Agilité, gouvernance et autonomie

Dans cet épisode, nous allons voir en quoi les questions de gouvernance et d’autonomie sont clés en matière d’agilité collective.

Dans cet épisode, nous allons voir en quoi les questions de gouvernance et d’autonomie sont clés en matière d’agilité collective.

Aah ce discours sur l’agilité : se transformer pour devenir agile, avec, en bruit de fond, les intérêts des marchands en tout genre et cette promesse aussi utopique qu’erronée d’un digital source de toutes les vertus …

Comme s’il suffisait de s’inspirer des méthodes agiles en matière de développement informatique pour résoudre l’éternelle question d’un modèle d’organisation taylorien qui manque de souplesse quand il s’agit de s’adapter rapidement à un contexte qui change…

Mais alors au-delà de ce discours techno-marketing, pourquoi les questions de gouvernance et d’autonomie sont-elles déterminantes dans cette quête d’adaptation permanente ? Agilité, gouvernance et autonomie, c’est quoi l’histoire ?

Revenons à la finalité. Ce qu’on entend ici derrière ce mot contemporain d’agilité, en vérité, ce n’est rien d’autre que capacité d’adaptation constante et rapide aux changements auxquels on est confronté. En d’autres termes, l’agilité c’est une forme de transformation permanente.

Oui mais c’est quoi s’adapter en continu ? Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? On le sait, l’entreprise est essentiellement structurée par des processus normatifs, dérivés contemporains du taylorisme, parce qu’elle a besoin d’être efficiente.

Il suffirait alors de se dire que s’adapter collectivement au fond c’est adapter les processus collectifs à une nouvelle donne, à une situation qui a changé. Sauf que dans la pratique, on le sait, c’est loin d’être aussi simple, et cela pour deux raisons.

D’abord parce que les processus ne sont pas toujours adaptés aux situations réelles sur le terrain, parce que trop silotés, parfois conçus hors sol, et parce que la réalité des situations de travail est rarement conforme à l’idée qu’on s’en fait… quand on n’est pas sur le terrain.

Et puis quand bien même le soient-ils à « l’instant t », il faut du temps pour réviser un processus, surtout dans une entreprise de taille importante. Or, si les changements sont incessants, ils sont aussi parfois rapides et brutaux, ce qui ne laisse pas suffisamment de temps pour repenser la grosse mécanique.

D’un côté, les processus sont parfois une sorte de « grand machin », comme le général de Gaulle qualifiait l’ONU à une époque, pour désigner quelque chose de lourd, de complexe, inadapté aux circonstances concrètes.

Et de l’autre, l’inertie du grand paquebot qui, lorsqu’il veut changer de cap a besoin de temps et de distance. Il ne peut pas donner des coups de gouvernail à droite et à gauche pour surfer sur chaque vague comme le ferait un skieur de bosses pour épouser le terrain.

Alors il ne reste qu’une option : adapter la norme au contexte en temps le plus réel possible. Et cela prend deux grandes dimensions. D’une part, des décisions collectives prises au plus près du terrain et, d’autre part, des décisions individuelles pour ajuster le travail prescrit à ce qu’exige la situation.

La première dimension correspond à une décentralisation des centres de décisions collectives. On accepte en d’autres termes que la prise de risque qui résulte inévitablement de ces modifications soit assumée à un niveau plus local.

Et par conséquent cela questionne la nature de la structure de gouvernance des entreprises. Une grande entreprise, intégrée, centralisée, où les décisions collectives ne sont prises que dans un siège mondial dans une grande tour s’adapte moins vite par nature que des structures locales qui collent à la réalité du terrain.

Prenons un exemple simple, pendant la crise de la Covid, lorsque le gouvernement décrétait à 20H le lundi que dès le lendemain on pouvait rouvrir tel ou tel rayon de produits non essentiels, et bien le lendemain tu as les magasins qui sont près dès l’ouverture et ceux qui mettent plus de temps.

Et entre les deux, c’est du chiffre d’affaires en moins ou en plus ! On imagine bien alors que le temps d’adaptation est plus long quand il faut cascader une longue chaîne hiérarchique dans un groupe centralisé. Sauf à y aller à marche forcée mais alors il y a nécessairement des dégâts collatéraux. Comme des RPS par exemple.

En un mot, s’adapter à des conditions qui changent vite et fort ça passe d’abord par des décisions au plus près du terrain. Et cela invite à interroger les modes de gouvernance et les processus de décisions.

Mais au-delà de ces décisions collectives, il y a aussi la seconde dimension, celle de l’initiative individuelle. On l’a vu, là aussi pendant la crise sanitaire ! Dans de nombreuses entreprises, les adaptations se sont faîtes grâce à des collaborateurs qui se sont non seulement engagés mais qui ont pris des initiatives pour faire en sorte que ça marche !

Absolument, et force est de constater que dans beaucoup de cas, ça a marché grâce à eux. Grâce à ce formidable engagement des gens, qui au fond aiment bien faire leur travail. Y compris lorsqu’il faut prendre le risque de ne pas appliquer la norme, le processus, le travail prescrit à la lettre. En un mot parfois l’initiative c’est contourner les instructions pour une bonne cause !

C’est là où deux cas de figures se présentent. Soit on autorise les collaborateurs à prendre une initiative en leur donnant une certaine marge de manœuvre ou, à l’inverse, on ne l’accepte pas et dans ce cas, ils n’ont d’autre choix que de ne rien faire mais ça ne résout pas le problème, ou de contourner les instructions mais cela les expose.

Dans les deux cas, ils ont mal au ventre ! Soit parce qu’ils ne peuvent pas bien faire leur travail soit parce qu’ils sont obligés de tricher. En d’autres termes, la clé c’est de leur laisser une part d’initiative mais dans un cadre donné.

Et c’est précisément ce qu’on appelle l’autonomie. Une liberté dans un cadre donné. Et qui t’es donné par ton manager qui t’a délégué une zone de responsabilité au sein de laquelle tu te gouverne librement.

Autonomie et délégation, les principes de base du management, vieux comme le monde, qu’on a peut-être réduits à peau de chagrin dans certaines entreprises qui ont poussé le modèle taylorien à son paroxysme et dont on redécouvre désormais la nécessité à mesure que l’on a besoin d’être collectivement agile.

En résumé, l’agilité c’est la capacité d’adaptation rapide et constante d’une entreprise. Cela dépend de sa capacité à prendre des décisions collectives au plus près du terrain et des événements et de permettre des initiatives individuelles encadrées. L’agilité est donc une question de gouvernance et d’autonomie.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire