, on peut revenir au sujet.
Celui d’un principe de réalité. Tu connais l’adage « heureux ceux qui n’attendent rien car ils ne seront pas déçus »… Tout est dit non ?
On ne va pas jouer, ici, les vieux cons expliquant qu’avant c’était mieux, que les enfants sont désormais si gâtés qu’il faut sans cesse leur dire que c’est bien dans une sorte de formulation positive exagérée ou de bienveillance qui vire à la complaisance, et qui est presque une forme d’irrespect.
On ne va pas non plus dire que l’entreprise et les managers etc. peuvent s’affranchir, l’une de concevoir une politique de reconnaissance et les autres d’en être les ambassadeurs. Bien sûr qu’ils le doivent, c’est une évidence.
Mais nous revenons à un principe de réalité. Parfois cela ne vient pas. C’est ainsi. Non seulement tu n’as tiré aucun bénéfice matériel de ce que tu as fait de bien mais en plus personne ne te dit merci. Bref, tu peux le vivre mal, être en manque de reconnaissance. Ce n’est pas illégitime.
Mais tu peux aussi te dire qu’au fond il n’y a pas tant de reconnaissance à attendre de l’institution, de l’entreprise, de ton chef, hein chef, ou des autres en général. Tu peux te dire que ce sera une bonne surprise si cela vient, la cerise sur le gâteau.
Dans ce cas, puisque tu éprouves un besoin de reconnaissance – comme tout être humain, on a au fond tous besoin d’aimer et d’être aimé – c’est légitime. Donc dans le brouillard épais de cette morne plage d’où aucune lumière ne vient t’éclairer ou te réchauffer, tu fais comment ?
On connaît depuis longtemps la théorie de Déci et Ryan sur la motivation intrinsèque et extrinsèque (Déci et Ryan, 1985). La première te donne une piste. La reconnaissance que tu attends, trouve-la mais ailleurs.
Dans la satisfaction de tes clients quand tu sers, dans le regard de tes étudiants quand tu enseignes, mieux encore, dans leur succès quand ils grandissent. N’attends pas qu’on te dise merci. Après tout c’est ton boulot non ?
Alors cherche cette reconnaissance dans le travail en lui-même. L’œuvre d’abord. Au-dessus de tout. Mais je comprends qu’on n’est pas tous ébéniste ou artisan. Mais tu as aussi le travail bien fait, le bout du geste. La satisfaction d’avoir fait quelque chose de bien, de faire avancer les choses, le plaisir d’être avec tes collègues, etc.
Cette part des choses a un avantage énorme. Tu en es le seul maître. Cela ne dépend pas des autres mais de toi-même. Donc essaye de créer ta part et de la prendre.
Comprenons-nous bien : cela ne remplace pas, cela ne se substitue pas aux autres formes de reconnaissance. Par conséquent cela n’affranchit personne d’en priver les autres.
Mais pour autant, c’est aussi en cherchant cette satisfaction-là, qui ne dépend que de nous, qu’on en adoucit l’absence.
C’est bien beau et gentil tout ça et je comprends la posture. Ton bonheur ne dépend pas de ce qui est extérieur à toi mais du regard que tu portes dessus et donc de toi. Mais quand même, pour certains, pas fastoche. Parce que le mur du réel, parfois on se cogne dessus et cela fait mal !
C’est vrai sans aucun doute. D’abord, cela peut avoir ce côté culpabilisant du genre « si tu n’es pas heureux, c’est de ta faute » et en plus cela donne l’impression d’affranchir celle et ceux qui seraient cause de ton mal-être au travail. Dont acte, c’est juste.
Par ailleurs, c’est une évidence aussi que, lorsque tu es contraint par la loi de la nécessité et que le job que tu exerces ressemble plus à un bullshit job qu’à une merveilleuse source d’épanouissement personnel ou que tu es soumis à une pénibilité terrible, ce n’est pas facile de créer et trouver ta joie là-dedans.
Et pourtant, peut-être qu’en toute situation, tu peux essayer de trouver d’infimes motifs de satisfaction, juste histoire d’adoucir du mieux que tu peux ce que tu vis inévitablement comme une peine.
Dit autrement, aller chercher soi-même des motifs de satisfaction et de reconnaissance ne peut qu’ajouter du baume au cœur. Au mieux, tu auras d’autres sources de satisfaction et tant mieux, c’est tout ce qu’on souhaite aux gens. Ce sera alors la cerise sur le gâteau.
Au pire, tu auras au moins la cerise, même petite, si rien ne sourit et qu’en l’occurrence, il n’y pas de gâteau, ni même quelques miettes.
En résumé, trouver ses propres motifs de satisfaction au travail sans attendre de reconnaissance des autres ou de l’institution ne remplace pas ce besoin et n’occulte pas la réalité des situations, mais, au moins, cela ne dépend que de nous et c’est déjà ça de pris.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.