L’entreprise data-driven, un défi culturel
Dans cet épisode, nous allons voir en quoi réussir une entreprise data-driven c’est aussi un enjeu d’ordre culturel.
Dans cet épisode, nous allons voir en quoi réussir une entreprise data-driven c’est aussi un enjeu d’ordre culturel.
Une entreprise data-driven ? C’est simple ! C’est avoir des données et les bonnes ! Plein de données, le plus possible. Et tu verras avec la puissance du big data et des data scientists au top, on va transformer ton business.
Et tu vas me rajouter qu’il faut aussi des applications digitales au top, des tuyaux super rôdés et bien connectés dans lesquels cet « or noir » de la donnée circulera à l’image d’un réseau de vaisseaux sanguins qui irriguent le corps du sportif performant.
Exactement. Des data et de la tech et le tour est joué. On investit massivement et on double nos concurrents tu verras.
Aucun doute, il faudra investir. Dans les outils informatiques comme dans les compétences hyper spécialisées que tu évoques. Mais pas seulement, loin s’en faut ! Alors, l’entreprise data-driven, un défi culturel, c’est quoi l’histoire ?
Un outil informatique au top, avec des données au top, c’est évident que c’est loin d’être suffisant. Deux entreprises peuvent disposer de la même donnée et d’outils puissants sans pour autant en faire quelque chose de bien.
Mettre ces joyaux bruts que sont les données dans un bel écrin ne signifie pas nécessairement que tu saches les tailler, les sertir et faire plaisir au client pour créer de la valeur. Digital ou pas, être orienté client, penser pour le client, c’est une affaire de culture avant d’être une affaire d’outils.
On comprend aisément cette première dimension culturelle du sujet. La donnée, comme les outils qui l’utilisent, sont au service de nos décisions, et la pertinence de ces dernières, ce qu’on pourrait appeler l’intelligence des décisions, est tributaire de la culture d’entreprise qui les guide.
On retrouve là un sujet simple : la donnée n’est pas information, l’information n’est pas connaissance et la connaissance n’est pas intelligence. Même si l’on sait, intuitivement, que la qualité de nos décisions est d’autant meilleure que nous disposons de données pertinentes et utiles.
Et cela vaut pour tous processus établi, dont l’efficacité in fine dépend de la qualité des données bien sûr mais aussi de ce que l’on en fait. Mais allons plus loin que cette première évidence. Disposer de masses importantes de données ne signifie pas nécessairement que tu saches quoi en faire.
Dit en d’autres termes, les experts des données doivent travailler de concert avec d’autres services, des experts métier par exemple. Pour qu’ensemble, ils soient capables de mettre la donnée au service du métier, ils vont donc devoir coopérer.
En l’occurrence cela signifiera que l’expert métier devra développer un minimum de culture des données, ne serait-ce que pour comprendre intimement leur portée et le champ des possibles qui en résulte. C’est en s’intéressant à cette expertise technique que les experts métiers sauront la mettre à profit pour la finalité qu’ils poursuivent.
De leur côté, les experts des données devront s’intéresser tout aussi intimement à cette finalité et à ce qu’il faut mobiliser pour la servir pour être en capacité de diriger utilement leur expertise.
Travailler de concert, en d’autres termes, exige plus que de se passer un ballon en ne sachant rien du jeu de l’autre. Chacun doit non seulement comprendre le rôle de l’autre, son positionnement sur le terrain, les combinaisons dans lesquelles il est impliqué et le projet de jeu collectif.
Dans le cas contraire, chacun a des œillères, enfermé dans sa propre expertise, soufflant très fort dans son tuyau d’orgue mais sans que personne ne joue finalement la même partition, favorisant plus la cacophonie que l’harmonie aux oreilles du public.
En substance, il y a là 2 enjeux. Le 1er c’est que celles et ceux qui décident aient une culture minimale des données, pour apprécier leur portée et le champ de ce qui possible de faire avec pour décider de ce qui est souhaitable et des projets structurants qui en découlent.
Et le 2nd enjeu concerne celles et ceux qui pensent et réalisent les programmes qui résultent de ces décisions stratégiques et qui ne doivent, en aucun cas, considérer les experts techniques de la data comme une sorte d’intendance à leur service mais bien des partenaires avec qui œuvrer pour la même cause, ce qui suppose là encore développer un minimum de culture du sujet qui les occupe.
Ces 2 enjeux permettent au fond de s’assurer de la pertinence de ce que l’on fait du formidable potentiel des données. En d’autres termes, la destination et les étapes du voyage, les données en étant le carburant et le digital, le véhicule qui les utilise.
Mais il y a un 3ème enjeu. Tu connais l’acronyme informatique GIGO ? Ce n’est pas le LIFO/FIFO de la gestion des stocks mais GIGO : « Garbage In, Garbage Out ». L’informatique c’est simple : quand il y a de la merde qui rentre, il y a de la merde qui sort !
En d’autres termes, si la donnée est un capital, fructueux si on l’utilise intelligemment comme on vient de le voir, c’est aussi un capital qui s’entretient. Comme tout patrimoine, c’est l’affaire de toutes et tous.
Ces données, presque tout le monde les utilise dans son travail, en en produisant ou en en récoltant, en les transformant, les saisissant dans des outils, en les vérifiant, etc. Bref, tout le monde contribue à sa manière à entretenir ce patrimoine.
Or, pour que chacune et chacun entretienne ce capital, chacun doit en connaître l’histoire, la valeur, l’importance pour lui, pour celles et ceux avec qui il travaille, pour le projet auquel il contribue et pour l’entreprise dans son ensemble.
Là encore, il y a un socle culturel minimal à développer, ce qu’on appelle la data literacy ou une littératie des données. Pour apprendre une langue, il faut de l’alphabétisation, la langue des données n’y échappe pas.
Une entreprise qui s’affranchirait de répondre à ces 3 enjeux, fascinée par la certitude de l’expertise technique et la puissance de feu des outils, risquerait de se heurter au fameux « facteur humain ».
Un peu à l’image du Knowledge Management dans les années 90/2000, surtout porté par sa dimension technologique et avec une prise en compte insuffisante de la dimension humaine qui lui donne sens, et dont on sait qu’il n’a pas tenu les promesses espérées.
En résumé, pour qu’une entreprise mette réellement à profit les données et les outils digitaux qui les utilisent, il faut qu’elle développe un socle culturel minimal sur le sujet, et ce de manière adaptée pour 3 populations : celles et ceux qui décident, celles et ceux qui bâtissent les politiques et programmes qui en découlent et enfin tout le corps social qui œuvre à leur mise en œuvre.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.