Mais c’est quoi un expert ?
Dans cet épisode nous allons nous demander ce qu’est un expert et quelles sont ses caractéristiques en tant qu’expert
Pour aborder le sujet on va avoir besoin d’un expert… des experts. Une figure d’autorité, qui impose parce qu’elle en impose, par son expertise éprouvée… sur l’expertise !
Nous voilà bien avancé, monsieur l’expert.
Tu voulais savoir ce qu’est un expert. Tu as eu un avis d’expert.
Voilà pourquoi comme disait Auguste Detoeuf « personne ne croît aux experts mais tout le monde les écoute »… C’est pour ça qu’il y en a partout dans les médias.
L’entreprise en fabrique et y a recours aussi. C’est même une filière pour ceux qui ne voudraient pas embrasser la carrière managériale ! Pour autant, qu’est-ce qui caractérise un expert ? C’est quoi un expert ? C’est quoi l’histoire ?
L’expert c’est la personne qui, à cette question, affiche son expertise en revenant, par exemple, à l’étymologie du mot, qui vient d’expertus en latin, venant lui-même du verbe experiri, celui qui « a fait ses preuves »…
Parce que l’expert est un sachant, sache-le, il veut qu’on le sache, sinon, que je sache, on le chasse ! L’expert est donc une personne dotée d’une certaine habilité, d’une certaine compétence, bref d’une maîtrise de quelque chose, un métier, une discipline que sais-je, dont il a une grande connaissance et expérience.
Une crédibilité – l’expert maîtrise son domaine – et une légitimité – car cette maîtrise est reconnue comme telle.
La première caractéristique donc c’est la maîtrise d’un domaine particulier. Une raison d’ailleurs pour laquelle on le confond souvent avec un spécialiste. Pensant que la maîtrise d’un domaine est forcément une spécialité pointue.
Tu peux être expert de l’architecture sans être spécialiste de tous les corps de bâtiment, expert de l’informatique sans être spécialiste de javascript ou expert de la restauration sans être spécialiste des desserts.
Une question de largeur et de profondeur de la connaissance en question. D’où cette autre image : expert en tout, expert de rien. Autrement dit, expert et généraliste, cela ne va pas bien ensemble.
Pour arriver à un haut niveau d’expertise tu dois avoir développé et éprouvé une connaissance et une pratique, tu ne peux donc pas l’avoir fait sur un périmètre très vaste.
Sinon tu peux être un bon touche-à-tout, peut-être reconnu comme tel, mais cela ne fait pas de toi un expert généraliste. Une illustration simple : inviter sur un plateau télévision une figure de la pensée, quelqu’un de très brillant, capable d’avoir un avis très pertinent sur la politique, l’économie, la finance et la technologie, ne fait pas de lui un expert de chacun de ses domaines.
Donc il peut dire des conneries. L’expert aussi d’ailleurs car la maîtrise d’un domaine spécifique ne fait pas nécessairement quelqu’un d’intelligent.
Première caractéristique de l’expert donc c’est la grande maîtrise d’un domaine délimité et identifiable, même si ce domaine n’est pas nécessairement extrêmement pointu, ce qui le différencie du spécialiste !
Une affaire de curseur donc entre profondeur et largeur : tu en sais de plus en plus sur de moins en moins. Mais cela fait quand même un premier trait caractéristique : l’expert creuse un trou, même s’il n’est pas nécessairement fin, mais c’est un trou.
Cela ne veut pas dire qu’il n’a pas de hauteur de vue. Du fond de son trou, il peut voir le ciel. Il peut prendre de la distance sur son expertise. Développer une pratique réflexive par exemple. Mais de son trou, il voit moins bien les trous des autres, que celui qui les voit tous.
Concrètement, cela peut nuire à la capacité de l’expert à avoir une vision d’ensemble, c’est-à-dire ce à quoi sert ou contribue son expertise. Avec un effet secondaire, qui fait sa deuxième caractéristique, c’est le risque de certitude.
