La QVT, c’est la qualité de vie au travail ou dans le travail ?
Dans cet épisode, nous allons expliquer pourquoi le sujet de la qualité de vie au travail – la QVT – invite à s’interroger d’abord sur le travail en lui-même.
Dans cet épisode, nous allons expliquer pourquoi le sujet de la qualité de vie au travail – la QVT – invite à s’interroger d’abord sur le travail en lui-même.
Entre ceux qui voudraient faire notre bonheur à notre place et la réalité parfois extrêmement brutale du travail pour certaines personnes, il y a un grand décalage. C’est sûr que le personnel hospitalier, par exemple, que certain·es ont applaudi un temps en retrouvant les vertus de la reconnaissance morale seraient supers contents d’avoir des baby-foots ! … Ou peut-être plutôt des masques et des gants, bref des moyens.
Ou des managers de proximité par exemple, qui, peut-être, préfèreraient dans certaines entreprises plus de sens, plus d’autonomie, moins d’injonctions contradictoires plutôt que des lounges green digitaux ou des apps où l’on booste la happy life avec sa tribe ou encore des babyfoot connectés…
A force de parler de ce qu’il y a autour du travail, peut-être oublions-nous, maladroitement ou cyniquement, le travail en lui-même. Alors la QVT, c’est la Qualité de Vie au travail ou la qualité de vie dans le travail ? C’est quoi l’histoire ?
Historiquement, même si l’expression QVT et sa « popularisation » en France date plutôt des années 2000, le sujet s’inscrit dans une très longue tradition d’études et de compréhension des conditions de travail, et notamment du caractère subjectif que peut avoir son appréciation, à commencer par celle des intéressés eux-mêmes évidemment, ce qui renvoie au thème de l’expérience collaborateur, mais c’est un autre sujet.
Oui dès la crise de 29 avec les travaux de Mayo, considéré comme l’un des pères fondateurs de la sociologie du travail, qui faisait déjà une analyse critique du Taylorisme et de ses effets délétères mais aussi de l’OMS, l’organisation mondiale pour la santé dans les années 90, bref un sujet comme tu dis qui s’inscrit dans une longue tradition.
Et depuis plusieurs années on voit proliférer des termes qui se rapportent de près ou de loin à ce sujet comme les RPS ou risques pyschosociaux, le bien-être au travail, toute la suite des burn out, bore out et brown out ou encore le Chief Happiness Officer ; Bref, un arsenal impressionnant mais qui rend aussi les choses confuses pour les praticiens.
D’autant plus que certain·es ont évidemment des intérêts commerciaux derrière tout ça. Et c’est là, la première difficulté pour le praticien. Ne pas être détourné des sujets essentiels qui relèvent de la santé physique ou mentale des collaborateurs en se focalisant trop sur des sujets connexes, même avec les meilleures intentions du monde.
C’est vrai qu’on a parfois l’impression que dans certain·es entreprises, à force de mesures en tout genre qu’on empile, souvent déconnectées les unes des autres, on s’est plus préoccupé des symptômes que du sujet en lui-même : on fait des espaces de travail dont on pense qu’il favorise le bien être des personnes – et on ne caricaturera pas les baby-foots et autres espaces massages, on lance des applis qui nous demande tous les matins si « ça va », comment est notre « mood », etc. alors que personne dans l’entreprise ne posera réellement cette question, en se préoccupant de la réponse.
En effet, on a l’impression, pas partout évidemment, que malgré le recul et l’histoire qu’on a sur le sujet, malgré la qualité des institutions et leurs travaux comme ceux de l’ANACT par exemple, qu’à force de parler de la qualité de vie au travail on en délaisse un peu la question du travail en lui-même, c’est-à-dire des sources de mal-être, de souffrance, physiques et psychiques, dont il peut être la cause.
Un peu comme un cautère sur une jambe de bois, on ne traite pas toujours l’essentiel, et cet essentiel sur les conditions de travail réside naturellement bien plus dans le travail lui-même que dans ce qu’il y a autour. Un peu comme si on pouvait (ou voulait mais c’est un autre sujet) gommer la pénibilité, les injonctions contradictoires, la réduction de l’autonomie, ou tout simplement la charge de travail liée à une productivité attendue élevée.
La responsabilité de l’entreprise c’est quand même de s’assurer qu’il préserve la santé, l’intégrité physique et psychique, voire morale, des personnes. Il y a bien sûr ce qui relève de la sécurité, etc. – dieu sait qu’on y veille dans le monde industriel – mais il y a également ce que tu soulignes, le sentiment d’absence de sens dans ce que l’on fait, la réduction de l’autonomie, des cadences parfois difficiles à suivre, le manque de reconnaissance, l’injonction habile à faire quelque chose de borderline qui te fout mal au bide quand tu as un minimum d’éthique, etc.
Sans parler de sujets comme la discrimination, l’irrespect, le sexisme, bref tout ce qui relève d’un minimum de vivre ensemble. En d’autres termes, avant de parler de bien être, peut-être au moins éviter tout ce qui nourrit le mal-être, mais ça c’est un autre sujet.
Qui, parfois dans certain·es entreprises, masquent un déséquilibre trop important entre les parties prenantes qui met une pression forte sur les salarié·es. Dans cas de figure, on peut être tenté de croire que l’apéro zoom en mode « cool attitude » de l’after work à la piscine avec les collègues à tous les atours du paravent qui masque ce qui déplaît mais qu’on ne veut pas remettre en cause, quand il ne masque pas autre chose mais c’est une autre histoire.
Pour aller au fond du sujet de cette qualité de vie dans le travail, il faut aussi comprendre qu’il ne se limite pas uniquement à la sphère professionnelle, c’est-à-dire ce qui se passe dans l’entreprise. Les salarié·es sont des personnes qui ont une vie en dehors et qui n’abandonnent pas leurs peines et leurs peurs dans une valise à la porte du bureau avant d’embaucher pour la reprendre quand la cloche sonne !
L’être humain n’est pas découpable, en effet, ce qui renvoie d’ailleurs au thème de l’équilibre vie privée / vie professionnelle mais aussi à ce qui se passe dans la société civile et qui peut constituer un terreau anxiogène sur lequel pousse ce mal-être quand l’entreprise, par certaines de ses pratiques, en accentue certaines des causes profondes.
Oui et cet aspect large du sujet de la QVT, en puisant une partie de ses causes profondes dans ce que les gens vivent en dehors de l’entreprise, renforce la nécessité de tenir compte de sa dimension subjective et du contexte dans lequel elle s’exprime !
En résumé, le sujet de la QVT est complexe car il mobilise de nombreux thèmes. Donc le réduire à quelques notions simplistes ou à focaliser sur certains sujets parce qu’ils sont à la mode risquent de détourner de ceux qui sont essentiels : d’une part le travail en lui-même et la souffrance qu’il peut provoquer, d’autre part la perception subjective qu’en ont les personnes et le contexte dans lequel elles le vivent.
J’ai bon cheffe ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.