Désapprendre pour apprendre
Dans cet épisode, nous allons déconstruire nos certitudes pour être capable de progresser, ensemble. Dit autrement, nous allons désapprendre pour apprendre.
Dans cet épisode, nous allons déconstruire nos certitudes pour être capable de progresser, ensemble. Dit autrement, nous allons désapprendre pour apprendre.
Comment ça désapprendre pour apprendre ? Tu veux que j’abandonne ce que j’ai mis si longtemps à acquérir ? Non mais moi madame je sais : si je passe mon temps à désapprendre, je vais finir encore plus bête qu’avant. Non, moi madame je capitalise, j’empile et j’entasse. En un mot comme en 100 moi j’avance, je ne recule pas !
Rassure-toi Patrick, désapprendre ne veut pas dire « détruire » et tu as raison l’objectif est bien d’avancer. Mais parfois pour avancer il faut accepter de faire de la place, de reculer pour mieux sauter, et c’est ça désapprendre. C’est ce que nous allons voir dans cet épisode. Désapprendre pour apprendre, c’est quoi l’histoire ?
Commençons par rappeler que l’apprentissage est avant tout une responsabilité individuelle : personne ne peut apprendre à notre place. Et chacun doit s’en saisir pour faire société avec les autres sans pour autant nier la difficulté que représente cet apprentissage : il demande beaucoup de rigueur, beaucoup d’efforts.
Surtout si on ajoute à cela la nécessité de « désapprendre » qui nous plonge dans une sorte d’instabilité permanente. Lorsque l’on prend conscience que pour apprendre, il faut désapprendre.
C’est vrai ce n’est pas facile de prendre conscience que le socle sur lequel tu as construit tes acquis peut chanceler. Le propre des certitudes c’est qu’elles rassurent. On croit que c’est certain, on campe sur ses positions et paf le chien. Patatra tout vacille.
Ce qui est complexe c’est qu’on a besoin d’un peu de certitude pour ne pas s’enfermer dans un doute permanent. Sans aucune certitude, ce serait impossible d’avancer, de vivre ! Mais en même temps, trop de certitudes empêche de progresser.
Les certitudes, c’est ce que l’on croit savoir, et c’est un ensemble forcément partiel et parfois erroné. Le danger c’est quand on croit savoir, sans savoir que l’on croit. Gide disait « je me passai fort bien de certitude dès lors que j’acquis celle-ci, l’esprit de l’Homme ne peut en avoir ». Tout le paradoxe est là.
Pour digérer et comprendre ce qui nous entoure nous recourons au « simple », mais nous ne devons jamais perdre de vue que ce simple est insuffisant pour expliquer la complexité[1]. « Le simple (…) n’est plus le fondement de toutes choses, mais un passage, un moment entre des complexités ».[2] Or, Apprendre, au fond, c’est chercher à appréhender cette complexité, tout en sachant que nous ne pourrons jamais réellement l’embrasser pleinement.
Et pour cela, il faut dépasser nos certitudes et faire évoluer notre système de représentation. L’ensemble de nos savoirs – qu’ils soient innés, culturels ou issus de nos expériences et rencontres – constituent un prisme au travers duquel nous observons le monde, nous l’analysons et le comprenons.
Ce système de représentation c’est une sorte de filtre déformant plaqué sur la réalité. Pour obtenir la vision la plus claire possible de cette réalité, il faut nettoyer ce filtre !
Apprendre c’est se nourrir de nouvelles informations et parfois ça complète ce que nous savons déjà, sans le remettre en question parce qu’elles ne soulèvent pas de contradictions insupportables.
Mais parfois, la contradiction est trop importante. Elle écartèle trop. Ce que nous croyions savoir s’oppose à cette nouvelle information que nous découvrons. Deux attitudes sont alors possibles…
La première on la connaît. La manière la plus simple de m’accommoder c’est nier cette nouvelle donnée, je la rejete, je campe sur mes positions ! Dit autrement je refuse le savoir nouveau lorsqu’il ne me convient pas et donc je ne suis plus dans une démarche d’apprentissage. En gros je suis un vieux con rigide !
Et la seconde c’est bien sûr accepter cette nouvelle donnée, de questionner et faire preuve d’esprit critique. Il s’agit alors de réagencer notre système de pensée, de recombiner les choses pour trouver une nouvelle cohérence à l’ensemble. Et là, de fait, j’apprends et je progresse.
Là encore, Edgar Morin nous éclaire, quand il dit je cite « la seule façon de lutter contre la dégénérescence est dans la régénération permanente, autrement dit dans l’aptitude de l’ensemble de l’organisation à se régénérer et à se réorganiser en faisant front à tous les processus de désintégration ».
Avez-vous déjà essayé de faire un réel rangement sans rien jeter ? Vous déplacerez sans réellement réorganiser. Bah c’est la même chose pour nos placards comme pour notre cerveau. Certaines idées reçues, certains savoirs acquis il y a des années, certaines certitudes doivent être jetées si nous voulons aller de l’avant. Faire ce ménage dans notre esprit revient en d’autres termes à entrer dans un processus critique de désapprentissage.
Et ça demande évidemment un effort. Ce serait dangereux et stérile de le nier. Mais s’affranchir de cet effort de remise en cause c’est le risque d’un obscurantisme bien pire. C’est cette phrase de Nietzsche : « Ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou. »
En résumé, sans désapprendre, il n’y a pas d’apprentissage possible car nos systèmes de représentation sont incomplets et erronés. Face à un nouveau savoir, il n’y a alors pas d’autres choix que la remise en question du système si nous voulons nous inscrire dans une démarche de progrès.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire
[1] Edgar Morin nous rappelle dans introduction à la pensée complexe que « Bachelar avait découvert que le simple n’existe pas : il n’y a que du simplifié ».
[2] Edgar Morin (2005), Introduction à la pensée complexe, essais.