Quand Raymond Devos m’a recruté comme community manager
Dans cet épisode, nous allons vous raconter notre entretien d’embauche imaginaire avec Raymond Devos, pour un poste de community manager.
Raymond Devos. Le monstre sacré. LE monstre. Celui qui montre.
Avec respect, humilité et surtout admiration, peut-être même une forme de dévotion parce que c’est Devos. Imagine, un entretien imaginaire avec l’imaginaire de Devos, quelle histoire, pourtant elle est bien réelle.
Quand Raymond Devos m’a recruté comme community manager, c’est quoi l’histoire ?
Venez cher candidat dans le monde de l’inutile où vous serez très utile. Entrez dans la danse du net et de ses posts, votre poste c’est de poster.
C’est donc cela qu’on appelle du travail posté ? Mais alors poster quoi ? En fonction de quoi ?
Et bien de votre fonction, qui est de faire des posts. Vous êtes rattaché à l’office des posts. L’office où tous les postes ont pour fonction de poster.
C’est donc cela qu’on appelle post office ? Mais vous êtes timbrés ! Entendez mon courroux au timbre de ma voix, je vous donne mon billet que ce n’est pas ma voie.
Un poste où l’on post sans fin, comprenez-moi bien, c’est un peu comme une fonction qui fonctionne mais où le post fait office de fonction. Vous me suivez ?
Oui mais jusqu’où ? Est-ce bien utile de vous suivre alors que suis là devant vous. Si je me mets à vous suivre il faudra bien alors que vous me tourniez le dos. Ce n’est pas ainsi qu’on recrute.
Vous ne me suivez pas. Si je vous tourne le dos c’est pour mieux vous précéder. Regardez-moi bien en face ! De vous à moi… Vous me suivez toujours ? Votre prédécesseur à ce poste ne l’avait pas saisi. Au risque de tourner en rond, votre poste c’est d’entraîner des suiveurs dans la ronde. Vous serez donc mesuré sans mesure en fonction du nombre de suiveurs qui nous suivent. Ce n’est quand même pas démesuré ?
Bah s’ils nous suivent tous les deux il faut que nous marchions pas à pas côte à côte au même rythme car si l’un allait plus vite que l’autre alors il y aurait des suiveurs du suiveur de celui qui précède. Je serai alors obligé de céder et de me soumettre pour pas un sou à la tyrannie du nombre.
Je vous le concède. C’est pour cela que vous aurez un chiffre, pas un nombre. Le numéro 6.
Je n’en ferai pas tout un numéro, mais nombre de numéros de ce type ont fini prisonniers. En somme, ce que je serai d’un cercle où je dois précéder des suiveurs qui me suivent mais où l’on me suit à la trace de ceux qui me suivent contrairement à mon prédécesseur. C’est une boucle sans fin. Moi j’ai besoin de sens sinon je suis sens dessus-dessous.
Un peu de décence, je vous en prie. Le code vestimentaire est très strict ici. Et il n’y aura pas deux poids et deux mesures.
Croyez-moi je le mesure et, dans une certaine mesure, je ne voudrais pas que vous croyiez que je ne fais pas le poids pour le poste.
C’est vrai qu’en fonction du poids du poste dans notre système, vous pourriez faire office de contrôleur des posts. En fonction de votre prise de poste, peut-être pourriez-vous l’envisager pour plus tard, à votre mesure. Mais revenons-en donc au sens.
De la vie ?
Non du poste.
Mais je ne sais pas encore ce que je posterai, puisque ce sera en fonction de l’air du temps et du sens du vent pour qu’on me suive.
Je parlais du poste. Pas des posts.
Donc si je comprends bien l’essence de ma fonction, l’essentiel du poste en quelque sorte, c’est donc bien de poster. Mais est-ce que cela fait sens de poster quand on ne sait pas dans quelle direction ?
Mais je vous l’ai dit, la direction c’est celle du post office où vous feriez office de posteur attitré. C’est tout le sens de notre entrevue. Vos questions sont bien la preuve qu’elle était utile.
Donc vous me parlez en substance d’un poste, utile au post office, qui consiste à poster en fonction du sens du vent des posts inutiles pour que des suiveurs nous suivent ? Cela n’a aucun sens. Je ne suis pas un imposteur.
Vous cherchiez du sens, une planche de salut, tel un homme à la mer. Et je vous offre un poste au post office, le plus beau métier du monde, le monde vous suivra, vous aurez un public de suiveurs.
C’est bien beau de faire le beau mais je sens que cela ne va pas dans le bon sens cette histoire. Ça va couler votre affaire et je me ferai un sang d’encre. Et quand l’encre coule à flot, on a beau être ancré dans le réel, l’imaginaire ne la refuse pas. Et qu’est qui s’en suit ?
Et bien vos suiveurs s’ancrent dans cette encre jusqu’à ce qu’ils y soient tellement attachés qu’elle irrigue leur veine. Un sang d’encre qui ancre donc notre petite affaire. Vous voyez que c’est utile. Le plus beau métier du monde vous disais-je. Ce que je vous fait c’est quand même une fleur.
Je suis oui à fleur de peau. Au bord des larmes, quand l’utile qui est inutile serre le cœur à ne pas laisser place à l’inutile, celui qui donne un sens à ce cercle sans fin. J’ai faim de vie moi Madame, je ne veux pas attendre sans fin ni aucune faim à mon poste à tourner en rond de post en post, à m’épuiser à vérifier que ce que je poste est carré en fonction des exigences de votre poste. Moi, je veux tourner manège, au rythme des tambours, des trompettes et de la vie, et puis qui m’aime me suive, c’est ma fonction en ce monde qui tourne en rond et s’enroule sur lui-même, faire danser les âmes, sans supplément ni fin pour qu’elles s’envolent libre.
Finalement, je vous suis, vous avez raison, c’est inutile d’insister, on tourne en rond. Nous les ronds on préfère se les faire. Ne vous en faîtes donc pas, je retourne à mon poste et vous rend à la mer. Votre mer des bas-fonds, ceux qui ne sont même pas monétaires. Ici monsieur ce n’est pas une planche à la mer, c’est une planche à billets.
En résumé, ce petit billet on l’a écrit larmes aux yeux, non pas touchés de nos mots, mais coulés de ceux qui résonnaient encore en nous, ceux de l’artiste qui exerçait le plus beau métier du monde et qui manque terriblement à ce bas monde, parce que la planche à la mer pour beaucoup c’était bien lui.
J’ai bon chef ?