L’identité d’une entreprise, c’est quoi ?

Dans cet épisode nous allons nous interroger sur ce qu’est la notion d’identité de l’entreprise.

Qui suis-je ? Où vais-je ? Où cours-je et concombre ! La question ontologique de l’être, du « to be or not to be » de Shakespeare au « cogito ergo sum » de Descartes en passant par le « Não sou nada. Nunca serei nada » de Pessoa, nous courrons toutes et tous paradoxalement derrière cette notion d’identité.

Et l’entreprise n’échappe pas à ce questionnement. Un questionnement d’autant plus prégnant que le statut d’entreprise à mission suscite un engouement chez certaines d’entre elles, comme la Maif ou Danone. Or, en renvoyant à la raison d’être, cela renvoie aussi à cette notion d’identité.

Oui, tu as raison. Il n’est pas rare de s’entendre dire en entreprise « ce qui fait notre ADN ». Un peu comme si ce qui nous définissait c’était notre ADN … Et si c’était plutôt notre identité, non réductible à l’ADN ? C’est quoi l’identité d’une entreprise ? C’est quoi l’histoire ?

La notion d’identité est assez complexe en soi car elle est un peu à la croisée de nombreux chemins, de la philosophie à la sociologie en passant par la psychologie ou comme tu l’as dit à la référence à la biologie chez certains. Bref un corpus de références vaste pour tenter de cerner une notion très complexe.

En effet, et il y a de très nombreux travaux dans toutes ces disciplines, notre objet n’est pas d’en parler ici. Nous ne nous sentons pas autorisés à aborder une notion qui, des philosophes à la psychiatrie avec Freud puis Lacan, est au cœur des questionnements de l’humanité.

Et en plus une notion qui en met certains et certaines à fleur de peau dans notre société contemporaine ! Alors on va se contenter – déjà – d’essayer de la clarifier pour une entreprise. Bon au moins sa dimension « biologique » dans le cas présent, le fameux « ADN » pour une personne morale, on ne va pas s’y attarder !

Oui, mais alors à quoi font référence, consciemment ou non, les personnes qui parlent de l’ADN de leur boîte. Commençons par le début. L’origine. Je ne parle pas de « l’origine du monde » ou alors on va être censurés par la brigade du nouvel ordre moral. Je parle bien de l’origine de l’entreprise.

L’origine, d’où l’on vient, c’est certainement un constitutif de l’identité. Ce n’est évidemment pas le seul mais l’origine en tant que telle est un aspect de cette notion multiforme qu’est l’identité.

Et l’origine d’une entreprise c’est sa raison d’être, ce pour quoi elle existe, ce pour quoi elle s’est constituée. C’est bien cela sa raison d’être. Son origine, c’est sa mission. Cela nous renvoie à la notion d’entreprise à mission, et c’est un autre sujet, mais toute entreprise à une raison d’être. Une entreprise n’est pas une génération spontanée.

Cette raison d’être n’est pas toujours pleinement formalisée d’ailleurs. Comme toute personne qui ne passe pas systématiquement son temps à chercher, à formaliser et à se référer à son origine ! Cette raison d’être c’est une intention, ce que les anglo-saxons désigne par l’expression « purpose ».

C’est en effet une dimension du sens auquel on fait si souvent appel. Mais l’identité, tu l’as dit, ne se réduit pas à l’origine. Elle est aussi construction. J’aime bien cette phrase du leader Kanak Jean-Marie Tjibaou qui disait « notre identité, elle est devant nous »

Oui l’identité c’est aussi le voyage et la destination. A l’image d’Edgar Morin qui écrit dans « Les souvenirs viennent à ma rencontre » qu’il est devenu ses rencontres, et bien l’identité de l’entreprise c’est aussi le voyage qu’elle va faire depuis son origine. Une raison d’être donc, ce pour quoi l’entreprise est là, mais aussi la vision qu’elle se donne qui, finalement, lui indique la direction de ce voyage.

Cette vision, c’est en quelque sorte l’ambition qu’elle se donne. On a une intention mais aussi un cap ! Et c’est ce qui réunit aussi l’équipage, du capitaine au soutier. Ce qui donne un sens au profit. Même les fonds de pension s’y intéressent, c’est te dire

En effet, le DG du fond d’investissement BlackRock affirmait il y a peu, en 2019, que la « raison d’être » je cite « crée un garde-fou essentiel contre les actions qui vont contre l’intérêt des parties prenantes ». Une vision de l’entreprise plus équilibrée.

Ou opportuniste. C’est le risque de réappropriation cynique d’un sujet qui contribue à remobiliser le corps social. Mais admettons. On y croit. Donc une intention et un cap sont des constitutifs de l’identité de l’entreprise. « D’où je viens » et « là où je vais ». Une mission et une vision.

Absolument mais les voyages sont par nature semés d’embûches et les mers sont parfois de plus en plus démontées. Et puis, on ne fait pas les choses à n’importe quel prix ou n’importe comment. Ce qui fait l’identité, c’est aussi les principes qui guident nos choix et nos actions dans ce voyage. En d’autres termes les valeurs qui nous unissent.

Et oui comme tu le dis, la vie n’est pas un long fleuve tranquille sur ces mers démontées. Les valeurs qui nous unissent constituent en effet la troisième dimension de l’identité. Ce qui relève d’une dimension culturelle. Or cette dimension ne s’édicte pas mais est surtout la résultante de ce que nous sommes et vivons collectivement.

La mission et la vision c’est un cadre. Mais en effet, tout cela est vivant. Il ne suffit pas de clamer ses valeurs comme principes guides quand on quitte le port ! Les valeurs ça se vit au quotidien. C’est une dimension de l’expérience collaborateur d’ailleurs mais c’est un autre sujet.

Oui et la mission et la vision participent aussi de cette expérience. Est-ce que les décisions que l’on prend vont dans le sens de l’intérêt du bien commun, et ce bien commun c’est la mission et la vision, en un mot le projet ? Ou pas !

Et si ce n’est pas le cas, l’identité vécue est une déchirure au regard de l’identité affichée ! En d’autres termes, la dissonance qui en résulte est source de mal-être pour les collaborateurs, mais là encore c’est un autre sujet.

En résumé, l’identité de l’entreprise est une notion complexe et multiforme. On peut la résumer à 3 dimensions : 1. La mission, en d’autres termes d’où je viens, la raison d’être 2. La vision ou le projet, où je vais et 3. Les valeurs, c’est-à-dire ce qui nous unit collectivement et nous sert de guide dans ce voyage.

J’ai raison cheffe ?

Oui tu as raison mais on ne va pas en faire toute une histoire