Amis formateurs, arrêtons d’être démagos !
Dans cet épisode, on ne va pas se raconter des histoires ! Nous allons en effet souligner quelques travers que nous trouvons préjudiciables dans la formation !
Dans cet épisode, on ne va pas se raconter des histoires ! Nous allons en effet souligner quelques travers que nous trouvons préjudiciables dans la formation !
Ah le serpent de mer de la mesure de la performance de la formation. Un domaine qui n’échappe pas à la mesure… et à sa démesure d’indicateurs : les notes de satisfaction à chaud et à froid, le « ROTI » pour Return on Time Invested, c’est-à-dire simplement demander aux participants s’ils ont l’impression d’avoir perdu leur temps ou pas, et autres 32 critères de Qualiopi censés garantir un haut niveau de qualité dans les formations professionnelles.
Des indicateurs en tout genre oui mais sauf qu’à force de tout mesurer, on perd le sens de la mesure. On ne sait plus ce que l’on poursuit vraiment : la satisfaction des participants, sur le registre du « j’aime / j’aime pas », un apport de savoirs et de connaissances utiles ou le développement réel de leurs compétences ?
Entre la démagogie, pour plaire à l’apprenant roi, et l’autoritarisme d’un sachant qui ne se remet jamais en cause, un équilibre est peut-être à trouver ! Alors amis formateurs, arrêtons d’être démagos ! C’est quoi l’histoire ?
Le monde de la formation évolue en permanence bien sûr, et nous sommes passés caricaturalement du formateur sachant, autoritaire parfois condescendant et imbu de son savoir à un animateur bienveillant, sympathique et empathique, il reste néanmoins encore du chemin à parcourir.
Entendons-nous bien, on ne dit pas « c’était mieux avant » ! Nous aussi on ne regrette pas vraiment les formations froides, normées et rigides, descendantes où une seule vérité, celle du formateur, prévalait. Mais il s’agit tout de même de souligner quelques dérives ou naïvetés que l’on peut observer.
La première de toutes à nos yeux est celle de l’utilitarisme. C’est-à-dire la volonté du vite fait, là maintenant, tout de suite. La culture en 3 tips & tricks ! On ne regarde pas plus loin que le bout de son nez et on réduit tout à des outils et des astuces. L’utilité immédiate érigée en dogme, et les formats de « fast learning » et autres micro-learning, deviennent l’alpha et l’omega de l’apprentissage.
Là encore, attention, ces formats présentent plein d’avantages. D’ailleurs nous en faisons et en utilisons. C’est top de pouvoir se former rapidement sur son smartphone dans les transports ou sur le trône. Mais il ne faut pas confondre « contenus d’acculturation » qui permettent de découvrir, survoler un sujet, de manière plaisante et agréable. Et une véritable formation, qui permet de développer une culture, une pratique, des savoirs utiles dans son parcours professionnel.
D’autant plus que la poursuite d’une sorte de retour sur investissement immédiat a conduit à tout cloisonner, les savoirs en premier. Le découpage taylorien s’applique là aussi. L’interdisciplinarité n’est souvent pas appréciée ! Forcément, si on a que 5min ou même allez, 1h à consacrer à la formation alors on réduit le sujet, on cloisonne.
Et on se contente de méthodes et outils oubliant toute la culture qui les sous-tend. On pare au plus pressé et on se retrouve à échanger des bonnes pratiques et du concret, actionnable tout de suite. Autant dire, un écran de fumée qui masque la complexité d’un métier ou d’une pratique professionnelle, et notamment le fait qu’elle est reliée à un tout qui lui donne sens et constitue généralement sa finalité. Un client par exemple.
La deuxième dérive est celle de la recherche de la satisfaction des apprenants à tout prix. Poussée à son extrême, cette quête de satisfaction conduit vite à l’apprenant roi. Et dieu sait les caprices d’enfants gâtés des rois ! Alors on ne peut plus lui demander de faire un effort, au risque de voir la note de satisfaction baisser.
Attention là encore, il n’est pas question de dire que l’on préfère la recherche de l’insatisfaction, juste pour embêter les apprenants ou que l’on considère que les formateurs doivent s’affranchir de l’expérience apprenant, loin s’en faut. Mais parfois n’oublions pas qu’apprendre demande des efforts. Et un effort ça fait mal, ce n’est pas satisfaisant à court terme.
L’exercice demandé est trop difficile ? L’apprenant insatisfait criera au « ce n’est pas assez concret » ! On contredit méthodiquement un avis sans fondement qui illustre à merveille le crépidiarisme que fustige si bien Etienne Klein et alors l’apprenant aux certitudes chancelées s’offusque, élève le ton car son avis vaut démonstration. Certains même menacent, ça se retrouvera dans les notes.
Et le formateur se retrouve avec deux solutions, la fausse bienveillance : « oui… bien sûr…, peut être que… non d’accord tu as raison. » Et la vraie bienveillance, qui consiste à raisonner, corriger et contredire mais qui lui coûtera peut être sa place ou son contrat. Tant pis.
Le fait de donner une place dominante à la satisfaction des participants soulève plein de biais. D’abord, lorsqu’ils arrivent en formation les participants ont souvent des attentes peu précises, et, qui plus est, elles ne sont pas toujours en ligne avec celles visées par l’entreprise. Parfois même diamétralement opposées.
« Moi j’ai pas envie de me former au management, ça marche très bien comme je fais, pourquoi changer ? C’est mes équipes qu’il faut former c’est elles qui ne sont pas contentes. » Difficile de satisfaire alors cet apprenant lorsqu’on lui dira que justement ce sont ces méthodes de management qu’il faut reprendre depuis le début !
C’est ce que disait feu Steve Jobs, je cite « la plupart du temps, les gens ne savent pas ce qu’ils veulent avant que vous leur ayez montré ». Et bien en formation, c’est un peu pareil. On a souvent tendance à remettre en cause le bienfondé de ce qu’on nous demande lorsque ça nous parait trop difficile ou qu’on n’en tire pas de plaisir immédiat.
Et c’est pour ça que plein de courants autour de la gamification se sont si vite développés. L’intention est louable. C’est souvent bien. Et reconnaissons-le, apprendre en s’amusant c’est le rêve.
Quand c’est possible, oui avec plaisir ! Faisons-le, jouons. Mais n’oublions pas ensuite de revenir les pieds sur terre et d’en tirer de réels enseignements. Or c’est bien ça qui est difficile, qui fait mal et qui demande de se remettre en question…
Et enfin, la troisième dérive, qui va avec le cloisonnement des savoirs dont on parlait plus tôt : la croyance qu’un sujet de formation peut être fini. Comme si, en 1 journée ou même 1 semaine de formation on pouvait faire le tour d’un sujet donné, quel qu’il soit.
Ça nous arrange bien de faire croire que c’est le cas, ainsi le formateur peut rester à sa place de sachant : voilà ma connaissance, je vous ai partagé tout ce qu’il y avait à savoir sur le sujet. Si cela ne vous suffit pas pour améliorer votre pratique c’est que vous n’avez pas suffisamment écouté, ce n’est pas de ma faute.
Et bien si, c’est de ta faute. Tu as oublié un élément clé : donner envie d’aller plus loin et de tisser des liens. Allumer le feu d’aller plus loin et d’explorer tout le sujet. Arrêtons de faire croire qu’en 2 podcasts, un article et 1 demi-journée de formation tu peux devenir un super manager. Rappelons tout ce que ça demande comme effort, comme apprentissage continu et comme remise en cause permanente des certitudes.
Ah c’est terrifiant de pauvreté ces « trois recettes miracles pour … » ça marche avec tout, cochez la case qui vous arrange : être un bon manager, être un bon commercial, être un bon… Bah non justement ça ne marche pas ! Il n’existe pas 3 ingrédients miracles pour réussir à coup sûr la mayonnaise de son collectif ou pour faire preuve de discernement. Cependant, porter ce discours fait tomber le formateur de son piédestal, obligé de reconnaître que lui non plus ne maîtrise pas tout le sujet.
Et ça renvoie au risque de décevoir les apprenants qui souhaiteraient devenir « des experts » sans faire le moindre effort…
Alors, nous avons le choix, nous continuons ce jeu de dupe dans nos formations et n’apportons pas toute la valeur qu’il faut pour les gens, soit nous arrêtons la démagogie, sans raconter d’histoires !
En résumé, pour réellement apporter de la valeur aux apprenants, les formateurs doivent dépasser 3 tendances du marché : la poursuite du retour sur investissement immédiat, la satisfaction des apprenants à tout prix et enfin la croyance que l’apprentissage est un sujet fini et délimité. Ces trois risques de dérive nous renvoient à tout ce qu’apprendre demande, à commencer par des efforts des formateurs et des apprenants.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire