L’intérêt des Balanced Scorecards pour la fonction RH

Dans cet épisode nous allons évoquer en quoi la méthode des Balanced Scorecards est une approche qui pourrait ou devrait intéresser la fonction RH.

Dans cet épisode nous allons évoquer en quoi la méthode des Balanced Scorecards est une approche qui pourrait ou devrait intéresser la fonction RH.

Il y a un truc que je ne comprendrai jamais. Mon problème c’est le déplacement et mon garagiste s’entête à me parler de tête de Delco. Quand je l’appelle et lui demande si ma voiture sera prête ce soir, il me dit « ah bah non je n’ai pas reçu la pièce ! ». Mais tu ne pouvais pas me prévenir ? Tu as compris que mon problème c’est de me déplacer, pas la tête de Delco ?

L’éternel décalage de point de vue entre l’expert obsédé par le nombril de sa production d’expert et celui du client pour qui cette expertise est supposée répondre à un besoin. La fonction RH n’échappe pas non plus à ce problème.

Tenir compte d’un point de vue client, plus équilibré que le sien un peu trop auto-centré, c’est une bonne idée. Et c’est l’un des bénéfices de la méthode des Balanced Scorecards. Alors, l’intérêt de ces Balanced Scorecards pour la fonction RH, c’est quoi l’histoire ?

On va prendre un exemple. Toujours avec la voiture. Imagine : tu roules tranquille le nez au vent sur une jolie route de campagne au coucher de soleil, tu te balances élégamment de virage en virage comme dans un pas de zouk à deux, cassé-chaloupé, …

Euh back on the track ! Tu nous fais une sortie de route. C’est quoi ton exemple là ?

Ah oui pardon. La vitesse. C’est cela l’analogie que je voulais faire. Prends le concept de vitesse. Toi tu es le conducteur, l’indicateur le plus objectif sur ce sujet, pour toi, en tant que producteur si j’ose dire, il est sur ton tableau de bord devant ton nez. C’est le tachymètre.

Tu peux appeler cela un compteur de vitesse aussi c’est plus simple. Bon tu ne nous apprends rien là. Le conducteur de la voiture regarde le compteur de vitesse, le recruteur le nombre d’entretiens qu’il fait, le formateur le nombre de stages, et le dormeur le nombre de moutons. Rien de bien surprenant.

Mais pense aux enfants à l’arrière de ta voiture, tu sais les deux énergumènes que tu emmènes en vacances et qui braillent comme des veaux depuis le départ. Est-ce que tu crois un instant que la vitesse de ta voiture les intéresse ?

Non, eux ils n’ont qu’une question en tête. Qu’ils posent d’ailleurs même depuis la toute première minute où vous êtes partis : « dis, quand est-ce qu’on arrive ? » Et pourtant, c’est presque le même sujet parce que toute chose égale par ailleurs l’heure à laquelle tu arrives dépend de la vitesse à laquelle tu roules.

D’accord. Mais tu ne peux pas rouler à la vitesse que tu veux. Je te rappelle qu’il y a des limites et que la maréchaussée te garde à l’œil ! Et pour eux le problème ce n’est pas l’heure à laquelle tu arrives mais bien si ta vitesse est dans les clous ou pas.

Comme quoi, sur la même production chacun a son point de vue. Une attente différente. Il y a donc au moins le point de vue de celui qui produit et des clients dont on a bien vu avec l’exemple du garagiste que ce n’était pas les mêmes.

On a aussi le 3ème élément, combien tu consommes ? Pour la même vitesse toutes les voitures ne consomment pas pareil. C’est un critère ! Le résultat que tu obtiens, pour toi expert qui l’a produit ou pour le client qui en bénéficie, à quel coût l’as-tu produit ? Combien de ressources faut-il consommer pour l’obtenir. Une 3ème catégorie de critères aussi.

D’ailleurs, comme tu n’es pas si con, tu peux par exemple te dire qu’avec une conduite plus souple ou en changeant de rapport de boîte de vitesse tu pourrais consommer moins. Bref tu réfléchis, et te demande comment sur ces 3 premiers critères tu pourrais essayer de t’améliorer.

En fait, ce sont bien ces 4 axes ou angles de vue auxquels la méthode des Balanced Scorecards nous invite. C’est une méthode proposée par Norton et Kaplan au début des années 90, qu’on appelle aussi les tableaux de bord prospectifs.

Attention, ça ne se limite pas à des tableaux de bord évidemment. C’est plus complexe et surtout plus global que cela et vise à aligner ou mettre en cohérence l’activité de l’entreprise, y compris jusque dans ces modes de rémunération des managers.

Mais ce qui nous intéresse ici c’est la pertinence de l’utilisation des 4 perspectives qu’elle demande de prendre en compte :

  1. ce que l’on produit,
  2. pour le compte de qui,
  3. à quel coût et
  4. ce que l’on fait pour s’améliorer.

4 angles de vue – le processus, le client, la finance et l’apprentissage. Et c’est bien parce que ces 4 points de vue forment un ensemble équilibré que ces scorecards sont dites « balanced ».

L’intérêt majeur pour la fonction RH c’est que pour toute fonction support ou d’appui, l’appréciation de sa performance est d’autant difficile que la notion de service qu’elle délivre est difficile à apprécier, surtout par celles et ceux qui ne voient que par le chiffre et sa matérialisation concrète, l’indicateur.

Et que le réflexe du producteur est souvent de qualifier ce qu’il fait par le seul résultat du processus dont il est responsable, en tant que « process owner » pour frimer avec des termes anglais.

Prenons un exemple avec le recrutement. Bien sûr que le département de recrutement pourrait être apprécié au nombre d’annonces qu’il publie, au nombre d’entretiens qu’il fait passer et in fine au nombre de postes qu’il pourvoit ou de contrats qu’il fait signer.

Mais c’est quand même le petit bout de la lorgnette. La finalité du recrutement n’est pas de signer des contrats ! Demande au manager tiens si lui ou elle apprécie la performance du recrutement avec ces critères. Non, sa satisfaction dépend d’avoir la bonne personne, avec les bonnes compétences, dans les délais, avec le bon mindset et qu’elle ne parte pas au bout de 2 mois !

On voit déjà là des indicateurs différents : taux d’adéquation des compétences au besoin du poste, taux de rétention après la période d’essai, etc. Prends même les délais. Pour le ou la manager ce n’est pas le temps qu’il a fallu au service recrutement entre la publication de l’annonce et la signature du contrat qui l’intéresse. Mais bien le délai global, de la formulation de sa demande à l’arrivée de la personne, son préavis y compris.

Il y a aussi la perspective financière qu’il ne faut pas oublier. À quel coût tu réussis tout cela. Mais cet axe là on l’oublie rarement. C’est d’ailleurs souvent aussi là où on attend la fonction RH.

Pense enfin au dernier axe. Le progrès. Tu as un mal fou à recruter, que peux-tu faire pour essayer de t’améliorer ? Tu peux commencer par la marque employeur par exemple ou travailler sur la compétitivité externe de tes packages de rémunération.

Bref, tu vois dans cet exemple du recrutement, la perspective va au-delà des critères factuels de ce que tu produits mais embarque bien d’autres dimensions, à savoir celle du client donc de sa satisfaction, de la finance et de ta performance en matière de coûts, et de l’apprentissage organisationnel ou du progrès.

C’est tout l’intérêt de la méthode des Balanced Scorecards de Norton & Kaplan : adopter ces 4 points de vue. C’est en cela un excellent cadre conceptuel à mobiliser dès lors qu’on parle de performance d’un service qu’on délivre. Et donc pour la fonction RH aussi, surtout qu’elle a parfois un peu de mal à réifier la valeur ajoutée qu’elle apporte.

En résumé, les Balanced Scorecards c’est une méthode qui met en cohérence 4 dimensions : ce que le processus délivre, le besoin du client qui en bénéficie, la performance financière et enfin ce que l’on fait pour améliorer tout cela. C’est une méthode qui offre un cadre intéressant pour une fonction RH pour montrer, piloter et améliorer la performance de ce qu’elle délivre.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.