Quand la problématique pose problème
Dans cet épisode, on va vous aider à identifier et formuler une problématique.
Une fois n’est pas coutume, on va s’adresser aux étudiants qui ont un mémoire de fin d’étude à réaliser ! Et toi, professionnel en poste pour qui les bancs de l’école paraissent loin, tu peux rester parce que cela peut non seulement t’intéresser mais même t’être utile.
On ne va pas en faire toute histoire, encore moins un problème puisqu’on dit qu’il n’y a pas de problème ! Sauf si toi, tu t’en fais un problème. Alors, quand la problématique pose problème… c’est quoi l’histoire ?
Comme dans un mémoire… on commence par définir les termes. Le dictionnaire le Robert dit que c’est un « ensemble des problèmes se posant sur un sujet déterminé ».
Un poète Canadien, Claude Péloquin, controversé par ailleurs pour certaines de ses positions, écrivait « Vous êtes tombés malades, vous êtes tombés en amour, vous êtes tombés dans l’escalier ; donc toute la problématique est dans la chute ! ». 3 problèmes, une problématique.
La problématique soulève un ensemble de problèmes. C’est une question dont on peut légitimement douter de la réponse. Il n’y a donc rien d’évident dans la problématique, si non… ça n’en est pas une !
Ce n’est pas un sujet, ce n’est pas un thème, c’est ce qui pose le (ou les) problème(s) ! Poincaré disait « on résout les problèmes qu’on se pose et non les problèmes qui se posent. »
Nous voilà bien avancé une fois qu’on a dit que la problématique c’était l’art de bien poser les problèmes. On arrivait avec une question et on nous dit que la réponse c’est justement les questions… Pfff
La première étape pour construire la problématique c’est de… trouver le problème ! Avant de vouloir démontrer quelque chose, encore faut-il savoir ce que l’on veut démontrer. Qu’est-ce que tu cherches à résoudre ?
Qu’on soit en train de travailler sur un mémoire de fin d’étude ou sur une présentation pour un projet en entreprise, une réunion ou un atelier… c’est pareil ! Qu’est-ce que je veux dire ? Qu’est-ce que je veux faire ? En somme, quel est mon objectif ?
Pour un mémoire, par exemple, je cherche à établir un lien de cause à effet entre deux termes ou je cherche à démontrer que tel sujet a de l’importance pour tel secteur ou je cherche à identifier la meilleure manière de résoudre un problème déjà connu.
Pour chaque objectif, on n’est pas au même stade de réflexion. Si je cherche à identifier la meilleure manière de résoudre un problème déjà connu, ça veut dire que le fait que ce soit un problème est déjà accepté de toutes et tous, ce n’est pas ça qui est discutable. Ce qu’on veut discuter, en revanche, ce sont les solutions.
Alors que si je cherche à établir un lien entre deux termes, c’est le problème en lui-même qu’on veut creuser. A implique B très bien. Mais c’est quoi A, c’est quoi B, et est-ce qu’on peut démontrer ou pas un lien de cause à effet entre les deux.
Un lien entre engagement individuel et performance collective par exemple ? Un lien entre productivité individuelle et productivité collective ? Entre bien-être au travail et performance individuelle ? Entre diversité et performance ? Un lien entre…
Oui on a compris ! Et une fois qu’on sait ce qu’on veut démontrer, c’est bon on peut passer au plan ?
Minute papillon, la problématique c’est une question. Là tu sais ce que tu veux démontrer mais tu n’as pas posé LA question.
Et c’est quoi LA question ?
Bah ça dépend de ce que tu veux démontrer…. Mais une fois que tu le sais, tu peux passer à la formulation de ta problématique.
D’abord, le marqueur interrogatif c’est-à-dire le choix du mot d’attaque : En quoi, comment, pourquoi, dans quelle mesure, …
Ce mot-là va conditionner une bonne partie de ton plan. Cela donne aussi le niveau d’importance des différents sujets.
Si tu dis par exemple « comment favoriser l’engagement individuel ? » tu ne consacres pas 70% de ton mémoire à m’expliquer que l’engagement c’est important. Le pourquoi devient un postulat que tu poses en introduction (avec quelques sources solides et bien choisies c’est mieux).
Alors que si tu dis « En quoi favoriser l’engagement individuel crée les conditions de la performance collective » tu vas consacrer une part plus importante de ton mémoire à démontrer l’importance de l’engagement individuel. Tu me suis ?
Ah oui, donc le choix du mot d’attaque finalement me donne un cadre et une intention pour la rédaction de mon plan !
Et puis après y a d’autres mots dans ta problématique parce que « Pourquoi » c’est un peu court jeune homme.
Et c’est la 3ème étape : peser tous les mots ! Il faut être minutieux : choisir tous les mots, rien que les bons mots. L’intelligence de la problématique se mesure à la précision des mots plus qu’à leur nombre.
« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément » disait Nicolas Boileau. Cela ne sert à rien de faire une problématique à rallonge en multipliant les adjectifs ou les synonymes.
C’est indigeste et en plus, ça rajoute des termes à définir dans le mémoire… Parce que tout ce qui est dans ta problématique devra être défini… alors autant bien choisir tes mots.
Tu veux dire par exemple qu’engagement, motivation et implication ce n’est pas la même chose ? Ou que résultat et performance non plus ? Si tu parles de « reconnaissance » on s’attend à ce que tu traites toutes les formes de reconnaissance et que si tu ne veux pas parler de pognon alors tu dois le dire dès maintenant en qualifiant cette reconnaissance de « morale » ?
Oui c’est ça que je veux dire. On ne confond pas les choux et les carottes.
Une dernière chose avant de passer à l’étape d’après : attention au serpent qui se mord la queue. Tu sais, cette problématique qui boucle sur elle-même. Dans le genre « en quoi la solution est la réponse au problème »
Tiens un exemple : « En quoi la fidélisation des salariés est une réponse au turnover ? » Bah parce que fidélisation et le turnover c’est un peu les 2 côtés d’une même pièce. Fin du problème, il n’y a rien à voir, bonsoir.
Et une fois que tu as le marqueur interrogatif et les termes que tu veux définir, il te reste une dernière étape : délimiter le périmètre.
Si tu ne dis rien du champ dans lequel s’inscrit ta réflexion, alors tu traites le problème « dans l’absolu », il faudra alors t’assurer de bien traiter tous les recoins du sujet. Pourquoi pas, mais bon courage ! A embrasser trop vaste on se plante.
Alors que si tu précises, le secteur d’activité, une zone géographique, une tranche de la population, une période spécifique, etc. Alors on ne pourra pas te reprocher la non-exhaustivité de ta réflexion en dehors de ce périmètre.
Et là c’est bon, on peut passer au plan. On fige la problématique dans le marbre et zou en avant !
Oui on peut passer au plan, mais non on ne fige pas la problématique dans le marbre. On se laisse la possibilité de l’affiner au fur et à mesure des lectures et du travail sur le plan. Même quand on commence à rédiger, on pourra requestionner la problématique si besoin.
Est-ce que finalement, je réponds bien au problème que j’avais posé au départ ? Est-ce que je ne réponds pas plutôt à tel autre problème (et auquel cas au lieu de tout recommencer, je peux peut-être juste reformuler) ? Est-ce que les termes que j’ai choisis dans la problématique sont bien les bons ?
En résumé, une problématique énonce un problème à résoudre dont la solution n’est pas évidente. Pour la formuler il y a 4 étapes : 1. trouver le problème. 2. Choisir le marqueur interrogatif 3. Peser tous les mots 4. Délimiter le périmètre.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.