Le danger du no quitting

Dans cet épisode nous allons parler d’un danger qui menace nos entreprises, le no quitting

Ce ne sont pas les défis qui manquent. Le poids des contraintes qui pèsent sur nos boîtes je ne te dis pas, entre l’incertitude sur les revenus, l’inflation qui grève nos inputs et nos coûts de transformation… diable !

Et sans parler de la pénurie de main d’œuvre ! Le pire c’est que même lorsque tu as réussi à les attirer, ils tapent dans la gamelle à peine arrivés, voire ils partent aussi vite que possible ou se désengagent. Bref, certains disent que ça « big quit » de partout…

Que de menaces… oui, pas facile tous les jours hein… Mais il y en a une autre, une de plus, sournoise, qu’on ne voit pas venir. Les marins pourraient appeller cela une vague scélérate… Alors, le danger du no quitting, c’est quoi l’histoire ?

Alors-là, celle-là je ne l’avais pas vu venir… J’avais entendu parler du big quit, du silent quitting, du conscious quitting mais pas du no quitting… Tu m’expliques ?

Bah le no quitting c’est simple, c’est ceux qui ne démissionnent pas… Et dont tu te dis que finalement tu aurais bien aimé qu’ils le fassent…

Tu es sérieux là ? ça sort d’où cette connerie ? Même les cabinets de conseils, ils n’auraient pas osé le faire, c’est te dire !

Silent quitting, conscious quitting, no quitting, tu as raison ça fait un peu copie façon ChatGPT… Genre thèse, antithèse, foutaise. Bah non, andouille ! le no quitting ça n’existe pas, c’est juste une idée sortie de mon chapeau de clown…

Quoiqu’au fond, ce n’est pas si idiot que cela de se dire qu’il y a des gens qui s’accrochent à leur poste, ou plutôt aux privilèges qu’ils en tirent, comme une moule à son rocher…

Ah dans les sièges des grands groupes on en a… c’est vrai… Des placardisés, des apparatchiks qui brassent du vent et cirent des pompes, des gentils pas bien méchants mais bien pistonnés, des nuisibles qui colportent ragots et mauvaises humeurs… Bref tous ces gens dont tu te dis qu’ils feraient beaucoup de bien à l’entreprise d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs.

Tu vois, la menace du no quitting… Comme quoi. En vérité c’était juste un clin d’œil amical à toutes celles et ceux qui pensent avoir découvert l’eau tiède avec 3 mots d’anglais qui désignent au mieux une évidence connue de tous, au pire rien.

Ou alors j’ai inventé le concept de l’air et je l’ai baptisé autrement… on y reviendra, c’est un autre sujet. Mais cette tendance de t’entourer d’expressions Nord-Américaines de toute part, what the fuck !

On pourrait se dire que ce n’est qu’une manifestation de plus de la connerie ou du manque de culture… Mais en fait, si on veut bien s’interroger sur le phénomène, cela peut susciter plusieurs réflexions, qu’on a envie de vous livrer … en vrac… parce que l’emballage… marketing… ce n’est pas notre truc.

Ah bah voilà, en vrac… comme pour te débarrasser lâchement de l’hygiène d’un raisonnement, tu vas balancer des bullets points en énumérant sans démontrer quoi que ce soit et en mettant tout sur le même niveau… C’est pas joli joli tout ça.

On commence par le positif. Nommer quelque chose aide à l’identifier. Mettre une étiquette de cette sorte sur quelque chose, qui s’immisce en nous sans que nous nous en rendions vraiment compte, c’est une manière de prendre conscience. Cela peut aider et en cela, on peut entendre qu’il y a une logique d’opportunité pour une bonne cause.

Mais pourquoi une expression en anglais, enfin plutôt genre Yankee, ça donne plus l’image de la puissance. Et puis mieux vaut prendre la référence US quand on connaît la rivalité amicale qui animent les français à l’égard de leurs copains brittons…

Sauf au rugby bien sûr, sport qu’ils ont inventé mais que nous… on joue… Mais c’est quoi ce besoin de mots américains, un complexe d’infériorité ? Une sorte de syndrome de Stockholm ? D’allégeance à la toute puissance ? Sommes-nous si peu libres de penser par nous-mêmes que cela ?

Ou alors, une autre hypothèse… J’en parlais il n’y a pas longtemps avec ton président, Paul, au demeurant, il est très sympa tu sais… Tu vois, une sorte de name dropping pour te rendre intéressant, montrer que tu comptes.

Quand tu es au cœur des tendances qui font le monde… Que tu te crois en avance de phase sans voir que tu suis aveuglément la meute… Pas faux… C’est une hypothèse aussi. La grenouille, the french frog, et le bœuf…

Un peu la souris et l’éléphant qui courent dans le désert et la souris qui dit à l’éléphant regarde tout le sable qu’on soulève tout les deux… C’est très français ça, de donner des leçons à la terre entière et se croire plus important que l’on est.

Tu as peut-être aussi une autre hypothèse. Un peu comme les ados qui s’inventent un langage pour que les vieux ne les comprennent pas. Comme toutes les professions d’experts qui protègent leur pré carré … Le langage en fait partie…

Une forme de suffisance qui tient le profane éloigné, qui gonfle la gorge du crapaud et lui donne l’illusion de se protéger de ce qu’il prend pour de l’ultracrépidiarisme de ploucs avec leurs propos de comptoirs…

Ou peut-être que la richesse de mon vocabulaire est telle qu’elle tient en deux mots, que du coup bah voilà quoi… l’anglais c’est mieux… Ou peut-être ai-je confondu travailler et faire du surf sur la première vaguelette venue…

Mille raisons ! Mais au moins une conséquence : c’est ridicule. Et comme toute tendance, toute mode, le problème n’est pas son existence mais le fait de l’adopter sans discernement, aveuglément.

La frontière est mince entre, d’une part, l’opportunité qu’on saisit en restant lucide pour résoudre un problème de fond ou l’expression nouvelle pour qualifier quelque chose de diffus mais bien réel et, d’autre part, la niaiserie bienveillante de celui qui croît avoir inventé la poudre… Et qui est manipulable à souhait.

En résumé, si le no quitting pourrait tout à fait désigner un phénomène réel, c’est surtout un clin d’œil pour inviter à essayer de résoudre les problèmes en s’attelant à la tâche avec honnêteté intellectuelle plutôt qu’à se précipiter sur le premier pseudo concept à la consonnance Nord-Américaine.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire