Les chiffres au service de la diversité
Dans cet épisode nous allons faire preuve de mesure et vous parler des chiffres, des indicateurs et de leur utilisation dans les politiques de diversité.
Dans cet épisode nous allons faire preuve de mesure et vous parler des chiffres, des indicateurs et de leur utilisation dans les politiques de diversité.
Et oui : quantifier, sous-peser, évaluer sans retenue, mais on l’espère avec sens de la mesure, sont autant de moyens au fond de partager une vision commune. En entreprise comme ailleurs, utiliser des indicateurs, des KPI, est nécessaire pour apprécier l’efficacité des actions mises en oeuvre et c’est donc indispensable à toute conduite du changement. Or, promouvoir la diversité, c’est bien chercher à créer un changement, non ?
Alors, oui il nous faut des indicateurs !
Et pourtant il y a cet adage « quand on montre la lune du doigt, les imbéciles regardent le doigt »… Des indicateurs ? Vraiment ? Et lesquels au juste ? C’est quoi l’histoire ?
Pour commencer, revenons aux obligations légales. L’Etat français légifère pour lutter contre les discriminations. Or, concrètement certaines lois utilisent des indicateurs comme moteur pour faire évoluer les mentalités.
C’est vrai, c’est par exemple le cas avec l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés qui doivent représenter… 6%… de l’effectif total d’une entreprise de plus de… 20… salarié·es. Ou encore avec la loi Copé-Zimmerman qui impose aux entreprises de plus de… 250… salarié·es d’avoir… 40%… de femmes dans leur conseil d’administration.
Oui tes exemples illustrent effectivement l’utilisation du « chiffre » comme cible à atteindre. Et on pourrait également citer l’obligation de publier l’index égalité, qui n’est finalement rien d’autre de plus qu’un chiffre, une mesure, des écarts salariaux entre les femmes et les hommes dans l’entreprise. Ici on va étudier des données comme la rémunération, le taux d’augmentation, les promotions effectives… cela nous donne un chiffre qu’on doit publier – on appelle alors à la transparence des entreprises – et que l’on peut comparer avec les autres entreprises – ce qui nourrit d’ailleurs l’image de sa marque employeur, mais c’est un autre sujet.
Oui, mais ça c’est possible parce tu parles de la diversité de genre – et encore juste de 2 genres Homme et Femme, c’est-à-dire une vision du monde binaire qui nie une partie du spectre de l’identité de genre – mais là encore c’est un autre sujet. Ce que je veux dire c’est que l’index égalité, la parité dans les conseils d’administration, et les quotas pour les travailleurs ayant une RQTH – c’est-à-dire reconnu en tant que travailleur handicapé – se basent sur des données, celles qu’on a, que l’on peut répertorier, classer, nommer.
Et c’est effectivement bien là le problème ! La mesure sur les questions de diversité n’est pas toujours évidente. Tout n’est pas mesurable, d’un point de vue statistique. En statistique on a besoin de cases aux contours clairs et exclusifs, il faut des frontières clairement établies permettant de délimiter le dedans du dehors. Or l’être humain est complexe, son identité est fluide, elle évolue, elle se construit en continu. Comment alors recourir à la statistique ?
Ce que tu évoques c’est bien ce qui fait toute la richesse humaine. Au-delà des cases et des catégories. Alors oui bien sûr tu as raison, la mesure statistique n’est pas toujours évidente par définition, et elle est même parfois interdite. C’est le cas des questions ethno-raciales en France, par exemple. La République Française interdit le recensement sur des critères de couleurs de peau ou d’origine éthnique, il est alors impossible de recourir au chiffre et aux indicateurs pour promouvoir cette diversité. Et puis il y a aussi le risque de l’hypnose de l’indicateur, rappelle-toi la lune et le doigt. Or, parfois la course à la conformité des indicateurs peut être un bon moyen, consciemment ou non, de ne pas s’attaquer au problème sous-jacent. On est conforme, pas vu, pas pris !
Absolument ! Ou autrement dit quand les indicateurs sont instrumentalisés et servent l’inverse des causes qu’ils seraient supposés défendre. Et puis quand bien même serions-nous en mesure de mesurer – c’est le cas dans d’autres pays – quelle est le bon niveau de diversité ? Faut-il viser la parité absolue ? Faut-il viser une représentation la plus juste possible de ce qu’est la société civile ? Existe-t-il un minimum à atteindre en termes de diversité ?
D’abord l’enjeu n’est pas que nous soyons autant de femmes que d’hommes ou d’être représentatif. L’enjeu c’est que cela ne soit pas des critères de fait ! L’entreprise a tout a gagné de la richesse de la diversité cela semble une évidence.
Mais la réponse, même partielle, à toutes ces questions conduit bien plus souvent à la volonté de mettre en place des quotas et bien moins qu’aux enjeux d’éducation et de culture voire tout simplement de respect de l’autre qu’elle peut parfois masquer, volontairement ou non. D’ailleurs quotas et autres comptages en cases nous renvoie aux politiques de discrimination positive dont on sait, ou pas, qu’elles sont pleines de paradoxes – mais c’est un autre sujet.
En résumé, vouloir promouvoir la diversité c’est vouloir enclencher un mouvement, un changement. Et assez naturellement, les politiques de conduite du changement sont dotées d’indicateurs. On utilise le chiffre pour s’assurer que l’on va dans la bonne direction. Attention en revanche à ce que cela ne conduise pas à une hypnose du chiffre, nous poussant à la course au KPI. Le chiffre est bien un moyen et non une finalité, et cela est vrai pour les politiques diversité comme pour tout changement dans l’entreprise et la société.
J’ai bon cheffe ?
Oui tu as bon, mais on ne va pas en faire tout une histoire.