Une politique de rémunération sans classification
Dans cet épisode nous allons nous demander comment bâtir une politique de rémunération sans s’appuyer sur une lourde classification.
Franchement, je n’ai vraiment pas envie de m’embarrasser de règles aussi pesantes que contraignantes. Moi, je veux payer mes salariés comme je veux !
Le « fait du Prince » en d’autres termes… Pardonne-moi mais il n’y a rien de pire. Sentiment d’équité, besoin de justice, tu vois ce dont je parle ? Aucun édifice social ne tient sans cela.
Oui mais je connais ton artillerie lourde avec tes classifications, tes méthodes d’évaluation de poste façon méthode Hay lourdes et coûteuses à mettre en œuvre mais aussi à maintenir… Alors, moi je ne veux pas de tout ça.
J’entends ton argument mais je ne dis pas que j’y souscris pleinement. Mais on va essayer d’en tenir compte pour faire preuve de souplesse. La fonction RH c’est aussi un facilitateur tourné vers le business. Alors, une politique de rémunération sans classification, c’est quoi l’histoire ?
Le point de départ est assez simple à comprendre. D’un côté, une absence totale de règles qui ne répond pas aux besoins fondamentaux des personnes, d’abord celui d’équité mais également d’avoir un peu la main sur leur destin donc de savoir à quelle sauce ils vont être accommodés.
De l’autre, une armada de méthodes et techniques que l’entreprise peut ressentir en effet non seulement comme trop contraignantes mais surtout, comme tu l’as dit, lourde, coûteuse etc. Bref, un bulldozer pour écraser une mouche.
Mais cette mouche-là n’en est pas une, ou alors, si petite te paraisse-t-elle, elle va vite ressembler à un caillou dans la chaussure façon sparadrap qui colle au doigt. Donc il faut trouver une solution pour répondre à ces deux exigences.
En d’autres termes, un cadre et des règles suffisamment clairs, communiqués et compris pour que chacune et chacun soit non seulement tranquillisé sur l’équité de traitement mais qu’il sache aussi comment orienter ses efforts, sur quels leviers appuyer pour améliorer sa condition.
Mais pas trop lourds non plus pour ne pas étouffer l’entreprise et sa gestion d’un surplus de normes et de formalisations. Un peu de nuances en d’autres termes, ne soyons pas radicaux. Mais alors, de quoi s’agit-il et comment faire ?
La première réponse pourrait-être de faire une classification allégée. Genre on investit au départ dans une méthode d’évaluation, on fait des évaluations façon light sans sortir l’artillerie lourde et on l’entretient à la louche.
Mais on a dit qu’on ne voulait pas de méthode d’évaluation de postes donc on va réfléchir à comment faire en son absence.
Le premier pilier d’une politique de rémunération c’est bien celui de l’équité interne. Alors en l’absence d’une méthode d’évaluation de poste qui constitue l’entrée d’une classification, tu peux au moins établir des grilles internes.
Dit autrement, un outil de gestion qui te donne une cible théorique de rémunération pour les différents postes. Du moins qui te donne des bornes mini et maxi au moins sur les éléments fixes de la rémunération c’est-à-dire ce qui charge la barque dans la durée.
Pour ce faire, tu peux partir de la réalité des salaires. Après tout, les pratiques existantes ne sont pas forcément incohérentes et peuvent servir de point de départ. De toute façon, tu ne baisseras pas les salaires fixes. Donc prends tes filières métiers et commence par là.
Même sans évaluation de postes, tu les connais tes filières métiers, genre « assistant poste machin », « poste machin », « chef de poste machin » etc. et pose l’analyse statistique de base avec les indicateurs usuels, tu sais mini, Q1, médiane, moyenne, Q3, maxi.
Tu peux au moins voir ce que donne la progression dans une filière, puis, ensuite, tu décideras de ce qui te semble être les bornes adéquates en tenant compte de cette progression, de comparaison entre filières métiers pour faciliter les mobilités inter-métiers et du marché pour être compétitif.
Cela te donne déjà une sorte de classification par métier et essayant d’être cohérent entre les métiers. Tu fais gaffe à tes mini par poste pour ne pas te retrouver avec un budget de réalignement trop important et tu veilles à ce qu’il y ait suffisamment de marges de manœuvre dans chaque fourchette et des débattements entre fourchettes.
Bon, c’est bien beau ta cuisine avec tes fourchettes mais il va bien falloir passer de la rémunération fixe théorique du poste à celle de la personne ! Donc ton socle-là, c’est bien, cela pose un cadre, mais on fait comment après ?
Au moins déterminer des règles de positionnement individuel dans la classe. Monsieur Trucmuche occupe le poste bidule. Comment déterminer le salaire théorique – autrement dit la cible – pour Monsieur Trucmuche puisqu’on a qu’une fourchette ?
Une règle, par exemple, pourrait être le degré de maîtrise du poste. Est-ce que Monsieur Trucmuche est en train de le prendre en main, genre plutôt débutant donc plutôt bas de fourchette ou au contraire il le maîtrise tellement qu’il domine son poste, donc plutôt haut de fourchette.
Donc aussi des règles de promotion, non ? Tiens, si cela fait longtemps qu’il domine son poste, qu’il est en haut de fourchette, peut-être est-ce un indicateur du fait qu’il a le potentiel de prendre une responsabilité plus grande.
Donc une promotion en termes de responsabilité et ça tombe bien c’est le poste du dessus avec une fourchette plus haute dans laquelle il entrera par le bas. D’où l’intérêt d’avoir un peu de recouvrement entre les hauts et les bas de fourchettes. Tu me suis cuistot ?
Tout ceci te donne une bonne base pour les fixes. Mais tu as aussi le variable. Individuel ou collectif, immédiat ou différé, etc. Bref la panoplie de toutes les composantes de la rémunération globale.
Là encore, tu recenses ce qu’il y a, tu détermines à quoi répond chaque véhicule de rémunération et tu décides des principes et modalités qui les régissent. Allez, commence au moins par le variable individuel.
Au global, avec une logique de bonus sur objectif par exemple, ou par filière métier avec des règles spécifiques adaptées à chaque métier ou par catégorie de métier. Mais là encore deux conseils.
Le premier, ne te mélange pas les crayons dans les concepts que tu manipules, comme résultat et performance par exemple ou potentiel et performance.
Le second, les règles ne sont utiles que si elles sont claires, communiquées, partagées et comprises, donc ne sous-estime pas la pédagogie de ta politique de rémunération et le rôle des managers de proximité en la matière.
Tu pourras ensuite t’attaquer aux éléments collectifs, comme l’intéressement par exemple, dans une perspective de partage de la valeur et de sentiment d’appartenance. Mais c’est une autre histoire.
En résumé, sans méthode d’évaluation et de classification, une politique de rémunération peut s’appuyer sur des grilles par poste pour les salaires fixes et des règles de positionnement individuel dans ces grilles. Il faut en outre, des principes et des règles claires quant à la détermination du variable individuel.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.