La RSE est un atout distinctif mais si elle est sincère
Dans cet épisode, nous allons parler de la RSE et expliquer pourquoi c’est un atout distinctif pour une entreprise.
La RSE ? C’est juste du reporting ! On n’a qu’à triturer les chiffres et créer un département dédié pour faire le rapport qui va bien ou choper le label qui fait joli non ? Business as usual, no matter what…
« Quoi qu’il arrive »… et bah voilà la conscience des enjeux ! Et tu vas me dire aussi que c’est à peine la peine d’honorer ses obligations légales en me rappelant que, la preuve, en 2021, 65% des entreprises n’avaient même pas respecté la leur sur le bilan carbone…
Surtout que j’ai d’autres soucis que tes trucs écolos rigolos hein moi. Tiens par exemple la main d’œuvre, va en trouver ! Ça c’est un vrai problème de Business…
Sauf que c’est peut-être lié… voire indissociable. C’est bien pour cela que la RSE est un atout distinctif mais si elle est sincère. Alors c’est quoi l’histoire ?
Remontons le temps quelques instants. Au début des années 2000, l’Union Européenne[1] définissait la RSE essentiellement sur les dimensions sociales et environnementales. Elle parlait « d’intégration volontaire » de ces sujets par les entreprises.
Depuis, c’est un concept plus vaste qui tient compte de toutes les conséquences de l’activité de l’entreprise sur ses parties prenantes. Or, ces dernières c’est aussi la planète, le monde et la société civile dans son ensemble.
En substance, c’est juste cela être « responsable ». Tenir compte des conséquences de ce que l’on fait. Et ce n’est pas juste « là maintenant » parce que tout principe de responsabilité s’inscrit forcément dans une perspective. Sinon ce n’est plus être responsable mais seulement rendre des comptes.
Depuis les années 2000, l’arsenal juridico-réglementaire s’est clairement resserré : les entreprises ont de plus en plus d’obligations en la matière et cela va aller crescendo, que ce soit sur le plan de la transition climatique comme du reporting extra-financier.
Seulement voilà, on le sait tous, et cela a été illustré en introduction avec l’exemple sur l’obligation de bilan carbone, l’arsenal légal ne suffit pas. Ni même les labels ou certifications d’ailleurs.
Certaines entreprises ont une grande habileté à jouer du reporting comme ça les arrange, en maniant le chiffre avec virtuosité. Tiens prends un exemple sur le reporting extra-financier. Tu dois évidemment afficher les accidents du travail : fréquence, intensité…
Il y a des entreprises qui doivent bien tenter le coup de ne pas prendre en compte les intérimaires ou les indépendants… Surtout que ce sont des populations plus exposées. Ou quand la lettre ne respecte pas l’esprit de la lettre !
D’autres sentant le filon sont aussi passées maîtres dans le washing : le green washing, le purpose washing, le social washing… Quitte à, là aussi, obtenir des labels, moins scrupuleux que d’autres ou… on ne sait trop comment…
Ni la morale, ni la loi ne suffisent, c’est une triste évidence depuis que l’humain est humain. La fraude est consubstantielle à la loi ! Le climat on s’en fout, après moi le déluge. Les gens ont s’en fout aussi, les petits fournisseurs, on s’en fout. Tant que je gagne.
Et justement, au jeu du qui perd gagne tu prends un risque, car il y a désormais un argument de plus, celui de ton intérêt… Parce que toutes tes parties prenantes y sont de plus en plus sensibles.
On sait qu’on ne convaincra personne, à tort certainement d’ailleurs, quant à l’évolution de la prise de conscience de certains actionnaires, de quelque nature soient-ils. Même si certains ont parfaitement compris justement où était leur intérêt n’en doutez pas…
C’est aussi le cas des consommateurs, depuis longtemps et de manière de plus en plus frappante. Une étude[2] du BCG et BVA par exemple nous dit que 91% des Français interrogés affirment être prêts à limiter leur consommation pour réduire leur impact sur le climat…
C’est surtout le cas de plus en plus fréquent de la part des collaborateurs et des candidats. Juste un chiffre même si, on le sait on l’a déjà dit, on leur fait dire ce qu’on veut : selon une étude[3] de l’Unédic, 84% des interrogés souhaitent que leur travail soit en adéquation avec le défi climatique.
On sait bien que les choses sont plus complexes dans la réalité que ce que quelques chiffres donnent à penser. La nature humaine est faite de paradoxes et l’intérêt individuel revient parfois au galop. Entre grande déclaration et choix concret il y a parfois un écart.
Mais comment ne pas mettre tout cela au regard de ce à quoi l’entreprise est confrontée depuis plusieurs années : crise des vocations, désengagement selon certains, quête de sens, mal-être au travail…
On ne va pas rentrer ici dans le détail mais il y a aucun doute qu’il y a une attente de plus en plus marquée à l’égard d’une entreprise « Responsable ».
Dit simplement la RSE, par sa nature même, est une formidable opportunité de restaurer un pacte social ou un état d’esprit collectif qui fait tant défaut à de nombreuses entreprises.
C’est un moteur d’attractivité aussi, même si ce n’est pas le seul évidemment, désormais il compte. Or, quand on fait des pieds et des mains pour attirer des candidats dans un marché de l’emploi terriblement tendu, comment ignorer l’argument ?
Il y a une condition essentielle en revanche pour que la RSE soit en effet cet avantage distinctif pour toutes ces raisons : qu’il s’agisse d’une véritable démarche, notamment sur le plan des remises en cause que cela suppose, notamment sur un plan culturel.
Sinon, le retour de manivelle est plus que violent.
Là où le moteur de la RSE était surtout moral, donc une volonté de la part des entreprises, c’est devenu une condition de leur performance, voire de leur survie pour certaines d’entre elles.
Ce n’est plus une étiquette qui parade sur le fronton du siège ou quelques formules sur du papier glacé, auxquelles plus personnes ne croient, c’est un atout distinctif sur lequel capitaliser.
En résumé, parce que toutes les parties prenantes sont de plus en plus exigeantes quant à la responsabilité de l’entreprise à l’égard de la société dans son ensemble, celle qui en fait une dimension ambitieuse et sincère de son projet se dote d’un atout distinctif.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire
[1] Commission Européenne (2001) « Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises », Livre vert, Bruxelles, COM (2001) 366 final, p. 10.
[2] CG analysis, BVA x BCG survey (Empowering consumers in the sustainability shift, Octobre 2021)
[3] Unédic-Elabe (2023) « Le travail en transitions » 1ère édition – Avril 2023