La subrogation mais c’est quoi ce truc ?

Dans cet épisode, nous allons expliquer le principe français de la subrogation et souligner quelques-uns de ses enjeux.

Alors là, je sens le sujet technique par excellence, sur lequel on va se casser le nez. Soit on fait simple, dans le genre Raoul il ventile à la louche, et l’expert chouignera. Soit on fait précis, dans le genre Raoul il donne dans le chirurgical au scalpel, et le profane ne va rien piger.

Donc il va falloir faire preuve de pédagogie, dans le genre, il est cool Raoul mais il essaye de ne pas dire de conneries. Alors, la subrogation, c’est quoi l’histoire ?

La pédagogie, c’est un tout un art en effet. Alors je me lance. L’article 1346 en vigueur au 1er octobre 2016 stipule que : « la subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette. »

Tu es sérieux-là ? Raoul, t’es pas cool, tu coules. D’abord parce qu’on n’a rien compris et en plus tu n’es pas à jour. Je t’épargne donc l’abrogation de la subrogation, qui a clarifié le truc. Pas sûr que la clarification de la subrogation par le truchement d’une abrogation ne parle à tout le monde.

Bon on fait simple alors ? Les indemnités journalières tu vois ce que c’est ? Quand tu es malade ? En théorie, l’assurance maladie (tu sais la CPAM) les verse directement au salarié.

La subrogation c’est quand l’entreprise demande à les percevoir elle-même pour le compte du salarié en cas de maintien du salaire.

C’est donc facultatif, l’entreprise n’est pas obligée, mais c’est supposé simplifier le versement des deux indemnités au salarié : celle due par l’assurance maladie et celle due par l’entreprise au titre du maintien de salaire.

Voilà pourquoi le Petit Robert dit que la subrogation c’est la « substitution d’une personne ou d’une chose à une autre, dans une relation juridique ». Là, en l’occurrence, l’entreprise se substitue aux organismes de protection sociale pour le paiement de la dette de cette dernière à l’égard du salarié.

Bon bah ce n’est pas compliqué, c’est un transfert de dette en gros. Le petit Robert te doit des ronds. Raoul t’en doit aussi. Robert refile la patate à Raoul et c’est Raoul qui te rembourse tout l’oseille parce que Raoul…

Il est cool. Mais pas con non plus. Parce que Raoul il n’en fait pas cadeau à Robert de sa part de dette. Donc Raoul attend que Robert le rembourse. Et fissa ! Parce que sinon tu le connais Raoul il ventile.

La CPAM paye 50 à l’entreprise, l’entreprise paye 100 au salarié. Tu as vite pigé l’enjeu ? Mais on y reviendra. Parce qu’avant tout, ce n’est pas si simple que cela.

D’abord, il faut comprendre qu’il y a 3 types d’indemnisation pour le collaborateur.

  1. La sécurité sociale avec les indemnités journalières. Les règles sont les mêmes pour tous les salariés du régime général.
  2. La prévoyance, en l’occurrence il s’agit d’un complément auquel a souscrit le collaborateur via son employeur. Donc les règles varient d’un organisme de prévoyance à l’autre.
  3. L’employeur lui-même, avec le maintien de salaire souvent encadré par sa convention collective.

Ensuite, comme toute simplification en bout de chaîne, comme la fameuse simplification du bulletin de paie, c’est généralement un processus compliqué en arrière-cuisine. Il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton.

Allez, c’est fastidieux, comme tout parcours initiatique, mais pour comprendre l’enjeu, comme souvent, il faut savoir comment ça marche. En substance, 4 étapes : tu déclares, tu simules, tu payes et tu récupères le pognon.

D’avance, on sait que la galère démarre quand il s’agit de récupérer le pognon mais on a dit qu’on y reviendra.

Etape 1 donc, le salarié fournit à l’entreprise un arrêt de travail dont on rappelle qu’il l’a obtenu auprès d’un médecin parce qu’il a une bonne raison. On rappellera ici donc qu’on « ne se met pas en arrêt maladie ». On est malade et un médecin estime que cela justifie un arrêt maladie. C’est pas pareil.

Ou alors, il ne faudra pas pleurer quand on demandera du pognon à tout le monde pour boucher les trous ou que le système implosera et qu’on n’aura plus rien. Bref, c’est un autre sujet. Donc à cette première étape, l’entreprise déclare l’arrêt de travail à la Sécurité Sociale et l’enregistre auprès de l’organisme de prévoyance.

Etape 2, l’entreprise simule l’argent qu’elle doit au collaborateur selon les règles en vigueur : les règles de la Sécurité Sociale, de la prévoyance ET de l’entreprise elle-même.

Et étape 3, l’entreprise verse ce montant au collaborateur lors de sa paie.

Arrive ensuite l’étape 4, là où les emmerdes commencent comme on a dit. L’entreprise va récupérer le pognon qu’on lui doit. On le sait, c’est quand ça passe d’une poche à l’autre qu’on voit les oursins !

Honnêtement, parfois ça se passe très bien… mais parfois il y a des écarts. Et là c’est compliqué. Avec le temps de se mettre d’accord qui allonge parfois les délais, et les délais c’est de la trésorerie. On connaît l’adage « cash is king ».

Il faut reconnaître d’abord que les règles de calcul peuvent être complexes, il faut donc bien les connaître. Comme la paie, la maîtrise du réglementaire, c’est la base. On a dit en étape 2 qu’on simulait. Et bah il faut bien simuler sinon ca se voit après. Au moment du rapprochement.

Or, les services paie des entreprises ne sont pas toujours très bien armés ou équipés pour suivre les montants versés et les montants reçus. Le rapprochement est donc difficile.

Imagine lorsque tu as des entités juridiques mutiples ! Quand tu as, par exemple des établissements en local qui percevront eux-mêmes les indemnités des collaborateurs en arrêt de travail alors que la paie est centralisée ?

Imagine la complexité aussi quand l’entreprise s’est construite à force de rachat et rapprochements, où l’historique conduit à un des organismes de prévoyance, avec des règles de calcul et des procédures pouvant variées. D’où l’intérêt d’harmoniser ! Vive le pooling d’assurance, mais c’est un autre sujet.

Derrière tout cela, ce sont des coûts de gestion, de la charge de travail, des délais de paiement donc de la tréso. Bref, des emmerdes. Alors la subrogation, c’est peut-être un sujet technique rébarbatif mais l’entreprise a franchement intérêt à y regarder de près.

En résumé, la subrogation présente un réel avantage de simplification pour le salarié car l’entreprise sert d’interface dans les indemnisations de son arrêt de travail. Facile à dire, beaucoup plus difficile à piloter pour les équipes RH en arrière-cuisine et donc parfois source de surcoûts de gestion et de délais de paiement.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.