Ayant moins la vision globale des situations, de par sa position d’expert, il peut accorder un poids parfois trop important à son expertise dans une situation qui en combine plusieurs. Ce qui est le plus souvent le cas. Et là son expertise fait vérité à ses yeux. Or, parfois, la vie fait qu’il y a des arbitrages à faire.
L’expert en santé par exemple, dans une crise sanitaire, peut comprendre les enjeux sociaux et économiques mais il fera souvent des critères de santé le juge de paix ultime des décisions à prendre. C’est naturel et quasi inévitable.
D’où les fameuses querelles d’experts… À force de voir midi à sa porte, chacun voit midi à quatorze heures, avec d’interminables débats qui accouchent d’une souris, ou d’un chameau dont Francis Blanche disait que « c’est un cheval dessiné par une commission d’experts. »
Il faut dire que l’expert, investi d’une haute maîtrise, a une troisième caractéristique assez légitime et naturelle aussi, celle d’une exigence élevée dans son domaine. Justement parce qu’il en est expert.
Et c’est bien, cela tire tout le monde vers le haut. Cela fixe une référence. Normal, l’expert est une référence puisqu’on s’y réfère. Mais une référence parfois trop haute pour certains, dans certaines situations, qui peut le rendre… Comment te dire…
Chiant ? Un peu oui. Celui qui t’explique à chaque fois pourquoi ce n’est pas possible. Parce que son niveau d’exigence est incompatible avec les arbitrages de la situation d’ensemble…
D’ailleurs, c’est fréquemment un point de cristallisation entre décideurs et experts. Les premiers, au nom de l’intérêt de la situation globale, acceptent des ajustements que les experts critiquent, parce que non conformes à la règle de l’art, du moins de leur art et avec leur niveau d’exigence.
La quatrième caractéristique de l’expert, c’est le langage d’expert. Les mots techniques de son domaine d’expertise bien sûr mais aussi les codes et les acronymes qui vont avec. Que les non experts ne comprennent pas ou autrement.
Tiens prends le BSI par exemple. Pour l’expert RH c’est le Bilan Social Individuel, pour l’expert du soin c’est le Bilan des Soins Infirmiers et pour l’expert en automobile le Boîtier de Servitude Intelligent…
Le langage d’expert c’est bien et utile… entre experts. C’est plus précis, ils le partagent, donc ils vont plus vite entre eux. Très bien. Mais avec des profanes, c’est l’assurance d’être incompris. Ou peut-être justement de se réfugier derrière ce langage pour tenir le profane à l’écart, comme des ados qui s’inventent un langage pour que les vieux ne les captent pas.
Comme les ados, les experts se regroupent entre eux. Leur cinquième caractéristique. Ils échangent, partagent, confrontent, progressent et font évoluer les règles de l’art, se réunissent en colloques, participent à des conférences d’experts où des experts écoutent des super experts qui à leur tour iront dans des collèges de super experts écouter des mega experts.
Ils s’évaluent entre eux aussi, tu sais la revue par les pairs ? La peer review… Pour être expert, l’expert a besoin d’être reconnu, donc d’abord reconnu des siens. C’est aussi là l’un des dangers qui guettent les experts, celui de l’entre-soi, l’ordre derrière lequel on se barricade.
Quand la profession fait corps pour protéger le métier, c’est bien. L’ordre, la confrérie, cela permet de définir un code de bonne conduite par exemple. Mais parfois la profession fait corps pour se défendre et protéger ses membres. Quand l’ordre devient celui qu’on enjoint…
Le groupe d’experts c’est favorable au progrès et à l’enrichissement mutuel, mais ça fabrique aussi des mandarins. Au demeurant, soyons honnêtes, l’entre-soi ce n’est pas le monopole des experts, c’est surtout très humain.
L’expert est un être humain comme un autre, c’est sa dernière caractéristique et surtout sa première … Comme disait Oscar Wilde … « Un expert, c’est un homme ordinaire qui donne son avis… quand il n’est pas à la maison ». Ça marche avec les femmes aussi bien sûr.
En résumé, un expert est une personne comme une autre, dotée d’une maîtrise reconnue dans un domaine délimité mais pas nécessairement ultraspécialisé, et qui peut avoir des caractéristiques propres à sa qualité d’expert.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire