DRH, gardien du temple et du temps
Dans cet épisode nous allons parler du rôle de la fonction RH au regard d’une notion essentielle qui forge toute entreprise : sa culture
Dans cet épisode nous allons parler du rôle de la fonction RH au regard d’une notion essentielle qui forge toute entreprise : sa culture
Notre entreprise est fière de ses valeurs ! L’humain et la bienveillance au cœur de nos engagements pour nos clients. Et même que pour faire bien on va devenir une entreprise à mission, comme ça il ne faudra pas nous dire que cela manque de sens hein !
Et je me retourne vers la DRH : on fait 3 ateliers participatifs en mode coconstruction et les valeurs de la boîte on les affiche partout, on fait des goodies pour les clients, le message du CEO sur l’Intranet, un webinar ou un grand raout à la rentrée et c’est plié.
Sauf que la culture d’une entreprise, ce n’est pas aussi simple qu’afficher 3 valeurs et le crier haut et fort. Et, en la matière, la DRH a un rôle important à jouer. Alors, DRH gardien du temple et du temps, c’est quoi l’histoire ?
On ne va pas épiloguer des heures pour expliquer ici ce qu’est la culture d’une entreprise. C’est une notion très complexe, faite de nombreux paramètres, de l’habitus cher à Bourdieu en passant par les valeurs en effet, les représentations collectives, les manières de faire, etc.
Une notion en effet très complexe, que certains d’ailleurs assimilent à une image parlante, l’ADN de l’entreprise, en réduisant la notion de culture à celle d’identité. Au demeurant, si cette notion est aussi complexe qu’essentielle, elle a deux traits spécifiques qui nous semblent utiles à comprendre pour mieux saisir le rôle de la DRH à son égard.
La première caractéristique de la culture c’est qu’il s’agit d’une résultante. La culture de l’entreprise c’est un peu la résultante en effet de ce que nous sommes, de nos façons de voir, etc. Dit en d’autres termes, la culture d’une entreprise ne s’édicte pas à coups de décret !
Ce qui nous amène à la seconde caractéristique que nous voulons souligner. La culture, on ne la décrète pas mais, en revanche, on peut tenter de la faire évoluer, de la façonner. C’est ce qu’on appelle l’acculturation, c’est-à-dire le processus par lequel la culture existante va assimiler progressivement des éléments qui lui sont étrangers.
Et c’est long. C’est ça la 2nde caractéristique de la culture. Cela s’inscrit nécessairement dans un temps long. Pour faire du bon pain la pousse a besoin de temps. Il faut que cela percole, que cela perfuse, que cela ruisselle. Et c’est long.
Donc retenons que la culture d’une entreprise possède deux spécificités qui structurent, à nos yeux, le rôle de la fonction RH : 1 elle ne se décrète pas, c’est une résultante et 2 son évolution demande un temp long, qu’on le veuille ou non.
La culture ne se décrète pas, certes, mais il faut bien comprendre néanmoins que la culture qu’on a n’est pas nécessairement un atout pour réussir ce que l’on veut faire. Certaines entreprises par exemple ont une culture qui a tous les atours de la hiérarchie, de la verticalité de l’exercice du pouvoir, des barrettes, des perruques, des jabots et des cols montés
Là où leur ambition d’agilité collective suppose une souplesse qui demanderait peut-être à ce que l’on desserre un peu les nœuds de cravates !
Je me souviens de ce DRH à qui l’on demandait ce qu’il adoptait comme indicateur pour savoir à quoi il apprécierait l’évolution de la culture de son entreprise. Il avait répondu moins de grosses bagnoles à testostérone sur le parking !
Parfois les détails et les symboles c’est drôle. Ici c’est l’épaisseur de la moquette quand là c’est d’avoir une place de parking ou ailleurs la taille du bureau individuel ! Ah les charmes de l’humain ! Bon ce n’est pas la question, mais on pourrait s’amuser à faire un inventaire des signes extérieurs de pouvoir d’une entreprise à l’autre.
Non le sujet c’est le rôle du DRH. Et le premier qui se dessine c’est celui de « gardien du temple ». « Gardien du temple » ce n’est pas celui qui décide d’interdire l’entrée et de préserver l’intérieur coûte que coûte. Ce n’est pas celui qui, dans un instinct conservateur, cherche à préserver à tout prix la culture telle qu’elle est !
D’abord parce que c’est vain. La culture d’une entreprise est par nature vivante, c’est une troisième caractéristique que nous n’avons pas citée. Elle évoluera qu’on le veuille ou non. En l’occurrence « gardien du temple », c’est autre chose.
Oui c’est s’interroger en permanence sur deux choses. La première est simple à comprendre : veiller aux conséquences des décisions opérationnelles sur la culture et s’assurer qu’on les faits en conscience. Telle décision opérationnelle, par exemple, met à mal tel ou tel aspect que nous jugeons important dans notre culture. On le fait quand même ou on ne le fait pas ?
Etre « gardien du temple » dans cette première dimension c’est en effet s’assurer qu’on fait des choix en connaissance de cause au regard de la culture.
La seconde dimension du rôle de « gardien du temple » est aussi simple à comprendre. C’est se poser sans cesse une autre question : est-ce que notre culture nous permet de réaliser notre projet stratégique ou pas ?
Dit simplement, si la culture qui est la nôtre est incompatible avec l’ambition que nous visons, nous avons une alternative simple : changer l’ambition ou faire évoluer la culture, en acceptant dans les deux cas les conséquences de nos choix.
Et c’est là où intervient le second rôle de la DRH face à la question culturelle : « gardien du temps ». Là encore ce rôle est simple à comprendre et à exprimer, beaucoup plus à difficile à tenir dans les faits : faire comprendre et surtout accepter que si l’on choisit de faire évoluer la culture de l’entreprise cela prendra nécessairement du temps.
Et ce temps n’est pas toujours compatible avec les exigences de l’ambition qu’on porte. Mais c’est là où la DRH doit amener les décideurs à faire preuve d’hygiène de raisonnement et à accepter les conséquences de leurs choix.
Parce qu’en effet aucune démarche de transformation culturelle réelle, pas les démarches de surface, ne peut se faire dans des délais courts. Genre « bon la DRH cette année votre objectif annuel c’est changer la culture hein et on mesure ça à l’engagement avec un score… »
Le pire c’est qu’on n’est pas à l’abri que cela arrive, j’ai bien connu un responsable marketing donc le chef avait défini un objectif en nombre de slides produits dans l’année. Je lui avais conseillé d’écrire en Arial 72 points et un mot par slide.
Bon, sinon tu sais, si le vin dans la carafe ne te plaît pas change le, on vire tout le monde et on recommence à zéro… No comment.
En résumé, la DRH a deux rôles au regard de la culture de l’entreprise. 1 « gardien du temple » c’est-à-dire veiller à la cohérence dans le temps entre le projet de l’entreprise et sa culture et 2 « gardien du temps » c’est-à-dire s’assurer que les décideurs acceptent le temps nécessaire aux transformations culturelles qu’ils espèrent.
J’ai bon chef ?