Les fondamentaux de la démarche prospective
Dans cet épisode nous allons expliquer les fondamentaux de la démarche prospective et notamment voir en quoi elle se distingue d’une simple logique de prévision.
Dans cet épisode nous allons expliquer les fondamentaux de la démarche prospective et notamment voir en quoi elle se distingue d’une simple logique de prévision.
On n’aime pas le risque et l’aléa nous inquiète. Les Gaulois n’avaient-ils pas peur que le ciel leur tombe sur la tête quand bien même ce ne soit pas très probable ? L’aversion au risque, principe théorisé il y a très longtemps, est un sujet qui structure nos décisions et les modes de fonctionnement de nos entreprises.
Alors comme on a peur de l’inconnu, on éprouve le besoin de tout contrôler. On essaye de tout prévoir, y compris l’impensable auquel nous devrions plutôt essayer de nous adapter lorsqu’il survient. Prendre l’irrationnel comme une donnée du problème plutôt que de chercher vainement à rationaliser ce qui ne peut pas l’être.
Et c’est ce à quoi nous aide la démarche prospective. Là où le sur-contrôle et l’excès de prévision nous clouent devant le fait accompli réduisant notre capacité d’adaptation lorsque l’imprévu surgit, la prospective nous aide à anticiper. Mais c’est quoi au juste ? Les fondamentaux de cette démarche prospective, c’est quoi l’histoire ?
Commençons par rappeler le principe général qui distingue la démarche prospective de la prévision. La prévision c’est imaginer un seul futur possible en fonction duquel on construit ses plans d’action, là où la prospective consiste à penser des scenarios en fonction de plusieurs futurs possibles et de s’adapter en fonction de ce qui advient dans la réalité.
« Il faut avoir l’avenir dans l’esprit et le passé dans les archives » disait Talleyrand. La prospective s’inscrit résolument dans une perspective d’avenir. Pour autant, ce n’est pas un don divinatoire, ni une boule de cristal, bien au contraire.
Non, la boule de cristal ou les oracles, c’est une prédiction. Une prévision donnée par un tiers et auquel tu crois. La prospective c’est bien une démarche d’anticipation qui t’aide à structurer ton action en fonction de la manière dont les choses pourraient évoluer.
Ce fut d’ailleurs une discipline aux lettres de noblesse indiscutable avec des grands penseurs comme Gaston Berger qui en est un peu considéré comme le père fondateur en France. Dans les faits et les pratiques d’entreprise, force est de constater en revanche que – si elle existe de façon formalisée ou non – elle reste réservée à une élite pensante.
Oui et c’est une trace laissé par le « one best way » du taylorisme dont l’un des principes, au-delà de la décomposition horizontale de la chaine de valeur, repose aussi sur un découpage vertical entre ceux qui pensent la meilleure manière de faire et ceux qui l’exécutent.
Alors que dans un environnement instable, sans cesse changeant où la transformation doit être permanente, cette disposition d’esprit, la prospective, devrait être largement démocratisée, mais cela exige de laisser de la place à l’autonomie professionnelle, ce qui n’est pas toujours la norme.
Exactement. Et précisément parce que la prospective vise au fond à répondre à 5 grandes questions comme le rappelle Michel Godet [1], l’un des spécialistes français du sujet. On peut en balayer rapidement la logique.
La 1ère question c’est de se connaître soi-même, les caractéristiques de notre entreprise ou de notre équipe à une maille plus fine. De savoir ce qui fait notre identité, nos forces, nos faiblesses, nos compétences mais aussi la manière dont ces caractéristiques peuvent évoluer. Tiens une pyramide des âges par exemple. Parce ce que savoir ce que nous sommes conditionne ce que nous pouvons faire par nature.
On essaye ensuite d’imaginer ce qui pourrait arriver. C’est là la clé de l’exercice : formuler des hypothèses sur la manière dont les choses pourraient évoluer. Par exemple, lors de la survenue de la crise sanitaire en 2020, bon nombre d’entreprises a réfléchi à ce qui pouvait arriver, des scenario de type « what if ? ». Et si le monde de demain s’effondrait économiquement, ou se recroquevillait sur du local ou s’enfermait dans une bulle digitale par exemple ?
Et c’est à partir de ces hypothèses qu’intervient la 3ème question : que puis-je faire ? Dit en d’autres termes, en fonction de ce que je suis et des hypothèses formulées quant à l’avenir, quel champ des possibles s’ouvre à moi, en restant réaliste dans mes réponses. Quelles options sont réellement ouvertes pour répondre à ces scenarii ?
Et parce qu’on ne va pas rester les bras ballants devant ces scenarios comme une poule devant un couteau et bien on doit faire un choix, même si l’on sait que l’on devra peut-être l’infléchir si jamais l’avenir ne se dessine pas comme prévu.
Et ce choix on le décline en plans d’actions comme on le fait dans une logique de prévision ! Sauf que là on sait qu’il va avoir un impact sur la réalité de la situation et que l’on poursuivra cette logique pour s’adapter en continu.
Et oui c’est un peu une démarche de progrès constant ou d’adaptation en continu, un peu comme les méthodes agiles en développement informatique. On adapte nos décisions en fonction de la manière dont elles transforment le réel et de la manière dont ce dernier se déforme.
Oui mais en étant mieux préparé parce qu’à chaque fois on imagine différents scenarii, ce qui nous ouvre une palette plus vaste. Comme on dit souvent il n’y a pas un plan A et un plan B mais bien toutes les lettres de l’alphabet.
Et même toutes les nuances de gris, voire l’infini des couleurs de l’arc-en-ciel. Bon une limite quand même à cet exercice c’est qu’on imagine des futurs possibles pour s’y préparer. Donc on peut les penser. Cela ne nous prémunit pas de l’impensable. Mais ça c’est inhérent à la vie.
En résumé, la démarche prospective vise à comprendre ce que l’on est pour définir plusieurs options en fonction de scenarii possibles quant à l’avenir et d’ajuster en continu celle qu’on a choisi de mettre en œuvre en fonction de ce qui se passe dans les faits.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire
[1] Michel Godet en collaboration avec Philippe Durance, « Prospective stratégique : problèmes et méthodes », Cahier du Lipsor n° 20, Janvier 2007