Changement, transformation ou métamorphose ?

Dans cet épisode, nous allons nous interroger sur les mots, et tenter de comprendre ce qui se dessine derrière l’évolution du mot changement en transformation dans le vocabulaire managérial.

Dans cet épisode, nous allons nous interroger sur les mots, et tenter de comprendre ce qui se dessine derrière l’évolution du mot changement en transformation dans le vocabulaire managérial.

Les évolutions sémantiques ne sont pas anodines. Qu’elles s’imposent par les discours techno-marketing des marchands ou qu’elles proviennent des personnes directement concernées par ce qu’elles désignent, ces mutations du discours managérial traduisent souvent bien plus qu’on ne l’imagine.

Oui et pour lire entre les lignes il faut revenir au sens des mots. Le vocabulaire évolue, mute, pour ne pas dire change, se transforme voire se métamorphose ! Et en matière de métamorphose, la transformation a clairement remplacé le changement, en effet. Mais de quoi parle-t-on vraiment ? Entre changement, transformation et métamorphose, c’est quoi l’histoire ?

Commençons par une allégorie. Celle de la grenouille. Vous la connaissez certainement.

Elle nous dit que si l’on plonge subitement une grenouille dans de l’eau bouillante, elle en sort immédiatement. D’un bond.

Alors que si elle est d’abord plongée dans de l’eau froide et que l’on porte progressivement cette eau à ébullition, alors la grenouille y reste s’habituant progressivement à la température qui monte et finit par être ébouillantée.

Bref, cette fable néanmoins met en garde. Que wikipédia formule ainsi : « lorsqu’un changement s’effectue d’une manière suffisamment lente, il échappe à la conscience et ne suscite ni réaction, ni opposition, ni révolte ».

Le changement désigne le fait de passer d’un état à un autre. Le Larousse nous dit que « l’on parlera, selon la nature, la durée et l’intensité de ce passage, d’évolution, de révolution, de transformation, de métamorphose, de modification, de mutation ».

Et si l’on va plus loin, le Larousse précise que, je cite, « Il faut distinguer le changement endogène dû à des causes internes (par exemple, les révolutions politiques), et le changement exogène dû à des causes externes (par exemple, la révolution du téléphone portable) »

Dans la pratique, les causes endogènes et exogènes peuvent se combiner, s’amplifier voire s’annuler, évidemment. Le fait de parler de causes, et a fortiori avec ce distingo endogènes / exogène, nous renvoie à l’idée d’un changement que l’on subit.

Oui, et dont on n’apprécie pas toujours les conséquences par opposition au changement qu’on décide. C’est là peut-être une première subtilité à entendre, car ce que les uns décident constitue bien souvent ce que les autres subissent…

Si le changement évoque le passage d’un état à l’autre, la transformation elle évoque le passage d’une forme à une autre.

En changeant, le changement en transformation on passe donc du changement d’état au changement de forme. Le changement d’un état A à un état B, selon la formule de Lavoisier « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » invite à penser que lorsqu’on passe de l’état A à l’état B on consomme de l’énergie cela fait mal, comme tout effort. Alors la transformation, le passage d’une forme A à une forme B, cela ferait moins mal ?

On passerait du fond à la forme donc ?

L’état est une manière d’être, l’eau de la grenouille passe d’un état aqueux à un état gazeux au grand dam de ladite grenouille qui n’y a vu que du feu.

Alors que la forme désigne « la qualité d’un objet, résultant de son organisation interne, de sa structure, concrétisée par les lignes et les surfaces qui le délimitent, susceptible d’être appréhendée par la vue et le toucher, et permettant de le distinguer des autres objets indépendamment de sa nature et de sa couleur ».

Tiens, comme si les lignes et la structure renvoyaient à l’image horizontale du 2.0 qui remplace la triste verticalité d’un monde devenu obsolète.

C’est peut-être pour cela que l’on préfère la transformation au changement ! Le passage d’une forme à une autre nous semble alors moins brutale que celui d’une manière d’être à une autre qui renvoie inévitablement à l’idée d’un passé irrémédiablement perdu.

C’est donc ainsi que la « Transformation » s’est érigée comme le concept contemporain qui éclipse celui de « changement » trop brutal, plus extérieur, donc plus douloureux et plus subi.

Un dernier mot dont on voulait vous parler dans ce podcast, celui de « métamorphose » qui renvoie au changement d’un être à un autre. Donc non plus, d’une manière d’être ou de sa forme mais bien de l’être en lui-même. Comme la chenille qui se métamorphose en papillon. Ou la métamorphose de Kafka.

On passerait alors du changement d’état au changement de forme puis au changement d’être, symbolisant ainsi l’idée de renaissance.

C’est le passage d’une forme juvénile, la chenille, à une forme adulte, le papillon. Ou en quelque sorte le passage d’un état adolescent à un état adulte : qu’on pourrait symboliser en entreprise, de celui qui se définissait par rapport à des modèles, rejetés ou idéalisés à celui qui décide en toute autonomie.

Parions donc que ce terme de « transformation » ne soit remplacé par celui de « métamorphose », qui offre définitivement une perspective plus intime et plus intérieure. Un terme qui renvoie à la notion d’identité, qui porte les germes de l’autonomie réelle, c’est-à-dire celle de la maturité.

En résumé, le changement c’est le passage d’un état à un autre état. Et ça peut être brutal. La transformation, c’est le passage d’une forme à l’autre, de manière plus progressive. Et peut-être, demain, nous parlerons de métamorphose, c’est-à-dire devenir adulte.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon, mais on ne va pas en faire toute une histoire.