Engagement individuel et performance de l’entreprise
Dans cet épisode nous allons nous interroger sur le lien entre l’engagement des salariés et la performance de l’entreprise.
Dans cet épisode nous allons nous interroger sur le lien entre l’engagement des salariés et la performance de l’entreprise.
Bah vas-y avec des salariés qui sont désengagés toi, oublie la performance de ta boîte ! Tu crois vraiment qu’on a besoin de s’interroger là-dessus ? Enfin, moi franchement l’engagement individuel, je peux te dire que c’est la clé du succès.
Et tu vas me dire que c’est comme dans une équipe de rugby si chacun ne mouille pas le maillot bla bla bla je connais l’histoire… tu radotes mon pote. Oui c’est une vraie question ! Les comparaisons du genre « une entreprise c’est comme une équipe » c’est un peu court et un peu rapide hein !
Oui d’autant que ce genre de comparaisons sert surtout à celui ou celle qui les utilise pour affirmer sa conviction sur un aspect des choses plus qu’à démontrer une vérité. Mais bon c’est assez humain même si l’on sait que comparaison n’est pas raison…
Surtout celles-ci. C’est faire abstraction de tout un champ de contraintes et de spécificités liées à l’entreprise et la vie des affaires mais c’est une autre histoire. Non l’entreprise n’est pas une équipe de rugby, ni un orchestre, ni je ne sais pas quoi. Bref, interrogeons-nous donc : entre l’engagement individuel et la performance de l’entreprise, c’est quoi l’histoire ?
Comme toutes les histoires, cela commence par des mots ! Et les mots ont un sens. Et il n’est pas inutile d’y revenir un instant parce que le sujet que nous évoquons, engagement et performance, revêt une complexité assez grande si on veut bien dépasser le stade des propos de comptoir.
Puisqu’on parle de propos de comptoir, on va en résumer quelques-uns ici. D’abord, l’idée reçue que les salariés ne sont pas engagés. Rapidement dit. On ne va pas faire ici la liste des études et autres sondages sur le sujet souvent peu représentatifs et bourrés de biais, ne serait-ce que par ce que les questions induisent comme réponses.
Posons néanmoins quelques points de repère sous forme de questions, pour se figurer la complexité du sujet : engagés dans quoi ? dans l’entreprise et son projet ? désengagés de l’entreprise dont le projet est réduit à quelques indicateurs de court terme ? Engagés ailleurs, dans un projet dont l’utilité sociale fait sens mais pas dans l’entreprise qui n’offrirait pas ou plus cette possibilité ?
Désengagés à l’égard de l’objectif institutionnel mais profondément engagés dans leur travail, dans un métier que l’on aime réellement faire ? Engagés ? Mais pendant combien de temps ? La vie change, l’eau coule sous les ponts, immuablement mais ce n’est jamais la même eau.
Bref, même sans s’emparer véritablement de ce que signifie la notion d’engagement individuel, on voit à quel point la notion est complexe dès lors qu’on veut bien se poser des questions avant de se précipiter sur ce que j’appelais des propos de comptoir.
Ah les idées reçues mon bon monsieur (ma bonne dame)… Donc, on affirme en claquant la langue sur le palais et le verre sur le zinc, comme on claque des talons, donc avec l’esprit qui se vide pour reprendre la formule du Maréchal Liautey… à laquelle j’ajouterais qui se vide aussi vite que le verre qu’on vient de poser sur le dit zinc
Euh ok donc on affirme quoi au juste là ? Parce que tu perds le fil du comptoir !
Et bien le comptoir affirme que l’engagement individuel est une source de performance de l’entreprise.
Alors que je ne suis pas bien sûr qu’il existe la moindre étude sérieuse et documentée qui le démontre formellement, enfin du moins en étant solide sur les deux termes de l’implication. Que faut-il démontrer en l’occurrence ? L’engagement individuel d’un côté et la performance de l’entreprise de l’autre, en établissant une relation de cause à effet entre les deux.
3 problèmes donc :
- C’est quoi l’engagement individuel et sa mesure ?
- C’est quoi la performance de l’entreprise et sa mesure ?
- Et à supposer que nous ayons répondu à ces deux questions, la relation de cause à effet démontrée, au-delà d’une simple corrélation.
L’engagement individuel, on peut le définir comme la combinaison de la motivation individuelle et l’implication affective et ce dans la durée. Mais la difficulté réelle consiste à le mesurer et je doute fort que les outils de mesure que l’on a dans l’entreprise le permettent véritablement en évitant la multitude de biais auxquels ils sont soumis. Mais admettons.
Mais la performance de l’entreprise, on l’appréhende comment ? Un résultat financier de court terme ? Un résultat net ? Un ebitda ? Une notion de valeur ? Cela me rappelle au nom d’une logique d’investissement socialement responsable ou éthique toutes ces études qui tendraient à démontrer la corrélation entre l’évolution du cours de bourse et l’investissement dans le capital humain.
Un serpent de mer cette notion, depuis les théories sur le capital humain de Theodor Schultz et Gary Becker, deux économistes de l’école de Chicago, dans les années 60 qui signifiaient que les dépenses investies en formation augmentent la productivité de celles et ceux qui en bénéficient.
Définir une notion de performance de l’entreprise sans se limiter à un aspect réducteur semble donc très délicat. Un indicateur de productivité n’intégrera pas la notion de valeur, un cours de bourse reflète de moins en moins une valeur d’entreprise, un résultat pris indépendamment de la durée reste peu représentatif…
Et puis on parle de performance de l’entreprise, mais de performance pour qui ? L’actionnaire ? Quid des modèles coopératifs ou des mutuelles ? Performance pour l’entreprise elle-même et sa valeur durable ? Quid des conséquences sur la société civile ? Etc. Bref évoquer la notion de performance de l’entreprise, ainsi, semble aussi compliqué qu’hasardeux.
Donc on a deux termes bien difficiles, l’un comme l’autre, à définir et / ou à mesurer. En d’autres termes, deux termes dont la complexité intrinsèque rend très difficile la démonstration rigoureuse d’un lien de cause à effet entre les deux.
C’est peut-être la raison pour laquelle il n’y a pas foison d’études sérieuses qui se seraient aventurées dans ce chemin ou alors en ayant circonscrit significativement les deux termes, avec rigueur scientifique pour le coup, à des dimensions limitées.
Mais donc éloignées des attentes réelles de l’entreprise et leurs observateurs sur le sujet. Et on en revient donc au fameux comptoir. Et ce comptoir, il a aussi du bon. Parce qu’après tout, prends l’affirmation à l’envers : une entreprise peut-elle être performante avec des salariés désengagés ? On sent bien que ce n’est pas le meilleur moyen de réunir les chances de succès.
Donc finalement, même si ce n’est pas véritablement démontré on veut bien accepter l’idée qu’il vaut mieux des salariés engagés que désengagés si l’on veut que l’entreprise marche bien.
Et oui, sous réserve que ce ne soit pas du sur-engagement. Mais bon oui l’idée est là. Allez tu peux me resservir un verre !
En résumé, l’affirmation selon laquelle l’engagement individuel est source de performance de l’entreprise est très difficile à démontrer formellement mais repose sur l’idée simple, qu’on peut accepter ainsi, que des salariés engagés c’est quand même mieux pour qu’une entreprise marche bien, mais encore faut-il de pas dénaturer cette notion d’engagement.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire