3 clés pour faire parler les data en RH
Dans cet épisode, nous allons parler de 3 clés qu’il faut réunir pour faire parler les données, pardon les data, dans le domaine RH.
Dans cet épisode, nous allons parler de 3 clés qu’il faut réunir pour faire parler les données, pardon les data, dans le domaine RH.
Ah, le monde des RH n’est pas plus à l’abri qu’un autre des interprétations abusives et un peu trop rapides. Ajoutons les préjugés et les raisonnements à la con à une maîtrise perfectible des principes statistiques de base et on réunit un beau cocktail.
Combien d’études aussi improbables que racoleuses avons-nous dû subir ? Tiens, les chauves qui auraient plus de chance de réussir dans le business selon une étude menée par la Wharton School de l’Université de Pennsylvanie citée dans la presse française.
Celle du site d’offres d’emplois The Ladders qui montrait que chaque lettre supplémentaire dans un prénom ferait perdre en moyenne 3600$ de salaire annuel… ou encore la presse professionnelle française aux titres à deux balles : « Beau et méchant ? C’est plus 20% de salaire »…
…En reprenant à la va-vite une étude américaine[1] dont les conclusions sont évidemment plus complexes que cela et surtout interprétées en fonction de ce qui fera du bruit.
Le phénomène est vieux comme le monde. Je me souviens dans les années 90 d’un responsable de presse à qui nous fournissions des résultats d’enquêtes pour son marronnier de rentrée sur les « salaires des cadres » nous dire dans un restaurant parisien dans le 17ème : en 1 l’audience, en 2 la pub et en 3 les résultats de l’enquête …
Mais alors, que faut-il développer comme qualités pour éviter ces interprétations hâtives et tous ces biais ? 3 clés pour faire parler les data en RH, c’est quoi l’histoire ?
Ce dont on parle ici c’est de la capacité à interpréter des faits et des données. Avec l’illusion de croire, chez certains, qu’il suffit de manipuler deux ou trois chiffres pour pouvoir conclure. « Ah j’ai l’impression que le prix du pain augmente, donc tout augmente ma bonne dame ».
L’inflation et le pouvoir d’achat, tiens oui c’est un très bon exemple de sujet qui réunit nombreux de nos biais et qui fait l’objet de raccourcis en tout genre. Dieu sait à quel point les professionnels des RH qui s’aventurent dans les négociations de salaires devraient approfondir ce sujet, ne serait-ce que de savoir ce que revêt ce concept d’inflation.
Interpréter, en vérité c’est réussir à faire preuve de discernement. Faire parler les données en résumé c’est cela. Avoir la capacité à en tirer la quintessence et comprendre ce qu’elles veulent dire.
Avec un peu d’honnêteté intellectuelle on sait bien que les données ne rendent pas intelligent. Pour autant, les faire parler correctement contribue bien sûr à l’intelligence de nos décisions. « L’intelligence d’un homme se voit à l’usage qu’il fait de ce qu’il sait » disait Paul Valéry.
On peut donc aisément comprendre que la première dimension à réunir c’est donc la capacité à analyser les données. Ce qui requiert un minimum de culture sur le sujet. Une culture des données et de leur traitement statistique.
C’est un domaine complexe, preuve en est que, même ceux qui le pratiquent, ont du mal à en donner une définition. En 1935 par exemple, le statisticien Walter Willcox en comptait plus d’une centaine différentes !
Mais c’est pourtant bien le point de départ. Développer une compétence d’analyse des données. Or, pour bien mettre en œuvre cette capacité d’analyse, il faut comprendre les données elles-mêmes. Ce qu’elles représentent et la manière dont elles ont été fabriquées.
Oui, une variable d’apparence aussi simple que le temps de travail par exemple peut revêtir des contenus inégaux d’un pays à l’autre, voire d’une filiale à l’autre. Il ne suffit pas d’avoir les données et de les traiter. Il faut les connaître et les comprendre !
Connaître le contexte dans lequel elles ont été produites à la source, les définitions des agrégats pour s’assurer de ne pas comparer des choux et des carottes, les supports utilisés pour les remonter (les questionnaires par exemple qui sont souvent les premières sources de biais), la codification des variables, etc.
La deuxième qualité à réunir pour analyser correctement les données RH, c’est l’expertise métier sans laquelle une analyse fine des phénomènes observés n’est pas possible.
En d’autres termes, être en mesure de distinguer ce qui fait sens de ce qui ne relève que d’artefacts statistiques. C’est la connaissance de la pratique professionnelle qui permet à l’analyste de décoder de ce que signifie vraiment tel ou tel résultat.
« Les statistiques ça vous fait penser à des choses qu’on n’imaginerait jamais autrement. » disait Keith Ridgway. Et c’est bien l’expérience métier qui permet à l’analyste de savoir où chercher et de savoir interpréter ce qu’il a découvert.
Enfin, la troisième dimension relève de ce qu’on va appeler une culture métier. C’est-à-dire, au-delà de l’expertise du métier en tant que tel, c’est comprendre ce à quoi il contribue. La grande image dans laquelle il s’insère mais aussi l’ensemble des contraintes auxquelles il est exposé.
Et c’est alors qu’on est plus à même de comprendre les facteurs externes susceptibles d’expliquer telle ou telle chose. On revient là à des principes sous-jacents simples à comprendre, qu’on perd parfois de vue dans des analyses trop techniques.
On peut penser par exemple au système de contraintes qui pèsent sur une activité ou un rôle dans un processus et qui constituent des facteurs explicatifs des comportements individuels ou des notions très structurantes comme la notion de risque par exemple.
On le voit, faire parler les données, pour in fine être en capacité de prendre des décisions intelligentes au regard des situations qu’on rencontre en RH, ne se limite pas à avoir ces données et à acquérir quelques compétences statistiques de base.
En résumé, faire parler les données c’est exercer son discernement pour prendre des décisions pertinentes au regard des faits. Cela demande de mobiliser 3 dimensions : 1. Une culture des données et de leur analyse, 2. Une expertise du métier objet de l’analyse et 3. Une culture métier au-delà de l’expertise pour comprendre les systèmes de contraintes qui le structurent.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.
[1] Judge, T.A., Livingston, B.A., & Hurst, C. (2012). Do nice guys-and gals-really finish last? The joint effects of sex and agreeableness on income. Journal of Personality and Social Psychology, 102, 390-407