La théorie de la motivation d’Hertzberg
Dans cet épisode nous allons faire un petit détour théorique pour parler de motivation et nous intéresser plus spécifiquement à une théorie, celle dite des 2 facteurs d’Hertzberg.
Bon la motivation ce n’est pas dur franchement. La carotte et le bâton ! Le désir et la peur, c’est cela qui fait avancer le monde. Tu joues sur l’un et sur l’autre et tu fais ce que tu veux des gens non ?
Et tu vas me dire que « pas de récompense sans sanction », puis qu’il suffit de mettre des primes ou de te menacer de perdre ton job et tout le toutim… Bon c’est un peu simpliste tout cela. C’est d’ailleurs précisément parce que c’est complexe qu’il y a tout un champ théorique important sur le sujet.
Tu veux dire qu’il n’y a pas que la pyramide de Maslow c’est ça ? Tu sais, moi, la théorie ça ne m’intéresse pas. Je veux du pratico-pratique. C’est ça être efficace. Les 3 trucs et astuces pour devenir intelligent en 3 minutes.
Il n’y a pas que Maslow en effet, il y a de très nombreuses théories et on ne va pas les balayer ici. Tu connais Maslow parce que c’est simple à comprendre et facile retenir avec sa pyramide. Et justement, un peu dans le même genre que Maslow, je te propose un petit détour par hertzberg.
Alors la théorie de la motivation d’Hertzberg, c’est quoi l’histoire ?
Bon, en fait, quand on disait que sa théorie de la motivation c’est un peu dans la même veine que celle de Maslow, il faut qu’on précise un peu pourquoi. Rappelons d’abord que la motivation c’est le moteur interne de la personne.
Ce sont en résumé les forces internes qui te poussent à agir vers un but particulier. En gros, ce qui te pousse à te lever pour faire quelque chose. Et, en la matière, il y a schématiquement deux grandes approches.
- La première part des besoins que la personne cherche à satisfaire.
- Et la seconde, part des attentes ou pourquoi tel résultat attendu est justement désiré ou pas.
Dans la première approche, les théories qui partent des besoins, Maslow et Hertzberg font partie des plus connues. Maslow pour caricaturer, on en a retenu la pyramide. Ce qui est certainement très réducteur. Une hiérarchie ou une sorte de classification des manques.
Hertzberg, lui, en substance, distingue deux facteurs pour expliquer la psychologie d’une personne au travail.
- D’un côté, des facteurs externes qui, s’ils ne sont pas satisfaits, créent un manque qu’on cherche à satisfaire mais qui ne motivent pas vraiment quand ils le sont.
- De l’autre, des facteurs internes qui, eux, lorsqu’ils sont satisfaits, sont moteurs et stimulent l’envie d’agir.
En gros, il découpe Maslow en deux si j’ose dire. La partie basse de la pyramide : si tu ne l’as pas, ça ne va pas, mais ça ne suffit pas à te motiver. La partie haute qui, elle, serait supposée te donner envie, te stimuler.
Bref, ce qui te fait gueuler si tu ne l’as pas mais qui ne suffit pas à te stimuler puis ce qui te stimule si tu l’as, ce qui te donne envie.
On peut penser ici, même si ce n’est pas le sujet, au marché de l’emploi. Celui où ce qui fait loi, c’est malheureusement la nécessité, et celui qui est réservé aux privilégiés qui peuvent nourrir leur besoin de réalisation au travail.
L’intérêt de la représentation d’Hertzberg, au fond, c’est qu’elle devrait inviter le gestionnaire ou le manager à comprendre que même ceux et celles qui sont confrontés à la dure loi de la nécessité ont peut-être aussi besoin de se réaliser dans leur travail.
L’amour du travail bien fait, le sens d’un métier, etc. En deux mots pour deux facteurs, ces gens-là comme dirait Brel, et bien ça ne suffit pas, pour leur donner envie de s’engager dans leur travail, de subvenir à leurs seuls besoins élémentaires.
Ouh la la voilà le sujet. Tu te rappelles le Taylorisme, un découpage horizontal de la chaîne de valeur, certes, mais aussi un découpage vertical entre ceux qui pensent le travail et ceux qui l’exécutent. En oubliant que ces derniers pensent… aussi.
Voilà une des limites non ? La théorie des deux facteurs, si on découpe en deux facteurs ce n’est pas grave en soi et c’est peut-être même pertinent. C’est un peu, d’un côté, la condition nécessaire mais pas suffisante et de l’autre le pompon du tour de manège qui fait que tu te lèves pour l’attraper.
Et d’aucuns ajouteront que tout l’art de l’engagement c’est de faire en sorte que tu te lèves à chaque tour, même s’il n’y a plus de pompon. Mais c’est un autre sujet. En fait ce qui gêne avec la théorie des deux facteurs, ce ne sont pas tant les deux facteurs que ce qu’on en déduit.
La théorie a été néanmoins critiquée sur de nombreux plans. D’abord peut-être simplement parce qu’en présentant les choses ainsi on stipule que les besoins sont conscients, ce qui n’est pas nécessairement le cas et qu’ils ne sont pas influencés par des situations externes.
Pourtant, on sait à quel point, faire la cuisine cela donne faim et envie de manger… Même quand on n’a pas faim !
L’être humain fait des choix aussi. On peut parfaitement viser en priorité la satisfaction d’un besoin spécifique parce que le contexte fait qu’il y a temporairement un meilleur effet de levier.
J’ai un besoin fort de réalisation dans mon travail et j’en suis conscient mais le jeu du marché de l’emploi et des opportunités, là maintenant, fait que je vais surtout chercher à prendre du pognon en masse !
Bref, on ne va pas faire l’histoire de la critique des théories des besoins ici. Mais on voudrait surtout souligner un point.
Hertzberg fait quand même un peu un monde à deux vitesses, entre les personnes qui ne seraient mues que par le premier facteur, celui ou celle qui vient prendre sa paie, fait son taff mais pas plus, et les autres, mûs par des valeurs supérieures de réalisation.
Et là, le jugement moral arrive vite, comment dire… Et en plus c’est à peu près la même erreur que de croire que l’ouvrier n’a rien à dire sur son travail. Le sens même d’un métier, l’ouvrage, le besoin d’utilité, ce sont des moteurs dans toutes les catégories de la population.
D’ailleurs Hertzberg utilise je crois le terme de « maladie morale » quand il s’agit de faire en sorte que ceux qui se contenteraient de la satisfaction des premiers besoins se sentent mûs par autre chose.
Tout est dit et ça on n’aime pas.
En résumé, la théorie de deux facteurs d’Hertzberg part des besoins des gens en distinguant ceux dont la satisfaction serait une condition nécessaire mais pas suffisante et ceux qui stimuleraient et donneraient envie. Critiquée par de nombreuses approches théoriques, elle est aussi porteuse d’une vision morale manichéenne en incitant à distinguer deux types de personnes.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.