L’esprit critique en entreprise

Dans cet épisode nous allons vous parler d’esprit critique en entreprise

Dans cet épisode nous allons vous parler d’esprit critique en entreprise.

Avec la démocratisation d’Internet et notamment les réseaux sociaux, les faits se mélangent aux opinions dans ce qu’Edgar Morin appelle un « nuage informationnel« . Et dans ce nuage on voit bien comment le sensationnel l’emporte sur le rationnel.

C’est certain que face au bruit des émotions immédiates et des entendements communs, c’est difficile de déceler la petite musique du vrai, où du moins de ce qui peut y conduire. A fortiori quand les bonnimenteurs et agitateurs en tout genre y ajoute leur couche !

Alors oui bien sûr nous avons besoin de discernement et d’esprit critique, et notamment en entreprise parce que celle-ci est une sorte de microcosme qui concentre les jeux de pouvoirs, les intérêts marchands et les pressions du quotidien, peut-être même celles qui sont liés au fait que des gens vivent ensemble avec tout ce que cela suppose de belles choses mais aussi de ragots, de malveillance et parfois de coups bas.

Et pourtant, dans des endroits où la conformité l’emporte parfois sur la vérité des faits parce qu’on déteste la moindre vague, le moindre pas de côté qui pourrait contredire le discours officiel, on n’aime pas toujours cet esprit critique. Il est parfois vu comme source de risque voire de déviance. Alors quel danger certaines entreprises voient-elles dans cet esprit critique ? Comment à l’inverse le favoriser ? C’est quoi l’histoire ?

Le besoin d’adaptation permanente des entreprises aux contraintes du réel, en d’autres termes la nécessité de combiner productivité et adaptabilité demande au fond 2 choses :

  1. comprendre ce à quoi on doit s’adapter (le monde, la situation etc.) tel qu’il est réellement – sans s’enfermer dans une représentation  stéréotypée;
  2. mais aussi d’être capable de décider et d’agir efficacement.

On ne va pas ici revenir sur la définition de l’esprit critique, c’est un autre sujet, mais rappelons qu’il s’agit d’un examen logique continue. Cela consiste à garder ses capteurs ouverts et aiguisés afin de comprendre comme tu le dis les situations, les liens entre les choses et les marges de manœuvre dont on dispose pour y faire face.

Et donc en cela, il s’agit bien d’une compétence-clé pour faire preuve d’adaptabilité !

Oui, à condition cependant de savoir appréhender et gérer le risque et l’incertitude ; faute de quoi, cet esprit critique risque bien de s’engluer dans des boucles de contradictions sans fin.

Tu as raison, mais si on considère l’esprit critique pertinent, l’esprit qui sait critiquer avec discernement, celui qui appréhende à la fois le besoin de critique et la nuance des temps, celui qui a conscience qu’il y a un temps pour la réflexion et un temps pour l’action, alors cet esprit-là tout le monde en veut non ?

Oui… et non ! Créer les conditions favorables à l’expression de l’esprit critique n’est pas évident pour tous les modèles d’entreprise. Appeler de ses vœux les esprits à la critique en inscrivant cette « soft skill » dans un leadership model ne peut suffire pour que les collaborateur·trices fassent réellement preuve de discernement tant les systèmes de contrôle et de pensée unique étouffent les initiatives individuelles.

Et toutes les entreprises ne cherchent pas à changer cela. À l’origine de l’esprit critique, il y a la question. Or, questionner l’ordre établi peut parfois être considéré comme une forme d’impertinence voire un affront aux yeux de celles et ceux qui y verraient une menace pour leur pouvoir.

C’est un peu la phrase de Simone de Beauvoir qui disait en substance que tout écrivain, original, tant qu’il n’est pas mort, est toujours scandaleux ! C’est vrai que dans ces entreprises-là, on privilégiera peut-être davantage, même inconsciemment, une sorte de bienveillance d’apparence au questionnement du réel, et paf on tue ainsi dans l’œuf toute tentative de remise en question. En plaidant la bienveillance de façade et en refusant les conséquences de la critique, les entreprises se privent d’une confrontation pourtant source de richesse.

Tu as raison, sans cette exposition aux questionnements, aux doutes et aux idées nouvelles, ces entreprises-là risquent de s’assécher et in fine de disparaître. Et en plus, cela conduit à un réel mal être : exiger du corps social des qualités dont on ne souhaite pas voir s’exprimer les résultantes constitue une contradiction, source d’incohérences. Or l’incohérence est une des sources de mal être chez les salariés, mais ça, c’est un autre sujet.

Et oui on veut de la créativité mais on n’accepte pas sa conséquence, le bordel que ça met. On veut des collaborateurs·trices intrapreneurs, mais obéissant·es, bref une chose et son contraire. Favoriser l’esprit critique ne peut donc se limiter à un travail de surface. Une réflexion en profondeur sur la culture de l’organisation, ses modes de fonctionnement et ses habitudes est nécessaire, et ce, sur plusieurs axes.

  • Tout d’abord, le respect des personnes et de leurs idées : sans quoi nous ne pouvons espérer de chacun·e qu’il ou elle exprime librement ses doutes et questionnements, fondement même de l’esprit critique.
  • Ensuite, la transparence : si les questions constituent le fondement de l’esprit critique, la recherche de réponse en est le moteur. Sans transparence cette recherche est vaine.
  • Le 3ème axe c’est celui de l’humilité qu’exige la remise en question : si nous sommes conscient·es que nous ne savons rien, l’esprit critique nous rappelle que les réponses à nos questions seront toujours partielles et temporelles. C’est pourquoi il convient alors de rester humble et ouvert, à commencer par celles et ceux qui dirigent qui doivent accepter de ne pas détenir la vérité.
  • Et enfin, le dernier axe, la diversité des idées. Tous les points précédents sont d’autant plus vrais et bénéfiques lorsque les points de vue qui s’expriment et se confrontent sont différents les uns des autres.

Alors critiquons avec esprit ! Critiquons le travail de chacun·e, les propositions, les réalisations, en étant constructif·ves et en allant dans le sens du bien commun. Ceci n’empêche pas une réelle bienveillance dans le respect de ce que chaque être humain est en tant que personne et ce qu’il fait pour le collectif.

Chercher à faire progresser en questionnant et en proposant, n’est pas incompatible avec la bonne humeur et la politesse. Encore faut-il le faire sincèrement et avec discernement !

L’examen critique permanent, l’acceptation des doutes, la remise en question des représentations établies et la diversité des idées comme moteur d’une pensée féconde sont autant de préalable à la décision éclairée, mais c’est un autre sujet.

C’est à cette condition de discernement alliée à une action efficace que l’entreprise trouvera les voies de l’agilité qu’elle réclame de ses vœux.

En résumé, l’esprit critique est une compétences clé pour répondre à l’exigence d’adaptabilité des entreprises. Pourtant il n’est pas toujours favorisé par des entreprises qui auraient peur de la remise en question qu’il implique. Toutefois, une entreprise qui souhaiterait réellement le favoriser devrait travailler sur 4 axes : le respect, la transparence, l’humilité, et la diversité.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.