L’équité une affaire de perception

Dans cet épisode nous allons vous parler d’équité dans les processus de décision en entreprise.

Dans cet épisode nous allons vous parler d’équité dans les processus de décision en entreprise.

L’équité est souvent présentée comme une des solutions pour lutter contre les discriminations et favoriser la diversité. Or, « l’équité » est précisément le problème : c’est parce que nos décisions ne sont pas systématiquement équitables que la discrimination peut s’immiscer dans nos pratiques quotidiennes.

Mais que veut dire être équitable ? Sur quoi doit-on fonder une décision pour que celle-ci soit considérée comme équitable ? C’est quoi l’histoire ?

La notion d’équité renvoie à celle de justice. Si on prend la définition du Larousse, l’équité est je cite le « caractère de ce qui est fait avec justice et impartialité ». Il s’agit, je cite là encore d’une « qualité consistant à attribuer à chacun ce qui lui est dû par référence aux principes de la justice naturelle ».

Et concrètement, ce que cela veut dire c’est qu’agir de manière équitable, consiste à prendre une décision en tenant compte de la situation dans son ensemble et ce, au regard de règles qui nous semblent justes. Deux situations étant par nature différentes, agir avec équité consiste à adapter la décision prise au regard de leurs différences.

Tout à fait, en revanche, les règles fondatrices, les fameux « principes de justice naturelle » évoqués par le Larousse, elles, ne doivent pas changer d’une situation à l’autre. On établit des lignes directrices, des critères sur lesquels on base nos décisions et ces règles sont immuables. Ce qui change c’est notre interprétation de la traduction de ces règles dans nos décisions au regard des différences que présentent les situations.

Dire cela pose alors deux questions.

  • La première c’est celle de la justification de la discrimination positive portée notamment par la théorie de la justice de John Rawls (1987) qui justifie que l’on ait un traitement différent pour favoriser des populations qui seraient de fait « moins bien dotées ». Cependant la discrimination positive est jonchée de paradoxes mais c’est un autre sujet.
  • Et la seconde c’est celle de l’équité pour toutes et tous comme principe fondateur des décisions que l’on prend. C’est sur cette question que nous souhaitons nous arrêter un instant. Chercher à prendre des décisions équitables revient à considérer une situation dans son ensemble et surtout dans sa complexité.

Prenons un exemple : si je décide de donner un bonus à tou·tes celles et ceux qui ont « produit 100 » sans regarder de manière plus fine les particularités des situations de chacun·e, je risque de créer des déséquilibres. En effet, il est peut-être plus facile de produire 100 dans ce service très dynamique, dans lequel l’entreprise investit depuis des années ou qui est présent sur un marché très porteur et beaucoup plus difficile de produire ces mêmes 100 dans le service d’à côté, avec des moyens plus faibles ou sur un marché plus réticent.

C’est la raison pour laquelle, aux politiques de reconnaissance basées uniquement sur un résultat se sont substituées les politiques de reconnaissance fondées sur une performance, c’est-à-dire qui tiennent compte d’une norme, de ce qui est attendu des autres et des résultats passés, mais c’est un autre sujet. L’équité consiste donc à ne pas demander nécessairement 100 à tout le monde mais à adapter l’objectif fixé en fonction de différents paramètres relatifs à la situation.

Et si les entreprises ont intérêt à adresser le sujet de l’équité dans leurs prises de décisions c’est parce qu’elle est décisive sur la motivation ou, à l’inverse, la démotivation des salarié·es. Et la motivation c’est ce qui est moteur chez les personnes, c’est ce qui les pousse à faire un effort pour chercher à obtenir un résultat.

En fait, si l’équité est autant décisive c’est parce que toute personne compare en permanence la perception qu’elle a de ses conditions d’emploi avec celles des autres. C’est John Stacey Adams qui explique cela en parlant de ratio d’équité ou d’inéquité dans sa théorie de 1963.

Et il s’inspire de la théorie de la dissonance de Festinger, en 1957, qui explique que si je perçois une différence de traitement, je vais naturellement en chercher les raisons. Si celles-ci me semblent injustifiées alors il y a dissonance, c’est-à-dire contradiction, et je vais chercher par tous les moyens à rééquilibrer la situation.

Un sentiment d’iniquité peut alors devenir source de motivation ou de démotivation en cela que le·a travailleur·euse va chercher à réduire l’injustice qu’il·elle observe.

Arrêtons nous un moment sur ce mot « qu’il observe ». L’équité est bien une affaire de perception. D’abord, la perception de l’effort que je produis et de la valeur de la récompense que je reçois. Mais aussi la perception du travail des autres alors même que je ne vois pas l’ensemble de leurs résultats ni l’ensemble des contraintes auxquelles ils·elles sont confronté·es.

Oui et mon sentiment repose également sur ma propre interprétation des règles et de la manière dont elles sont appliquées. L’équité dépend donc des informations que l’on possède sur une situation.

Et encore faut-il être disposé·e à les recevoir, les analyser et les prendre en compte ces informations dont tu parles.

Être disposé·e à les recevoir oui, mais aussi tout simplement y avoir accès. Pour que chacun·e puisse se considérer comme traité·e de façon juste et équitable, les décisions prises, comme les règles et principes qui les régissent, doivent être communiquées, clairement et sans distorsion. Cela nécessite alors que ces règles et principes soient clairement identifiés et pensés en amont.

Au fond, c’est cela le sujet du principe d’équité :

  • Établir des principes de prise de décision que l’on a pensé dans toute leur complexité ;
  • Communiquer en amont ces principes pour que chacun×e puisse agir en conséquence ;
  • Décliner et appliquer ces principes au quotidien dans toutes les décisions que l’on prend ;
  • Communiquer les décisions prises et pourquoi elles l’ont été ;
  • Et enfin, ne pas changer les règles du jeu en cours de partie.

Il y a donc ici un rôle à jouer pour la fonction RH dans la définition des critères sur lesquels les décisions seront prises mais aussi un rôle de pédagogie dont les managers doivent être le relai pour en expliquer les principes sous-jacents à l’ensemble des parties prenantes. Une affaire donc de réflexion et de communication !

En résumé, l’équité demande de regarder une situation dans son ensemble avant de prendre une décision, sans pour autant changer les principes fondateurs. L’appréciation du caractère équitable d’une décision est toutefois une perception. Il faut donc travailler sur les principes fondateurs mais également sur la communication et l’explication pédagogique de ces principes au plus grand nombre.

J’ai bon cheffe ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire