Travail à distance : les français tire-au-flanc ?
Dans cet épisode, nous allons nous interroger sur ce que font les gens du temps de transport qu’ils économisent lorsqu’ils sont en télétravail.
Mais les français ils veulent du travail à distance c’est pour buller ! C’est évident. Pas besoin d’être clerc de notaire pour y voir clair ! Ce temps de déplacement qu’ils économisent quand ils travaillent de chez eux crois moi c’est pour faire la grasse mât !
Ce sont toutes et tous des assistés qui ne s’engagent pas, qui attendent tout tout cuit et qui n’ont rien à foutre de leur boulot. On la connaît ta rengaine de réac bourré de préjugés.
Tu as raison. C’est un préjugé, et que je n’ai pas en vrai hein ! Mais justement, creusons le sujet. Travail à distance : les français tire-au-flanc ? C’est quoi l’histoire ?
Il n’est pas ici question de nous interroger sur le lien entre productivité et travail à distance, ce qui a été étudié maintes et maintes fois, mais bien de se demander ce que font les gens du temps de transport qu’ils économisent quand ils travaillent de chez eux.
On en fait tous l’expérience, travailler de chez soi, pour celles et ceux qui le peuvent, c’est d’abord le gain du temps qu’on perdait dans le trajet domicile – travail. En moyenne, en France, c’était 50 mn par jour en 2015 selon la DARES.
Avec, évidemment, des disparités considérables selon où l’on est. Pas besoin de dessin, pour celles et ceux qui commutent Paris-Banlieue ! Difficile donc de partir de là. En revanche, on a des études sur ce fameux temps gagné.
Notamment, une étude du National Bureau of Economic Research, publiée en janvier 2023, qui offre un éclairage intéressant sur 27 pays, dont la France. Voilà donc une occasion de nous comparer aux autres.
Le premier enseignement de cette étude ne surprendra personne. Le temps de transport économisé lorsqu’on télétravaille est important. En moyenne sur les pays européens, par exemple, il est de l’ordre d’un peu plus d’une heure par jour.
Et la France se situe dans cette moyenne avec 62 minutes, comme l’Allemagne avec 65 ou l’Espagne avec 63 et l’Italie avec 61. Des données assez proches les unes des autres et dont on sait qu’elles recouvrent certainement de fortes variations internes.
Néanmoins, cela nous donne une base de comparaison. A peu près le même temps gagné dans les pays européens, de l’ordre d’une heure. Un peu plus au Pays-Bas avec 77 minutes ou un peu moins en Pologne avec 54 minutes.
A comparer, pour information, à grosso modo 100 minutes en Chine, au Japon ou en Inde. A noter d’ailleurs, que les Etats-Unis apparaissent comme l’un des pays où ce gain est l’un des plus faibles avec 55 minutes.
Bref, une situation comparable entre pays européens, avec en gros une heure gagnée par jour. Mais la question qui se pose ensuite c’est évidemment « mais que fait-on de cette heure gagnée ? »… A quoi est-elle consacrée ?
L’étude a spécifié 3 grandes occupations possibles : ton travail, tes loisirs et le soin porté aux autres, « caregiving » très précisément. Et c’est là où les idées reçues commencent à voler en éclat.
Au moins 3 d’entre elles nous ont interpellé.
Certains pensent que les gens ne vont pas mettre ce temps gagné à profit pour leur travail, et que cela va surtout être pour les loisirs. C’est faux ! En moyenne, sur les pays européens c’est quasiment à parts égales entre travail et loisir. 36%.
Certains pensent que pour les français, ça ne fait aucun doute, ils vont privilégier les loisirs ! C’est faux ! En moyenne en France, 44% du temps gagné est mis à profit pour le travail et seulement 26% pour les loisirs.
Certains pensent que les français sont les champions de la glandouille. C’est faux ! Sur 12 pays européens, la France est en tête de liste sur la part de l’économie de temps consacrée au taff !
Number One ! Et pour enfoncer le clou, de ces mêmes 12 pays européens, c’est celui qui donne la part la moins importante aux loisirs : 26%. Qui l’eût cru ? Bon, j’entends déjà les mauvaises langues dire « pas étonnant ils en ont déjà tellement ».
Intéressant aussi de noter que les pays dans lesquels la part de cette économie de temps est la plus consacrée au travail c’est la Malaisie, Singapour, et Taïwan avec 53%. Les 3 seuls pays pour lesquels cette part dépasse 50%.
On le sait, ce type de données moyennes et ce type de comparaison n’ont pas vraiment de sens et nous nous garderons bien d’en tirer la moindre conclusion, sauf peut-être lorsque les chiffres viennent infirmer un discours un peu rapide et un peu facile.
Alors, comme ça les français ne s’engageraient pas au travail ? Pas si simple que cela. Tiens, on peut s’engager dans son travail mais pas dans son entreprise, par exemple. Bref, ce type d’affirmation mérite des analyses un peu plus fines.
Le rapport au travail change ? Oui sans aucun doute chez certains. Les curseurs bougent de toute évidence. Mais là encore les caricatures et les grosses mailles n’aideront pas à répondre aux enjeux auxquels les entreprises sont confrontées.
En résumé, on gagne en moyenne une heure par jour en travaillant de chez soi. Et contrairement aux idées reçues, les français sont ceux qui consacrent la plus grande part de cette économie à leur travail et la plus petite à leurs loisirs, en comparaison avec les autres pays européens.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.