Les risques du catalogue de formation
Dans cet épisode nous allons pointer certains risques liés au principe du catalogue de formation.
La formation, chez nous, c’est un véritable culte. Plus les gens se forment, plus on est content, plus on est efficace. Des salariés compétents, la boîte tourne bien et le tour est joué.
Qui, en effet, souhaiterait avoir des collaborateurs incompétents ? Essayez-donc juste une fois pour voir. Mais alors quel est ton secret pour qu’ils le soient toutes et tous, compétents ?
Un énorme catalogue de formation ! Les bottins de la grande distribution de la belle époque qui calaient les chaises bancales n’ont rien à y envier ! Tu y trouves absolument tout ce dont tu peux rêver. Tu ajoutes des entretiens annuels et une bonne application de talent management et hop !
Il n’y a plus qu’à demander alors ! Mais es-tu bien certain qu’il n’y a pas quelques effets secondaires ? Alors les risques du catalogue de formation, c’est quoi l’histoire ?
Entendons-nous bien dès le début. Nous ne disons pas qu’il ne faut pas former les gens en jouant du risque que l’on brandit pour faire peur dans les chaumières.
En revanche, on voudrait souligner une pratique qui n’est pas exempte d’effets secondaires. Une pratique qui consiste à donner au manager et au collaborateur un catalogue de formation avec pléthore de formations en tout genre. La liste au Père Noël.
Le plus souvent, en effet, avec une application informatique pour tes entretiens annuels.
Et le vice de l’automatisation à tout crin, qui part d’une bonne intention, du type face à une compétence, on met une entrée du catalogue de formation.
On imagine bien l’intention de départ en effet. Elle est louable. Faciliter la vie du manager à qui on demande, et c’est légitime et pertinent, de s’impliquer dans le développement des compétences de ses équipes.
Pendant l’entretien avec Paul… Paul, tu as beaucoup de qualités mais reconnaît que la maîtrise de l’analyse des données tu n’es pas pleinement au rendez-vous. Et c’est clé pour un poste RH comme le tien.
Je coche donc la case « à développer » et, Ô miracle, tiens regarde Paul, le logiciel miracle nous propose deux formations dédiées. « Data literacy pour les débutants » et « maîtrise de trois domaines statistiques essentiels ». Super, je fais une demande dans l’appli et toi, tu regardes de ton côté aussi ce qui pourrait te plaire.
Paul, tel un enfant devant le catalogue de jouets à Noël, explore ledit catalogue. 10 formations sur l’analyse des données. Il en sélectionne une de plus et son manager sera bien content.
On pourrait dire que c’est une belle histoire mais pas vraiment. Pour plusieurs raisons.
La plus importante, c’est ce qu’on pourrait justement appeler la liste au père Noël. Le catalogue a cet effet, y compris pour le manager qui pourrait être tenté de piocher un peu vite sans trop y réfléchir.
On n’est pas là pour dépenser un budget formation mais bien pour que les compétences utiles se développent. L’enjeu n’est pas de remplir un panier de course mais bien de préparer un plat harmonieux.
On en arrive donc au deuxième risque. Celui d’une vision pauvre du développement de la compétence. Du genre à chaque problème sa solution. Mais ça ne marche pas comme cela. La notion de compétence est tellement plus complexe que cela.
Là, en la matière, le pire c’est de systématiser la proposition d’une entrée au catalogue à partir d’une évaluation. C’est presque assuré de dépenser de l’argent pour pas grand-chose.
Non seulement on risque fort d’avoir une réponse très parcellaire au regard du véritable besoin de compétences.
Mais encore, on développe inconsciemment l’idée que la réponse à une compétence qu’il faut développer, c’est une formation.
Or, d’une part, la réponse la mieux adaptée et la plus efficace n’est peut-être pas une formation en tant que telle. Comme si ça affranchissait le manager, accompagné des RH, de réfléchir à ce qui est le mieux et qui est souvent multimodal.
Et, d’autre part, et c’est là le sujet le plus important, cette vision mécaniste qui met une boîte face à une autre boîte, est très loin de comprendre l’idée même de compétence dans un métier.
La réponse tient peut-être dans une combinaison de choses, comprenant savoirs et mises en pratiques, et couverts par différents modes d’acquisition et de développement.
De la même manière que certaines compétences demanderont peut-être un ensemble d’autres compétences à réunir avant de s’attaquer à une formation en particulier.
Bref comme toute approche mécaniste, c’est inévitablement trop standardisant pour bien répondre au sujet. C’est peut être d’ailleurs pour cela que c’est un métier.
Sans parler du risque inflationniste du catalogue qui affranchit implicitement de l’auto-formation et des efforts que chacun devrait faire pour progresser, de la tentation d’y mettre des envies plus que des besoins, en oubliant aussi en France que ton CPF peut servir à cela, etc.
Alors, le catalogue c’est peut-être une bonne idée pour répertorier mais attention à son utilisation pertinente.
En résumé, un catalogue de formation est un outil de référence mais il ne faut pas le diffuser aveuglément et systématiquement en pensant qu’il suffirait de piocher dedans pour un réel développement des compétences.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.