Le taylorisme est mort, vive le taylorisme !
Dans cet épisode, nous allons nous intéresser d’un peu plus près aux principes du Taylorisme qui sont encore largement utilisés dans nos entreprises et leurs limites.
Dans cet épisode, nous allons nous intéresser d’un peu plus près aux principes du Taylorisme qui sont encore largement utilisés dans nos entreprises et leurs limites.
On a tous en tête cette image de Charlie Chaplin qui ressert des boulons dans un film en noir et blanc. Le taylorisme date de la deuxième révolution industrielle, dans les années 1910. Si on caricature c’est des hommes debout, derrière un tapis roulant qui répètent inlassablement les mêmes gestes, et des cols blancs qui ne foutent jamais les pieds sur le terrain.
Oui mais ça va, on en est sorti de tout ça non ? C’était il y a plus d’un siècle ! Depuis on a parlé d’enrichissement du travail, de diversification des tâches, et puis bien sûr de QVT. Avec les chief happiness officer, le taylorisme c’est du passé. Non ? Le taylorisme est mort, vive le taylorisme, c’est quoi l’histoire ?
Il est vrai que le taylorisme date un peu mais il n’en est pas moins encore d’actualité, c’est ce que nous allons voir ensemble. Mais avant cela, comprenons bien les principes sous-jacents. L’organisation scientifique du travail selon Taylor repose sur 2 divisions majeures. Une division verticale et une division horizontale.
Commençons par la division horizontale. C’est une décomposition de la chaîne de valeur, on la découpe en plus petite unités organisationnelle de création de richesse. À l’origine, on va jusqu’à lister les tâches les plus élémentaires et hop à chacun la sienne.
Toi tu poses le boulon ici, moi je le visse là. C’est une standardisation du travail. Ça conduit à des tâches très répétitives pour chaque salarié. C’est ce qu’on appelle « le travail à la chaîne ».
Et en plus on va contrôler le rendement de chacun avec un chronomètre : tu seras d’ailleurs payée au nombre de boulons vissés dans un temps donné.
La seconde division on le disait, elle est verticale : on sépare ceux qui conçoivent de ceux qui produisent. Ceux qui pensent le travail, les cols blancs, dans leur tour d’ivoire écrivent les procédures pour ceux qui font, les cols bleus, sur le terrain.
Pas besoin de réfléchir sur le terrain, il suffit de suivre la procédure à la lettre.
Et alors si la procédure n’est pas adaptée à la réalité du terrain ? Si la réalité change ?
Ah bah ça ce n’est pas prévu par la procédure…. Et c’est justement une des limites du modèle taylorien : d’abord on ne peut pas tout prévoir donc c’est imparfait par nature mais surtout c’est sa difficulté à s’adapter au changement, surtout quand il est rapide.
En fait, les normes et les processus ça marcherait si on pouvait tout prédire, tout penser. Mais rien n’est jamais comme prévu en effet et d’autre part le monde change, il évolue et vite. En d’autres termes, les processus sont par nature imparfaits et rigides.
Et on se retrouve avec des organisations procédurières incapables d’évoluer vite et donc en décalage avec le monde tel qu’il est, avec les situations réelles. Bref, la théorie et la pratique.
Et donc des opérationnels sur le terrain qui se retrouvent avec des consignes qui n’ont pas forcément de sens au regard de la situation concrète à résoudre.
D’où l’importance de libérer l’autonomie ! Mais c’est un autre sujet. Le problème de Taylor c’est qu’il pensait qu’on ne demande pas aux personnes sur le terrain de penser… ce qui est un non-sens total.
Et ça va même plus loin, et c’est la deuxième limite du taylorisme : l’appauvrissement du travail.
Pour gagner en productivité, Taylor était convaincu qu’il fallait découper le travail en tâches pour éviter la perte de temps lié au changement de tâches : se déplacer, réfléchir à la prochaine action etc.
Et au fond, il a raison : on le voit bien quand on est interrompu !
Oui on perd le fil… euh j’en étais où déjà ?
Taylor avait raison mais à court terme.
Oui ! Au début, découper le travail en tâches ça fonctionne. Mais sur le long terme, répéter sans cesse la même action à l’infini… c’est lassant voire déshumanisant !
Et en plus, ce même découpage conduit à créer des silos. Et c’est la troisième, et dernière limite que nous allons évoquer même s’il y en a d’autres.
Chacun travaille dans son coin, moi je pense, toi tu appliques… ou l’inverse… mais surtout trêve de bavardages. Alors oui, chaque service va aller plus vite, mais pas sûr que le produit de sortie soit optimal. En gros, on souffle tous très fort dans notre tuyau d’orgue mais on ne joue pas forcément la même partition.
On s’est d’ailleurs rendu compte que si à court termes ce découpage permettait des gains de productivité, sur le long terme la démotivation et le manque de communication qu’il engendrait conduisait à des baisses de qualité des produits livrés.
Oui mais ne jetons pas non plus bébé avec l’eau du bain ! Bien sûr les organisations dérivées du taylorisme ont des limites mais on en a besoin pour assurer la productivité. En fait, c’est simple, il s’agit du seul modèle de productivité que l’on connaisse.
À tel point que cette méthode de gestion et d’organisation des ateliers de production qui était initialement destinée au secteur industriel est devenu le fondement de la productivité dans tous les secteurs ! Et pour preuve, pour n’en citer qu’une seule : le concept de poste !
C’est vrai que le concept de poste est présent dans quasiment toutes les organisations. Et il vient du taylorisme et de son découpage horizontal de la chaîne de valeur. Le poste, c’est bien la plus petite unité organisationnelle de création de richesse quand on découpe cette chaîne.
Du coup c’est un peu le serpent qui se mord la queue. D’un côté on a besoin de productivité et le modèle taylorien est le seul modèle que l’on connaisse pour cela. Et de l’autre conscient de ses limites lorsqu’il s’agit de s’adapter à un environnement changeant on cherche à le dépasser, à l’ouvrir, à le transformer pour permettre cette agilité que l’on appelle de nos vœux.
Il n’y a en effet pas de modèle miracle pour répondre à ce double enjeu à savoir allier productivité et agilité.
La récurrence des modes managériales est d’ailleurs assez révélatrice à ce sujet, elle montre bien que nous n’avons pas solutionné un problème aussi complexe que structurant : la rigidité d’un modèle taylorien qui ne peut pas s’adapter seul à un environnement changeant.
En résumé, le modèle taylorien est le seul modèle d’organisation du travail que l’on connaisse pour favoriser la productivité. Cependant le découpage horizontal et vertical sur lequel il repose conduit à plusieurs limites qu’il convient de dépasser pour allier productivité et agilité.
J’ai bon cheffe ?
Oui tu as bon, mais on ne va pas en faire toute une histoire.