Pas de communauté sans commun

Dans cet épisode, nous allons nous pencher sur la notion de communauté et nous poser la question de ce qu’elle peut induire pour l’entreprise.

Dans cet épisode, nous allons nous pencher sur la notion de communauté et nous poser la question de ce qu’elle peut induire pour l’entreprise.

Ah cool on se fait un catch up et je t’explique ma boîte tu vas voir une super tribe ma team qui a changé ma life quoi une famille sans les emmerdes bro !

Comme disait Desproges « quand on est plus de quatre on est une bande de cons. A fortiori, moins de deux, c’est l’idéal »… Bref, à partir de deux, dans certains endroit c’est vu comme une manif qui s’insurge contre le pouvoir en place, mais ailleurs c’est aussi le début d’une communauté.

Et le langage managérial y fait souvent plus ou moins référence, pour désigner un corps social qui ferait justement corps… Ce fameux sentiment d’appartenance à une communauté, que d’autres réduiraient à 2 autres notions en vogue dans l’entreprise contemporaine : l’engagement et le collectif.

Sans trop d’ailleurs préciser ce dont il s’agit vraiment… Comme cette fameuse « communauté » dont on parle. Alors, pas de communauté sans communs, c’est quoi l’histoire ?

L’idée n’est pas de jouer sur les mots mais on va en prendre 3 pour tenter d’explorer cette question : écosystème, collectif, communauté. Les 3 sont fréquents dans le charabia de l’entreprise et sont tous porteurs d’une idée de groupe plus ou moins soudé dans l’imaginaire de celles et ceux qui les emploient.

« Ecosystème » un peu pour désigner que le monde du dedans n’est pas une bulle étanche au monde du dehors, « communauté » pour marquer le territoire de la bulle du dedans et « collectif » comme pour souligner les solidarités qui le tisseraient.

C’est si joli. Le monde du dedans et du dehors on dirait du Michaux. Bref, on peut même s’imaginer que les mots d’écosystème et de collectif porteraient l’idée de relations et d’interdépendances entre les parties qui les composent.

L’écosystème, on voit bien cette allusion à un système naturel où tout ce qui y vit est en interaction. Un réseau de dépendances en quelque sorte. Et à l’intérieur de l’entreprise, le collectif renvoie à un autre imaginaire, celui d’un sport d’équipe, dans lequel l’esprit de ladite équipe règnerait.

Un peu comme au foot quoi ? Non je blague. Pas au foot.

Et oui… Collectif du latin collectus qui signifie réuni ou rassemblé. Mais autour de quel feu ? De quelle flamme ? De quel projet qui animerait tout le monde ?

C’est là où le mot « communauté » entre en scène, à la fois porteur de cette idée de collectif – puisqu’il s’agit d’un ensemble de membres réunis entre eux – mais qui partageraient quelque chose ensemble. Au moins, la chaleur du feu si ce n’est les messages que la fumée enverra… à l’écosystème !

Bref, cette flamme de l’engagement des talents qu’on aimerait entretenir pour réussir l’ambition d’une entreprise dont la raison d’être se place au-dessus des intérêts de chacun.

La belle histoire ! Et c’est justement de cette histoire dont parle le mot communauté. On pense immédiatement et spontanément à ce que les gens ont en commun. Communauté en latin cela vient de « cum »… (no comment) qui veut dire… ensemble !

Et spontanément cela renvoie à l’idée de culture et de valeurs, dont on imagine volontiers que c’est ce que les gens ont en commun.

Mais deux autres dimensions sont intéressantes à creuser dans cette perspective.

La première c’est celle d’obligation. Si communauté vient de cum en latin, l’autre partie du mot vient de munus c’est-à-dire une charge, une dette. En d’autres termes, des obligations. Donc pas de communauté sans sentiment d’obligation de l’individu à l’égard du tout.

Une première dimension que la jolie consonance, presque familiale donc intime, du mot communauté semblerait faire oublier. Les familles ce n’est pas que la joie des maisons de famille en été…

La seconde, c’est le mot « commun », au sens des biens communs et du bien commun. Le premier bien est une propriété, il nous appartient, nous le partageons. Et le second bien n’est pas une propriété mais il fait du bien, notre bien, et c’est celui qu’on vise ensemble, le bien du tout.

En d’autres termes, une entreprise qui fait communauté doit alors avoir un minimum de biens en commun faute de quoi on se demande ce qu’elle aurait à partager. Et peut-être cette dimension, au sens de bien partagé, est-elle celle du partage de la valeur.

Une entreprise qui n’observerait pas un minimum de partage de la valeur, créée ou détruite, en ne respectant pas de façon abusive ou exagérée les intérêts d’une des parties prenantes n’est plus une communauté. Ou alors c’est une communauté mais des uns contre les autres.

L’autre idée c’est celle du bien commun qu’on privilégie avant de viser son seul bien à soi. Une manière de régler l’opposition entre les intérêts de l’un et de l’autre, en reconnaissant que le bien de soi coulera de source, celle du bien du tout d’abord.

Alors le projet, l’ambition partagée, la vision, la stratégie pour la mener à bien devient un bien commun parce que l’on considère que son bien, donc sa réussite, est la source du bien de tous, la mère de toutes les réussites personnelles.

C’est là qu’une entreprise, dans laquelle le projet serait partagé parce que la valeur l’est mais qui n’est pas reconnu par les parties prenantes comme un bien commun n’est pas non plus une communauté mais un groupement d’intérêts.

Pour former une communauté, l’entreprise doit donc alors respecter deux exigences : un minimum de partage de la valeur entre parties prenantes et que ladite valeur, les moyens et les valeurs pour la créer soient reconnues comme un bien commun par toutes les parties prenantes avant leur propre intérêt.

C’est ce double sens que suggère le mot « commun ». Les biens communs et le bien commun. Dit autrement, pas de communauté sans communs.

En résumé, pour faire « communauté » l’entreprise doit réunir 2 conditions du mot commun, d’une part au sens du bien qui appartient à tous ses membres, les parties prenantes, et d’autre part de « son » bien que l’on place en priorité. Faute de quoi, ce n’est pas une communauté mais un regroupement d’intérêts.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.