Le concret en mode pile ou face

Dans cet épisode, nous allons vous parler des bénéfices à vouloir du concret, ou de tout le contraire, en mode pile ou face.

Dans cet épisode, nous allons vous parler des bénéfices à vouloir du concret, ou de tout le contraire.

Ne vous êtes-vous jamais énervé·e devant une présentation aussi hors-sol que fumeuse d’un consultant qui vous expose à force d’anglicismes en « ing » et de néologismes en tout genre un concept tellement puissant qu’il croit avoir découvert la pierre philosophale du management ?

Oui ! Mais heureusement, il y a parfois un opérationnel, une femme ou un homme de terrain, soucieux·se de « délivrer » des résultats qui sait mettre un terme aux effets de manche inutiles et aux gesticulations délirantes par un « Oui mais il nous faut du concret » à la fois poli mais ferme.

Quoi de plus normal en effet que de chercher à obtenir un résultat concret plutôt qu’à croire aux promesses des incantations ? Les résultats, ça c’est du concret ! Alors oui, être concret apporte des bénéfices concrets, ou tout son contraire. Alors concrètement, c’est quoi l’histoire ?

On est frappé dans de nombreuses entreprises – car il n’y a pas que les consultant·es qui planent – par la capacité de certaines personnes à être hors sol, déconnectées du réel. On peut même se demander si de nager dans les hautes sphères de concepts qu’ils·elles qualifient, à tort, de stratégiques, ne leur conférerait pas une importance… qu’ils·elles n’ont pas par ailleurs.

Combien de grands plans sur la comète se sont effondrés sur le réel, tu sais ce dont Lacan dit : “le réel c’est quand on se cogne”. Alors oui certaines décisions, certains plans et programmes se cognent ! Donc se plantent. Parce qu’ils sont précisément déconnectés de la réalité, élaborés dans une tour d’ivoire et qu’ils ont peut-être été pensés trop théoriquement et que le passage à la pratique a bien merdé.

Le concret c’est ça : être ancré, pour prendre un mot à la mode chez les consultants, être ancré dans le réel. Ce que l’on vise c’est quand même bien à chaque fois de résoudre un problème concret.

Et les grandes idées abstraites, qui ne se traduisent pas en actes concrets ont en effet peu de chances d’aboutir et de les résoudre. Alors oui, l’injonction au concret a la vertu de ramener sur terre celles et ceux qui planent et font prendre le risque à un collectif de ne pas résoudre les difficultés auxquelles il est vraiment confronté.

Prends la créativité par exemple. C’est bien d’être créatif mais cela reste dans le domaine des idées. C’est abstrait. Cela ne transforme que les idées, pas le réel. Et c’est bien après un processus au cours duquel l’idée est devenue projet, produit ou service, que l’idée devient une innovation, concrète, qui transforme concrètement le réel.

Alors, oui à l’injonction au concret ! Ramenons sur terre les doux rêveurs et tous ceux et celles qui croient, parfois sans le savoir, qu’on peut être utile en s’affranchissant des exigences des résultats. Privilégier le concret ne peut avoir que des bénéfices… ou tout son contraire.

Bien sûr qu’à la fin, il faut du concret, cela va sans dire ! Le juge de paix ce sont les résultats. Mais il ne faut pas que cette injonction interdise de … réfléchir.

Ah bon pourquoi ?

Bah parce que lorsque l’on ne réfléchit pas, on a vite fait d’être con·ne ou à tout le moins de faire des conneries. Combien de fois cette injonction au concret confine à la réduction de la complexité d’un problème à une seule de ses facettes ? Combien de fois, à force de privilégier l’action concrète à la réflexion, on finit par empiler des solutions simplistes qui non seulement ne résolvent pas le problème complexe ET concret auquel on est confronté mais qui plus est en crée de nouveaux ?

Ah oui ? un peu comme des résolutions de bugs dans une appli informatique mais sans tests de non-régression … on corrige un problème immédiat mais la correction plante ce qui marchait avant …

Dit en d’autres termes, privilégier l’action et le concret c’est bien car c’est ce que l’on vise. Mais le faire au détriment de la réflexion, c’est con. A fortiori dans un monde de plus en plus complexe. Il y a un temps pour la réflexion, de manière à imaginer des solutions intelligentes, donc en ayant analysé et compris le problème, ses implications et incidentes, puis un temps pour agir efficacement.

Et réfléchir ne veut pas dire penser quelque chose en étant déconnecté du terrain, bien au contraire. C’est en s’en nourrissant que la réflexion est pertinente. Alors oui il faut arriver à quelque chose de concret, c’est une évidence, mais il faut éviter les raccourcis simplistes, faute de quoi on risque bien de créer plus de problèmes qu’on en résout !

C’est pas facile hein de regarder loin à l’horizon ou d’avoir une vision hélicoptère quand on a le nez dans le guidon. Quand on a le nez dans le guidon, on pédale, tête baissée, échine courbée, on voit pas loin, on voit ses pieds.

Mais c’est pas gagné non plus de comprendre les aspérités de la route ou le gravier sur la chaussée qui te fait déraper, puis sortir de la route, quand tu planes à 15000 au-dessus du vélo.

Bah oui, comme toujours, ce n’est pas dans les extrêmes que cela se joue mais dans les nuances et les équilibres. Il n’y a pas d’un côté les concepts et la théorie et de l’autre la pratique concrète mais deux méthodes différentes qui doivent s’enrichir mutuellement pour in fine, résoudre un problème concret.

Un peu comme s’il fallait utiliser successivement et régulièrement un zoom et un grand angle, pour comprendre le détail et la « global picture » comme dirait des consultants anglo-saxons. En gros, la pensée et l’action ne faisant qu’un car se complétant.

C’est le sens même de la pratique réflexive. En termes simples, réfléchir à ce qu’on fait, prendre du recul, pour en tirer des enseignements que l’on met ensuite en pratique pour faire quelque chose de concret bien sûr.

En résumé, bien sûr il faut in fine être concret c’est-à-dire s’inscrire dans le réel mais attention à imposer une dictature du concret on risque de s’affranchir de la nécessaire réflexion que demande toute décision et alors en prendre de mauvaises. Une chose donc et son contraire.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.