Ces pratiques sont-elles RSE compatibles ?

Dans cet épisode nous allons parler des tableaux de bords équilibrés et de leur apport dans le management au quotidien.

La RSE ? Arrête, ce n’est pas compliqué ! Tu fais le bon reporting, comme il faut, conformément à ce qu’on te demande, pas moins mais surtout pas plus, bilan machin, bilan bidule, et tu es au top. Débrouille-toi pour avoir un label ou une certification en plus et tu es le roi des rois.

Une belle vision de la RSE ! Tu sais que R ne veut pas dire reporting mais responsabilité… Et certains ne semblent pas prêts à les assumer !

Et loin de nous l’idée de nier ni la nécessité de rendre des comptes, dans un rapport d’activité durable par exemple, ni l’utilité des certifications. Mais ni l’un ni l’autre ne suffisent.

Ce qui compte c’est l’intention d’origine. Est-ce qu’on se sent responsable de ses actions et de leurs conséquences sur son environnement, sur la planète, le vivant et les gens ?

En voilà une question qu’elle est bonne ! Si aucune entreprise n’est parfaite, on peut au moins chercher à s’améliorer… Et pour ça, rien de mieux que de se poser des questions ! Alors c’est parti : ces pratiques sont-elles RSE compatibles ? C’est quoi l’histoire ?

Si faire de l’optimisation fiscale, c’est parfaitement légal, est-ce parfaitement responsable ?

Si on peut économiser tant mieux, mais que dit-on des pratiques qui consiste à chercher systématiquement à échapper à l’impôt par tous les montages possibles et imaginables, légaux bien sûr, en utilisant habilement les textes et les règlements ? Hein, on en dit quoi ?

C’est forcément au détriment de la société civile, non ? En tout cas la question de savoir si c’est bien compatible avec une démarche de responsabilité à l’égard de ses parties prenantes dont fait partie la société civile, est posée. A moins d’avoir une vision très réduite de ce que sont les parties prenantes.

A l’égard des fournisseurs aussi, des questions pourraient être posées. On ne va pas faire une énumération à la Prévert mais quand même, quelques-unes pour la route…

La grande entreprise qui fait plancher des fournisseurs, notamment des PME, sur une proposition commerciale alors qu’elle sait qu’ils ne joueront que le rôle de faire-valoir pour satisfaire au formalisme d’une procédure d’achat en interne ? Indépendamment du fait que l’appel d’offre est pipé, c’est RSE compatible à l’égard des fournisseurs ?

On dirait du vécu, tiens… Un peu comme la grande entreprise qui après un long processus d’achat sans te sélectionner, ce qui est la loi du genre, réutilise habilement une partie du savoir-faire qu’elle a capté, sans même te remercier. Bon déjà ce n’est pas bien élégant. Mais est-ce bien RSE compatible ?

Tu as des exemples, des noms ? Non je blague. Je pense aussi à ses grands groupes qui allongent les délais de paiement de plus petits fournisseurs. La loi du genre aussi… Facile quand le rapport de force est en ta faveur. Tiens, le rapport annuel 2022 de l’observatoire des délais de paiement montre que les grandes entreprises sont bien moins vertueuses sur ce point que les PME.

Je dis ça, je ne dis rien. Ils sont plus malins que cela. Ils respectent formellement les délais de paiement mais seulement une fois que la facture est dans le circuit… Vas-y qu’on t’impose un fastidieux parcours du combattant, entre leur ERP supposé faciliter les choses, le libellé qui n’est pas le bon, l’OCR qui n’a pas reconnu ton code, etc…

Bref, TA procédure, que TU imposes, et qui allonge inévitablement le délai réel de paiement et qui, en plus, mobilise le temps de travail du fournisseur. C’est RSE compatible ça ?

Et les clients, quand tu fais de la shrinkflation, tu sais cette pratique qui consiste à modifier sans prévenir la taille des contenants de tes produits pour glisser une augmentation de prix en mode pas vu pas pris… Pas très RSE ça non ?

Ou quand par tous les moyens possibles et imaginables tu cherches à décourager le client qui entend obtenir réparation d’un service mal délivré… En jouant d’un dédale sur un site Internet où tu mets des heures à trouver là où ça se passe, où tu te bats avec un bot dont l’intelligence est plus qu’artificielle, où tu as un formulaire limité à un nombre de caractères tels que tu n’as même pas la place d’écrire bonjour…

Ah la valeur qu’on déplace, on te fait saisir à notre place. Parce que c’est ma marge, tu comprends. La loi du plus fort. Mais est-ce bien RSE compatible tout cela ?

Et les salariés… Que dire ? Par quoi commencer ?

Chef, il faudrait pas être trop long…

Ah bah on arrête-là la liste des questions, je pense que vous avez compris l’idée ! On ne va pas en faire toute une histoire.

Mais néanmoins, comme les questions en appellent toujours d’autres, posons-nous celle-ci, toute simple. C’est quoi être responsable ?

L’Union Européenne définit la RSE comme la « responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société »[1].  En d’autres termes, cela englobe au fond toute la responsabilité d’un agent économique à l’égard de la planète, du monde et de la société civile.

Cela pose donc la question des conséquences de tout ce que l’on fait… Et en la matière, si faire preuve de cohérence globale est très difficile, surtout pour une grande entreprise, en avoir l’intention et faire du mieux qu’on peut en ce sens, c’est déjà bien.

En résumé, la RSE c’est une responsabilité globale de l’entreprise à l’égard des parties prenantes au sens large. Assumer sincèrement cette responsabilité demande un examen critique de toutes ses pratiques pour s’assurer de leur cohérence avec les engagements qu’on prend sur le sujet.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire

[1] Commission Européenne (2011) « Responsabilité sociale des entreprises : une nouvelle stratégie de l’UE pour la période 2011-2014 », Communication de la Commission au Parlement Européen, au Conseil, au Comité Economique Social Européen et au Comité des Régions, Bruxelles. COM (2011) 681 final, p.7.