Petite matrice de décision stratégique dans l’incertitude
Dans cet épisode, nous allons construire ensemble une petite matrice pour mieux apprendre à décider dans un contexte d’incertitude.
Dans cet épisode, nous allons construire ensemble une petite matrice pour mieux apprendre à décider dans un contexte d’incertitude.
« Réfléchis avec lenteur, mais exécute rapidement tes décisions. » disait Isocrate. Manifestement certains ont oublié une des deux propositions.
On a tous croisé ces personnes, fortes de leur expérience et de leurs certitudes, qui t’expliquent que tout est simple parce qu’ils croient savoir… Alors ils décident, vite et fort. Le business ma p’tite dame c’est une question de rapidité et le temps c’est de l’argent.
Ou ces univers dans lesquels chaque virgule est longuement et savamment pesée, où l’on s’assure qu’aucune susceptibilité de la complexité de notre gouvernance n’est heurtée et où l’on ne décide que… lorsqu’on est déjà dans le mur !
Quand tout de nos vies professionnelles est marqué du sceau de l’incertitude, ce qui – je note – a toujours été le cas dans l’absolu… et bien, l’art de la décision devient encore plus difficile, surtout quand on aime tant la prévision pour se rassurer.
Et c’est là où une méthode peut aider. Alors, une petite matrice de décision dans l’incertitude, c’est quoi l’histoire ?
La jolie phrase d’Isocrate, dont je rappelle que le nom ne désigne pas un autocrate constant mais que c’est bien le nom d’un orateur grec, nous renvoie à un principe simple :
- on anticipe, c’est-à-dire le temps où l’on imagine les possibles.
- Et on élabore une stratégie, c’est-à-dire qu’on choisit ce que l’on va faire dans tous ces possibles.
2 temps et 3 mouvements et ces 3 mouvements sont aussi assez simples à se figurer:
- Que peut-il se passer ?
- Que puis-je faire ?
- Et ce que je décide de faire.
Bon après chef il va falloir le faire et c’est bien souvent là où cela pêche ! Le temps de l’exécution… mais c’est un autre sujet. Concentrons-nous sur le dernier temps de cette valse à 3 temps pour nous poser une question.
Mais comment je décide donc puisque tout est incertain ? Le dernier temps de la valse comme tu as dit… Celui du choix donc du risque.
Et bien ce choix on va le faire en appréciant le risque. Celui de ce que je peux gagner ou perdre en choisissant une option plutôt qu’une autre. Une espérance de gain en somme, si j’ose dire.
Et ce gain, ou cette perte, dépend bien sûr de nos critères, qui ne pèsent pas tous nécessairement le même poids bien sûr, mais qui dessinent une fonction d’utilité que tu vas chercher à optimiser.
Bon dit simplement, en fonction de ce qui est important à tes yeux, qu’est-ce qui maximise tes chances de gain. Mais ça on s’en serait facilement douté non ? Le problème ce n’est pas ça mais comment on fait ?
Bah le 3ème temps de la valse il arrive après le 2ème et le 1er , non ? Nous avions dit 1. Ce qui peut arriver et 2. Ce que je peux faire. Les voilà les 2 premiers temps qui donnent le tempo du troisième, celui de ton choix.
Donc on va faire un tableau. 1 : en colonne, tu mets ce qui pourrait se passer et 2 : en ligne tu mets ce que tu peux faire. En d’autres termes, tu croises les scenarios de ce qui pourrait arriver avec tes marges de manœuvre.
À l’intersection, tu estimes tes gains et tes pertes avec tes critères de choix. Et tu choisis celui qui maximise tes chances.
Bon, on peut prendre un exemple ?
Bon ok. Tu es chez toi, affalé dans ton canapé, bien au chaud, en train de jouer à Gran Turismo sur ta PS5. Mais tu as le ventre qui gargouille parce que tu as faim et il n’y a pas de trucs sympas à manger dans tes réserves.
Mais la météo de novembre est instable. Des giboulées. Et tu n’as pas envie de te prendre une douche parce que tu n’as pas de parapluie. Donc il va falloir décider, un peu comme l’âne de Buridan mais dans une autre version.
En colonne, ce qui peut se passer. Au pire, un déluge de pluie. Au mieux, un doux soleil. Entre les deux, du pire au mieux, une drache mais ça ne dure pas ou ça pluviote.
4 scénarios donc: le déluge, la drache, le crachin, et soleil.
En ligne, ce que tu peux faire. Rester dans ton canapé et te contenter de ce qu’il y a, aller faire des courses à la boutique du bas qui n’a pas grand-chose ou aller au marché qui est à 1 km mais où il y a des bons produits frais.
Donc 3 options en ligne : l’option 1, le phoque sur sa banquise l’option 2 la boutique qui fait l’angle et option 3 la grande aventure du marché.
Mon hésitation, vient du fait que mon cœur balance à part égale entre le plaisir de bien manger et l’inconfort de la vilaine pluie froide de novembre. Mes critères de choix à part égale. 50/50.
A l’intersection de chaque scenario et de chaque option, on va mettre une note au plaisir du ventre et au confort de ne pas être mouillé. On verra bien le choix qui obtient le plus de points.
On ne va pas faire toutes les cases mais juste celles de la première colonne, le scenario déluge de pluie. Case 1 : je reste sur mon canapé. 0 sur l’échelle de plaisir de la bouffe mais 10 sur le confort de ma petite tête au sec. Total 10 points.
Case 2 : je descends à la boutique du bas. 6 sur le plaisir culinaire car je trouverais toujours de quoi me faire des pâtes à l’italienne. 6 aussi sur la pluie, parce que c’est vraiment pas loin, je ne serai pas trempé jusqu’aux os. Total 12 points.
Case 3 : je vais au marché à 1km. 10 sur la bouffe ce sera le festin de Babette mais 0 sur la pluie, je vais être totalement trempé. Total 10 points.
Et on continue comme cela Belgique 10 points, Croatie 12 points, Portugal 20 points comme à l’Eurovision.
Cela rassure car cela éclaire tes choix. Mais au fond, chaque note reste subjective et tu n’es pas à l’abri de mettre inconsciemment les notes qui t’arrangent en fonction de ce que ton cœur te susurre à l’oreille.
Comme tout outil, ça aide à structurer. Pas plus. A la fin, c’est quand même toi qui prend une décision et en assume les conséquences. Cela s’appelle le risque et c’est la vie.
En résumé, pour mieux éclairer nos choix dans l’incertitude, on croise les scenarios à savoir ce qui pourrait se passer, avec ce qu’on peut faire à savoir nos marges de manœuvre. À l’intersection des deux, on estime nos gains dans chaque hypothèse et on choisit la combinaison qui maximise nos gains. Cela éclaire le choix mais n’affranchit pas de la décision et de sa part de risque.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.