Les vassaux de l’algorithme

Dans cet épisode nous allons nous interroger sur notre soumission aux algorithmes des réseaux sociaux.

Ils n’ont pas fini de nous conseiller avec leur décryptage des rouages intimes des algorithmes des différents réseaux sociaux…

T’expliquant qu’il vaut mieux mettre une vidéo ou un carrousel ou un document pdf ou que sais-je encore, mieux encore une photo de toi pour « humaniser » et surtout qu’il faut commenter rapidement…

Commenter rapidement, la belle affaire. Reviens vite chez moi mon ami. Et ne t’avise surtout pas d’inciter à en sortir en suggérant des liens externes, ton « post » serait relégué aux oubliettes de la visibilité…

Tu recevras même une notification dès que quelqu’un aura bougé sa souris. Histoire que tu sois complètement addict en plus d’être captif.

Alors on critique les algorithmes. Coupables faciles et impersonnels. C’est la faute « au » système. Mais est-ce qu’on s’interroge sur nos propres choix ? Alors, les vassaux de l’algorithme, c’est quoi l’histoire ?

Est-ce encore nécessaire de décrire l’expérience que nous en avons toutes et tous. Ces réseaux qui n’étaient pas inintéressants à leurs débuts mais dont les dérives finissent par agacer au plus haut point.

Alors on critique et on commence par s’en prendre à l’algorithme. Un réseau professionnel est devenu le café du commerce où règne l’étalage de soi ? La faute à l’algorithme ma bonne dame.

Si les contenus de qualité y surnageaient comme ils le pouvaient au début, ils coulent désormais. Sous la masse des entendements communs, des boniments des bonimenteurs, des invectives et des polémiques.

Pas étonnant que les polémiques se développent quand l’algorithme met en avant la rapidité et le nombre des commentaires. Dit autrement la réaction à chaud.

Donc pour remonter dans l’estime de l’algorithme on provoque, au mieux d’un titre accrocheur – comme une certaine presse d’une autre époque – au pire, par un contenu polémique.

À mort donc la nuance, elle ne fait pas réagir. Donc à mort, l’analyse et la réflexion. De l’agora, où les philosophes avaient leur place, il ne resterait donc plus que la place du marché, où c’est à celui qui fait le plus de bruit et gesticule le plus pour vendre ses poissons.

Mais moi j’aime le marché aussi. Celui où l’on découvre de beaux produits, où la vie va, faites d’échanges et de rencontres, alors ne critiquons pas la place du marché.

Un algorithme, c’est un ensemble de règles. En l’espèce, sur les réseaux sociaux, des règles qui décident de ce qui est plus ou moins mis en avant. Ici, un engagement mesuré par le nombre et la rapidité des commentaires, la régularité des publications et les types de documents.

Là, les « revisionnages » – tu sais quand tu scrolles vers le haut pour revoir un truc – et les likes. Bref, chacun sa règle. Et après tout, quoi de plus légitime pour le taulier que de décider de sa propre règle ?

« Tu viens chez moi, ce sont mes règles. Elles ne te plaisent pas, va manger chez quelqu’un d’autre ». Après tout, le principe est assez simple.

La loi ne te convient pas ? Pars ailleurs si tu crois que l’herbe y est plus verte ou fait changer la loi. Mais là où tu es, respecte-la.

Il en va des algorithmes comme de toute règle. Fraude et contournement sont consubstantiels aux lois. C’est la nature humaine. Or, qu’est-ce qui fait que certaines et certains contournent les règles ? Qu’est-ce qui fait que certaines et certains fraudent ?

L’appât du gain qu’on fait passer avant d’autres considérations. En l’occurrence, les réseaux sociaux imposent leur règle. Ce sont les leurs.

On peut débattre du fait qu’elles soient de nature à produire de la médiocrité. C’est mon point de vue. Mais accuser l’algorithme, c’est accuser l’arme d’être le tueur. C’est aussi nous affranchir de nos propres choix.

Celles et ceux qui s’en foutent, évidemment cela ne leur pose pas de problème. Mais il y a celles et ceux dont cela hérisse le poil.

Trois options à considérer en ce cas : cela ne me plaît pas donc je pars, je me soumets à ces règles et j’en accepte l’augure donc les conséquences ou je reste tout en refusant de m’y soumettre et j’en subis les conséquences aussi.

Comme dans tout système, on peut se soumettre avec plus ou moins d’intelligence et de subtilité, mais c’est un autre sujet. Alors on se tire, on est complice ou on disparaît ?

La question sous-jacente est celle de notre besoin de visibilité et du caractère plus ou moins dominant de tel ou tel réseau. Dit autrement, quel prix suis-je prêt à mettre au nom de ma visibilité, y compris moralement ?

Jusqu’où suis-je prêt à me soumettre à des règles qui ne me conviennent pas au nom d’un autre gain ? Chacun apportera les réponses qu’il veut. Il ne nous appartient pas de juger.

Cela d’autant plus que cela pose encore une autre question. Celle du caractère plus ou moins dominant de tel ou tel acteur du marché. Donc in fine, on en revient à la loi du plus fort et à celle de la nécessité.

Or, la première s’impose toujours à celles et ceux qui subissent la seconde. Toute la question de la liberté individuelle dans un système collectif.

En résumé, un algorithme est une règle. La règle n’est pas responsable du fait que nous nous y soumettions ou pas. Mais si nous en sommes tous individuellement responsables, les lois de la nécessité et du plus fort conditionnent aussi le champ de nos contraintes.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.