De la demande à la cause profonde
Dans cet épisode nous allons nous intéresser à l’un des problèmes qu’on rencontre souvent face à une situation à résoudre : comment identifier le véritable sujet à traiter ?
Dans cet épisode nous allons nous intéresser à l’un des problèmes qu’on rencontre souvent face à une situation à résoudre : comment identifier le véritable sujet à traiter ?
C’est fou la capacité qu’ont certaines personnes à aller directement à la solution. Il y a un problème, et hop je mets la solution en face sans réfléchir plus que ça ! Et parfois, cela crée un autre problème, que je n’avais pas vu initialement !
Eh oui, d’où l’utilité des tests de non régression en informatique mais c’est un autre sujet. Combien de fois aussi un client, ton manager ou un interlocuteur t’a formulé une demande qui n’est pas le vrai problème à résoudre ? Et hop, tu pars tête baissée pour satisfaire la demande et in fine tu ne résous pas le problème !
Alors justement pour ne pas foncer tête baissée, il faut trouver le véritable problème à résoudre. De la demande à la cause profonde, c’est quoi l’histoire ?
Le problème est simple à comprendre : la demande qu’on te formule n’est pas toujours le reflet du problème qu’il faut traiter. Il y a de multiples biais et écarts possibles entre les deux.
Tiens, on va prendre un exemple, qui m’est arrivé il y a plusieurs années. Je suis contacté par un grand cabinet de conseil pour répondre à la demande de leur client. Leur client, un directeur commercial d’une grande entreprise, est confronté depuis quelques temps à un fort turn-over des commerciaux et veut revoir sa politique de rémunération fixe.
Bah c’est normal non ? Les commerciaux quittent l’entreprise parce qu’ils ne sont pas assez bien payés. Ils peuvent gagner mieux ailleurs donc ils partent et c’est une bonne solution que de réviser la politique de rémunération.
Oui c’est possible en effet qu’une politique de rémunération insuffisamment compétitive en soit la cause. Mais rien ne le prouve comme cela. Peut-être faut-il creuser un peu la question. Qui nous dit que ce que tu imagines comme un décalage avec le marché est le même pour tous, entre les débutants et les plus expérimentés par exemple ?
Qui nous dit que c’est un problème de rémunération fixe ? Ou de variable ? Ou des deux ?
Et qui nous dit qu’il n’y a pas d’autres raisons ? On peut aussi imaginer qu’ils démissionnent parce qu’il y a une pression insupportable là où ils sont ?
Ou que leur responsable est un sale con par exemple ! Et là la seule manière de le savoir c’est de leur demander non ? En tout cas, cela mérite un minimum d’investigation avant de foncer tête baissée en augmentant les rémunérations !
C’est la raison pour laquelle il convient donc d’essayer de passer de la demande à la cause profonde. En d’autres termes faire preuve d’un peu de rigueur intellectuelle et d’honnêteté dans l’analyse du problème.
La demande formulée peut en effet être très significativement entachée des biais du demandeur ou de certains intérêts qu’il n’évoque pas par exemple. Sa demande n’est que la représentation de son besoin. Ce n’est donc pas nécessairement le besoin réel.
Et le besoin du commanditaire, ce n’est pas forcément le problème à résoudre ! Là encore il y a de multiples écarts possibles. Ce n’est que sa formulation. Prends l’exemple d’une personne qui exprime la demande à un kiné de manipuler son genou parce qu’elle a mal après avoir marché.
Son besoin c’est de ne plus avoir mal au genou certes mais peut-être qu’en l’occurrence le vrai problème qu’elle doit traiter c’est celui de son poids ? Il faut donc remonter à la cause de sa prise de poids, si cette hypothèse est pertinente.
Oui, en l’occurrence, dans ton exemple, peut-être que la cause profonde ce sont les habitudes alimentaires de cette personne et un kiné mû par l’intérêt de son patient ferait mieux de commencer par lui dire d’aller voir un nutritionniste.
C’est exactement cela qu’il convient de faire face à une demande exprimée. Creuser suffisamment le sujet, en faisant preuve d’esprit critique, en s’interrogeant, pour revenir à la cause profonde, celle qu’il faut traiter.
C’est un peu la même histoire au fond que la différence entre corrélation et causalité, mais c’est un autre sujet. Pour réussir à réellement résoudre un problème, il faut trouver sa cause fondamentale.
En pratique, il suffit de se poser la question du pourquoi à chaque fois. Pourquoi cette demande ? Et à force de se la poser, on parle parfois à cet effet de la méthode des 5 pourquoi, on arrivera bien à tomber sur la cause profonde.
Sauf qu’on est confronté à une autre difficulté, c’est celle des jeux d’intérêts dans une entreprise qui conduisent à ce que chacun ne joue pas toujours franc-jeu. Il n’est pas rare qu’il y ait, dans un projet, des objectifs non avoués.
C’est là où l’on doit être clair avec soi-même : est-ce que l’on cherche à satisfaire la demande de celui ou celle qui nous l’exprime ou est-ce que l’on cherche à résoudre un problème dans l’intérêt de l’entreprise ? Cela nous renvoie à la notion de bien commun mais c’est un autre sujet.
En d’autres termes, il ne faut pas s’arrêter à une analyse de surface mais réfléchir et cela sans faux-semblant car il y a rarement de solutions simples et toutes faîtes.
Et dans le cas d’une relation client-fournisseur, Dieu sait que cette exigence de servir l’intérêt de l’entreprise cliente plutôt que de répondre à sa demande pour faire du chiffre est différenciante !
Et cela pose donc la question de savoir, en tant que prestataire ou en tant que salarié, si tu t’autorises ou pas à questionner la demande qui t’est faîte et jusqu’où. Cela renvoie là encore à un autre sujet, celui de l’autonomie.
En résumé, face à un problème à résoudre, il ne faut pas se contenter de répondre directement à une demande telle qu’elle est formulée mais il convient de chercher sa cause profonde en faisant preuve d’esprit critique et d’honnêteté intellectuelle.
J’ai bon cheffe ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire