Deux idées reçues sur la mobilité interne

Dans cet épisode nous allons nous pencher sur deux affirmations que l’on peut parfois entendre sur la mobilité interne.

Bon, écoute ! On ne va pas tergiverser : quand il y a pénurie de main d’œuvre, il faut employer les grands moyens ! Il faut mobiliser la mobilité ! Et à tout va. Tu ne sais pas nager ? On ne va pas en faire toute une histoire, tu y arriveras bien une fois jeté dans la piscine !

Et voilà, un problème ? Une solution ? Dont je ne dis pas qu’elle soit mauvaise, au contraire, oui bien sûr il faut encourager et développer la mobilité interne, cela ne fait aucun doute, mais pas n’importe comment.

Or, quand il s’agit de RH, tout le monde pense pouvoir s’emparer du sujet et avoir un avis. Après tout l’humain, c’est le lot de tout le monde non ? On ne va quand même pas en faire un métier !

Et c’est là où les représentations simplistes arrivent ! Alors, deux idées reçues sur la mobilité interne, c’est quoi l’histoire ?

Les idées toutes faites, sur ce sujet comme sur d’autres, il y en a autant qu’on veut. Allez, quelques-unes en vrac pour le plaisir : croire que les gens, même les chef(fe)s à plumes, sont facilement mobiles sur un plan géographique, croire que la mobilité forcée tous les 3 ans ça ne laissera pas de traces, croire que les soft skills qui vont bien ça suffit pour envisager de changer de métier, croire que la bonne volonté et l’envie peuvent se substituer à la compétence, croire que…

Stop ! « Une pierre deux maisons trois ruines quatre fossoyeurs un jardin des fleurs un raton laveur »… Les inventaires à la Prévert ça laisse un goût de confusion…

Tu as raison. Alors pour éviter la confusion, on va s’arrêter sur deux idées reçues en particulier.

La première c’est l’idée qui consisterait à croire que la mobilité fonctionnelle, c’est une affaire de soft skills et la seconde c’est de croire que la seule clé c’est l’envie ou l’appétence.

Commençons par la première, en l’illustrant par un propos que j’ai entendu et qui était tenu par un responsable RH de proximité tout frais dans son job. En substance, cette personne affirmait que pour être comptable, le plus important c’était aimer les chiffres.

En même temps, si tu les détestes, cela ne va pas aider pour ce métier… Ce n’est pas faux non ?

Certes, mais c’est un peu court d’affirmer que c’est le plus important. Tu veux devenir comptable et tu crois que ta rigueur et ton aisance avec les chiffres vont faire de toi le cador de la compta. Sans aller bien loin, tu sauras reconnaître et additionner les éléments, tu sauras certainement faire des calculs, comme calculer le montant de TVA sur une facture.

Même moi j’y arrive c’est te dire … Et comme tu es rigoureux, tu sauras aussi tout bien ranger dans les cases. D’accord. Mais tu ne les connais pas. Tu ne sais pas à quoi elles servent et encore moins ce qu’elles servent.

Genre le plan comptable tu ne sais pas ce que c’est, à peine si tu connais la différence entre un bilan et un compte de résultat, l’EBITDA tu entends ça comme une insulte et le TPFF tu crois que c’est un jeu vidéo.

Bref, comptable, c’est un métier. Comme tout métier, cela demande la maîtrise d’un certain nombre de compétences liées… au métier. Le plus étrange dans tout cela, c’est que cela marche pour beaucoup d’autres métiers.

Tu veux dire que cela ne suffit pas d’aimer la viande pour être boucher, aimer le bois pour être ébéniste, aimer la techno pour être développeur ou avoir envie d’aider pour faire de l’humanitaire ? L’enfer est pavé de bonnes intentions dit l’adage…

Donc les soft skills c’est bien, il faut en tenir compte et c’est une évidence qui n’a rien de nouveau. Elles sont mêmes importantes, parfois essentielles, mais cela ne doit pas te faire oublier les compétences métiers. Attention donc à l’effet de halo qu’on voit parfois ici ou là.

Seconde idée reçue : avec de la volonté, on peut tout faire. Aucune promotion ne me fait peur si je m’y mets. Du courage à revendre, même pas peur.

Pourtant, détrompe-toi ! Il y a bien de belles promotions casse-gueule. Tu as beau être un super héros qui vole entre les gratte-ciels, il y a des étages qu’on ne peut rejoindre qu’en empruntant l’escalier et dans un escalier il y a des marches !

Même si tu as envie de les enjamber quatre à quatre, et peut-être le peux-tu, il faudra bien monter étage par étage. Cela ne signifie pas que tu ne sois pas capable d’aller en haut, mais il y a besoin, dans cette filière métier, d’y aller étape par étape. Sinon c’est t’envoyer au casse-pipe.

A l’image de paliers de décompression quand tu fais de la plongée, cela peut en effet t’éviter de réelles déconvenues. Fut un temps par exemple, les adeptes de la méthode Hay, une méthode d’évaluation de postes, affirmaient qu’il valait mieux ne pas faire un saut de plus de deux pas Hay dans une promotion.

« Petit pas, petit pas, petit pas » comme disait Bob à Sulli, le gentil monstre de Monstre et compagnie. Cela entraîne ! Bon là on parle de pas Hay parce qu’en l’occurrence la méthode Hay repose sur une suite géométrique de raison 1,15.

Ouh là tu dois avoir raison, moi je ne vais pas sauter le pas. Donc on y va step by step pour ne pas imploser.

En résumé, favoriser la mobilité interne par tous les moyens possibles oui certainement mais pas en faisant n’importe quoi comme par exemple oublier les compétences métiers parce qu’on est aveuglé par les soft skills ou envoyer les gens au casse-pipe parce que la marche à monter est trop haute.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.