Les outils numériques, le savoir et l’intelligence

Dans cet épisode nous allons parler de l’intérêt des outils, qu’ils soient numériques ou pas d’ailleurs comme moyen ou potentiel d’intelligence créative

Dans cet épisode nous allons parler de l’intérêt des outils, qu’ils soient numériques ou pas d’ailleurs comme moyen ou potentiel d’intelligence créative.

Combien de fois nous a-t-on vendu les mérites du numérique, des outils collaboratifs ou de telle ou telle nouvelle technologie, comme levier de créativité. « Ah oui mais comment tu fais pour faire tes podcasts, je les trouve supers ! Tu as acheté quoi comme micro ? »

Et oui, si l’habit ne fait pas le moine, le pinceau ne fait pas le peintre, l’appareil photo ne fait pas le photographe, encore moins le filtre Instagram ! Comme si la maîtrise de l’outil faisait l’intention.

D’autres fustigent encore Powerpoint comme cause d’une pensée devenue séquentielle et morcelée. Mais est-ce bien la faute de l’outil ? Ou l’utilisation que nous en avons est-elle au contraire révélatrice de ce que nous sommes ?

En effet, ni la Poste ni le stylo ne sont responsables des conneries qu’on écrit dans nos lettres et pourtant, sans eux, peut-être ne les aurions-nous jamais écrites. Entre les outils, le savoir, l’intelligence … C’est quoi l’histoire ?

Les avancées technologiques concourent inévitablement au développement des savoirs mais aussi à notre manière d’exercer notre métier voire d’appréhender certaines situations professionnelles.

Et c’est le cas en fait de tout outil, pas seulement les outils numériques. Le stylo par exemple n’est évidemment pas à l’origine du poème mais il a bien ouvert un champ des possibles au poète. Or, ce champ des possibles va au-delà du choix des mots que l’esprit, l’âme ou le cœur aurait pu faire naître chez l’auteur·trice.

Oui, si on prend les calligrammes, qu’affectionnait particulièrement Guillaume Apollinaire, on se rend bien compte que le stylo ouvre des perspectives nouvelles. D’ailleurs c’est ce qui lui a fait dire à Pablo Picassso : « moi aussi je suis peintre ! ».

Il y a dans cette anecdote, deux remarques. La première c’est que l’outil porte en lui un potentiel de détournement créatif. L’outil conditionne à la fois le comportement de celle ou de celui qui l’utilise mais il ouvre également des possibilités qui vont par nature au-delà de l’utilité pour laquelle il est prévu.

Qui n’a pas eu envie, à l’école, de transformer son stylo Bic en sarbacane ? Ce n’est pas l’utilisation première d’un stylo, et pourtant on est nombreux à l’avoir utilisé ainsi !

Honnêtement je ne vois vraiment pas à quoi d’autre un stylo pourrait servir si ce n’est de balancer des boulettes sur les profs quand ils ont le dos tourné ! Et cela nous conduit à la deuxième remarque : l’outil peut contribuer à décloisonner la pensée.

En effet, le détournement de l’outil de sa fonction initiale, le potentiel nouveau qu’il ouvre à celle·celui qui l’utilise, s’il s’inscrit dans la finalité de départ – contrairement à mon exemple de la sarbacane – concourt également à une forme de décloisonnement.

L’exemple d’Apollinaire est en ce sens illustratif : le calligramme vient renforcer la poésie, il crée un pont entre le mot et l’image et donne aux deux la possibilité de s’épouser.

Les outils technologiques nous amènent le même potentiel créatif et peuvent contribuer à décloisonner la pensée… si on s’y autorise.

Ce à quoi le numérique ne peut pas véritablement prétendre c’est l’intelligence au sens propre et traiter ce qui « se glisse » dans les interstices des modèles.

Si on n’attend pas du stylo qu’il nous fasse devenir poète, n’attendons pas non plus des outils technologiques qu’ils nous rendent intelligent·es, doué·es ou créatif·ves. Ils sont ce qu’ils sont, c’est-à-dire des outils.

Or pourtant, derrière les outils se cachent souvent son lot de peurs et de fantasmes conduisant à ce que l’on imagine que les outils à eux seuls vont révolutionner le monde. Dans cet esprit, le Knowledge Management (KM) dans les années 1995/2000 offre une bonne illustration. La place donnée à la technologie dans la manière dont les projets ont été pensés à l’époque a vraisemblablement contribué à ce que la « chose humaine » soit insuffisamment considérée. C’est une des raisons (bien que ce ne soit pas la seule) pour lesquelles le soufflet ultra-prometteur du KM est retombé finalement assez vite.

Essentiel alors de développer notre maîtrise des outils pour pouvoir exploiter leur plein potentiel mais aussi de s’autoriser à être créatif car c’est également dans le contournement que se trouve son apport et sa valeur. Et enfin, il convient de développer ce qu’on pourrait appeler une forme d’intelligence professionnelle qui ne se limite pas à la bonne utilisation des outils à notre disposition, mais ça c’est un autre sujet.

En résumé, les outils qu’ils soient numériques ou non, au-delà de leur fonction première sont porteurs d’un détournement créatif et peuvent ainsi contribuer à décloisonner la pensée. Il ne faut en revanche pas attendre des outils qu’ils nous rendent intelligent·es car cette intelligence humaine-là, c’est à nous qu’il appartient de la développer.

J’ai bon cheffe ?

Oui tu as bon, mais on ne va pas en faire tout une histoire.