Il n’y a pas de modèle d’organisation idéal
Dans cet épisode, nous partons à la recherche de la pierre philosophale du management : le modèle d’organisation idéal !
Dans cet épisode, nous partons à la recherche de la pierre philosophale du management : le modèle d’organisation idéal !
Arrêtez tout ! On a trouvé le modèle d’organisation idéal. La pierre philosophale. La recette miracle. Il suffit de suivre à la lettre les 5 bonnes pratiques de notre benchmark opérationnel hyper concret for good tech green bidule et vous n’aurez plus aucun problème !
Mon rêve ! La performance durable dans l’incertitude sans risque grâce à un modèle qu’il me suffit de dupliquer ! Et concrètement ? C’est satisfait ou remboursé ?
Euh bah… en fait… C’est-à-dire que…
Oui c’est bien ce qu’il me semblait. Spoiler alerte, la réponse était dans le titre… Il n’y a pas de modèle idéal. Et j’entends les petits malins au fond de la salle nous dire qu’on affirme ça juste parce qu’on ne l’a pas encore trouvé. Désolée de vous décevoir, mais non… Le modèle d’organisation idéal n’existe pas. Alors, c’est quoi l’histoire ?
Revenons au début et au pourquoi. Au « why » comme disent les consultants. Que nous sommes, d’ailleurs. Bref, pourquoi parler de cette quête de modèle d’organisation idéal et surtout pourquoi ceux que l’on connait ne nous satisfont pas ?
De manière schématique, de tout temps, l’entreprise a été confrontée à deux contraintes : être efficiente, là maintenant, c’est la condition de sa survie, et s’adapter constamment pour continuer à être rentable dans la durée.
Et le problème est simple à exprimer, on connait les modèles d’organisation qui favorisent l’un ou l’autre mais pas l’un et l’autre simultanément. « En même temps », expression bien connue qui marque l’existence d’un paradoxe qu’il faut gérer.
Les modèles issus du taylorisme répondent bien à l’enjeu de productivité mais leurs propriétés sont antagonistes à celles des modèles qui favorisent l’adaptabilité ou l’innovation, qui, eux, reposent sur des structures plus plates, moins hiérarchiques, plus transverses, en mode projet…
L’étude des modes managériales est finalement assez révélatrice de cette quête. Elles ont toutes une finalité de même inspiration : ouvrir un modèle taylorien trop rigide pour s’adapter seul aux évolutions de son environnement.
Mais en fait, au fond. Il suffit de continuer à chercher. Ce n’est pas parce qu’on n’a pas encore trouvé le prince charmant, qu’on doit crier sur tous les toits qu’il n’existe pas.
Alors pour le prince charmant… Je ne sais pas. Mais pour les modèles d’organisation, j’ai ma petite idée. On peut toujours continuer à chercher mais le modèle d’organisation idéal n’existe pas. Et ce pour trois raisons !
Tu es vraiment rabat-joie ! Mais OK, raison numéro 1 : un modèle c’est limité et incomplet par nature.
Au fond, un modèle c’est fait de quoi ? De processus, de normes. Or, un processus, c’est bien une succession d’étapes et d’actions que tu mets en œuvre pour délivrer un produit ou un service. Tu décris étape par étape ce qu’il faut faire pour satisfaire le client final.
Mais dans un monde complexe qui change sans cesse et vite, un processus aussi complet soit-il ne peut pas tout prévoir. L’incertitude est partout, le contexte évolue sans cesse, on ne peut donc pas prédire tous les paramètres à intégrer dans notre modèle une bonne fois pour toute.
Et un modèle bah ça ne change pas tout seul. C’est figé. Et c’est la deuxième raison qui explique que le modèle d’organisation idéal n’existe pas.
Ah bon ? Tu n’as pas un processus un matin qui se lève en disant tiens on devrait faire différemment ? Bizarre.
Et si on l’aidait le modèle ? Un petit coup de pouce et hop on le fait évoluer. On pourrait imaginer un super-modèle d’organisation composé de plein de petits modèles et suivant le contexte hop on change de l’un à l’autre.
Alors, oui, pourquoi pas… C’est mignon comme idée. C’est vrai que ça a l’air aussi réaliste que le prince charmant. On pourrait dire « allez aujourd’hui on est hyper normé et processé, on centralise toutes les infos, les filiales appliquent et ne décident de rien » et demain « allez hop hop innovation, adaptation, équipes autonomes ! » Ah et puis le jour encore d’après « méthodes agiles à fond les ballons… »
Oui c’est vrai, que dit comme ça, ça n’a pas de sens… Le modèle d’organisation va aussi de pair avec la culture d’entreprise, les compétences attendues, les tailles des équipes, les rôles et responsabilités de chacun.
Je veux bien que les mouches changent d’âne rapidement mais un modèle d’organisation, surtout dans une entreprise de taille importante, cela ressemble plus à un paquebot dont l’inertie s’accommode mal des coups de gouvernail brutaux et incessants.
Et c’est bien la troisième limite ! Adapter un modèle d’organisation demande du temps. Bien sûr, parfois il faut le faire. Faire évoluer les processus et les manières de faire pour être au plus proche de la réalité mais ça demande du temps. Précisément celui que l’on n’a pas.
Alors on peut certes changer tous les ans et mettre l’organisation sous-tension en pensant s’adapter mais en réalité, tant que les processus ne changent pas ce sont les personnes qu’on met sous tension et on n’a pas résolu le problème.
Ah tiens j’ai une idée ! Puisqu’aucun modèle ne convient. Bah arrêtons les modèles ! Stop les processus. On arrête tout. Ce ne serait pas ça finalement notre idéal ? La fin des modèles pour reprendre les mots de Gary Hamel ?
Wow ! L’entreprise libérée… y aurait beaucoup à dire sur le sujet. Mais allons à l’essentiel. Lorsqu’on est sur des volumes importants dans une grande entreprise avec de fortes contraintes industrielles par exemple et bien difficile de se passer de processus pour assurer la productivité.
Or dans allier « productivité » et « agilité » bah… y a productivité. A petite échelle ou dans certains cas circonscrits peut-être peut-on se passer de processus mais pas à échelle plus grande et plus complexe.
Sans compter les éventuels effets délétères que ces modèles (car ça reste des modèles) d’organisation peuvent aussi avoir sur les personnes… mais c’est un autre sujet.
Pour simplifier, on connaît les imperfections des modèles connus et aucun ne semble véritablement répondre à la double exigence dont les entreprises ont besoin. Et en l’absence de modèle théorique idéal, les entreprises expérimentent.
Oui car elles n’ont pas le choix, c’est la difficulté qu’elles ont à résoudre. Donc elles essayent, parfois en se laissant charmer par les sirènes de certains qui prétendent détenir la nouvelle pierre philosophale.
En résumé, si on connait les modèles d’organisation qui nous permettent de favoriser la productivité ou l’adaptabilité, on ne connait pas celui qui permettrait de combiner les deux en même temps. Or, cette quête d’un modèle idéal est vraisemblablement vaine pour trois raisons. Un modèle est par nature incomplet, il ne s’adapte pas tout seul et le faire évoluer demande trop de temps.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire