L’illusion de l’acculturation au digital
Dans cet épisode, nous allons parler d’acculturation au digital, et plus particulièrement de l’illusion de croire que la maîtrise des outils suffit.
Dans cet épisode, nous allons parler d’acculturation au digital, et plus particulièrement de l’illusion de croire que la maîtrise des outils suffit.
Ça y est on a mis en place Teams, tout le monde est équipé d’ordinateurs portables, et notre dernier séminaire d’entreprise s’est fait en visio. On a fait le taf, la transformation digitale est en cours.
Ah ouais ? Et tu es sûre que ça suffit ? Je sais que tu es digital native, mais je ne te croyais pas digital naïve ! C’est vrai qu’avec la crise sanitaire, l’utilisation des outils digitaux a augmenté de force. Mais de là à dire que c’est une acculturation au digital et qu’il n’y a plus rien à faire sur le sujet… il y a une grosse nuance ! Et la vie réside souvent dans les nuances. L’illusion de l’acculturation au digital, c’est quoi l’histoire ?
Bien sûr la crise sanitaire a contribué à accélérer le déploiement des infrastructures (réseaux, bande passante, stockage) et des équipements matériels et logiciels. Mais il y a une différence entre informatique et digital !
L’exposition forcée et massive aux outils digitaux a contribué à développer les usages de nombreux collaborateurs sur un plan « technique » mais attention cette accélération des pratiques ne suffit pas pour faire une véritable acculturation, faute de quoi les bénéfices attendus du digital au regard des transformations espérées seront bien loin d’être obtenus.
C’est vrai que les entreprises appellent de leur vœux une transformation digitale porteuse de nombreuses vertus au motif que le digital contribue à faire évoluer les manières de travailler et de manager.
Mais c’est vrai aussi que la maîtrise technique des outils sans la culture appropriée qui va avec peut conduire paradoxalement à renforcer les pratiques dont on espérait que le digital allait nous débarrasser.
Un exemple pour s’en convaincre : les applications collaboratives devraient nous permettre de travailler avec plus de transversalité… et pourtant parfois l’utilisation de la gestion des accès, c’est-à-dire la gestion des droits et des rôles, c’est un moyen habile de reproduire une logique de territoire, de cloisonner et de retenir l’information…
Un autre exemple pour la route ! Avec les outils collaboratifs comme Teams, on communique plus facilement, les informations sont à disposition… oui… sauf quand les canaux de communication sont tellement nombreux et fouillis qu’on ne sait plus où chercher l’information.
C’est sur l’intranet ? Ah non, sur le Teams de l’équipe. A moins que ce soit sur le sharepoint du projet ? Je sais plus. Bon envoie par mail ça ira plus vite. Bref, on le voit sans une utilisation appropriée, l’outil ne suffit pas.
Pour que le digital constitue un réel levier vers une collaboration plus grande, il est nécessaire de forger une discipline d’utilisation pertinente des outils, de développer une posture d’agilité personnelle mais aussi d’adopter les comportements favorisant la coopération.
Et de se rappeler que collaborer et coopérer ce n’est pas la même chose ! L’outil facilite la collaboration, mais c’est bien ce que nous en faisons qui conduit à ce que cette collaboration devienne coopération.
On voit les risques que cela comporte. D’abord ceux que nous venons d’évoquer, à savoir l’illusion de croire que l’on a acquis une culture parce qu’on maîtrise l’outil, il y a aussi le risque de créer ou renforcer des fractures sociales, mais c’est un autre sujet.
« L’Homme pense parce qu’il a des mains » disait le philosophe Anaxagore de Clazomènes. Alors bien sûr la maîtrise d’un outil ouvre un champ des possibles, amène à penser son action et donc les finalités qu’on vise différemment.
Mais de là à réduire l’acquisition d’une culture à cette ouverture nouvelle dont l’instrument est à l’origine c’est avoir une conception de ladite culture très parcellaire. C’est oublier que le champ de la culture, en l’occurrence digitale, est vaste.
Prenons l’exemple de la culture culinaire. Suffirait-il de maîtriser l’utilisation de certains instruments de cuisine et de quelques recettes pour prétendre avoir acquis une culture culinaire ? Et bien il en va de même.
La culture digitale c’est développer des bons réflexes face aux outils, comprendre leur portée, faire preuve d’agilité dans la manière de travailler. Bref, c’est mille choses. Mille choses d’ailleurs qu’on prête un peu vite aux digital natives et qu’ils maîtrisent souvent beaucoup moins bien qu’on ne le croit mais c’est un autre sujet.
La maturité digitale ne s’acquière pas d’un coup de baguette magique et la fonction RH a un rôle à jouer dans l’acculturation au digital de l’ensemble des acteurs de l’entreprise, pour que l’entreprise ne subisse pas les conséquences du digital mais s’en saisisse comme une opportunité de développement.
En résumé, l’acculturation au digital est un processus d’enrichissement d’une culture qui va bien au-delà de la maîtrise des outils numériques et, en entreprise, la fonction RH a là un rôle d’accompagnement important.
J’ai bon cheffe ?
Oui tu as bon, mais on ne va pas en faire toute une histoire !