Le travail à distance : définitions

Retranscription de l’épisode

Dans cet épisode nous allons vous parler de ce qu’est le travail à distance.

Le travail à distance, vous le connaissez toutes et tous. Et même si vous n’êtes pas en situation réelle de télétravail, vous expérimentez presque chaque jour de votre vie une forme de nomadisme professionnel.

Télétravail, nomadisme, travail à domicile, tiers-lieux et espaces de co-working… bref, on ne va plus au travail, on emmène son travail avec soi. En toile de fond, la distance. Et la distance c’est aussi celle qu’on aimerait parfois prendre et qui rend lucide. C’est quoi l’histoire ?

En premier lieu, il convient de rappeler qu’il y a derrière cette expression de « travail à distance », deux mots : travail et distance. Deux mots qui nous renvoient intuitivement à des situations qui nous semblent simples à comprendre et pourtant quelques précisions s’imposent ! On commence par le travail ? Avant de prendre nos distances ?

Le vocabulaire entretient souvent des confusions et tu as raison. La première précision qui s’impose c’est de distinguer au fond deux grandes catégories : le télétravail, qui est une forme de travail à distance encadrée par la loi et plus généralement le travail à distance sous toutes ses autres formes, très variées, et qui renvoient au lien contractuel entre le donneur d’ordre et celui qui le remplit. On comprend aisément que dans ce second cas, il n’y a rien à voir entre la situation du salarié qui travaille en situation de mobilité et celle d’un travailleur indépendant de type freelance qui exerce de chez lui ou d’un espace de co-working.

Absolument, si le télétravail correspond à une pratique collective d’entreprise qui est encadrée, il doit répondre à certains critères et exige d’être pensé en tant que tel. Cela suppose évidemment des règles et cela renvoie surtout aux pratiques managériales et à la culture qui la sous-tend.

En revanche, le travail à distance non encadré, de type nomadisme professionnel, échappe le plus souvent aux règles collectives, négociées et partagées. Pour autant, il n’échappe pas aux contraintes, par exemple, celles de la sécurité informatique quand on est salarié d’une entreprise. Il y a aussi, par exemple, la contrainte liée à la culture numérique de l’entreprise, quand on aimerait utiliser des outils conviviaux et ouverts et qu’on se trouve confronté à une politique interne qui reproduit la culture du contrôle, y compris dans les outils digitaux. Là encore cela renvoie à la culture.

Tu veux dire par là, en d’autres termes, que le travail à distance, dans ses règles, dans les représentations individuelles et collectives qui les conditionnent et même dans ses outils est révélateur de la culture d’une entreprise ?

Exactement. On a le travail à distance qu’on mérite. Et ces représentations culturelles qui nous conditionnent, et bien, elles conditionnent aussi ce que nous mettons derrière la seconde notion que nous évoquions en introduction : la distance.

Prenons un peu de recul donc sur cette notion de distance.  Quand on parle de distance, on parle bien de distance physique, géographique non ? C’est bien cela la base du travail à distance.

Oui la première distance qui s’impose est physique. Mais regarde comme les confusions s’installent vite et sont potentiellement sources de malentendus. N’as-tu pas entendu parler de « distanciation sociale » là où ce qui est nécessaire dans les faits, c’est de la distanciation physique ? En d’autres termes, la distance physique n’interdit pas la présence sociale, non ? Et c’est bien là le problème. Etre présent à distance !

C’est vrai que la distance nous renvoie à ce que nous nous faisons comme idée de ce qu’est la présence. Sous toutes ses formes, la présence au travail ce n’est bien évidemment pas la seule présence physique ! Il y a bien des gens qui sont présents physiquement mais moralement absents là où d’autres sont absents physiquement et pourtant moralement très présents ! On peut bien être loin et pourtant très présent à l’autre

La distance nous interroge en effet sur ce qu’est la présence. La vie de tous les jours nous l’apprend. On a bien eu toutes et tous un jour un chef à plumes très présent physiquement et pourtant aussi transparent que le vent quand il faut prendre une décision ou un collègue dont la présence était terriblement nuisible au collectif. Bref distance physique et morale ! Mais ce n’est pas tout !

Bien sûr il y a aussi la distance dans le temps quand on a un manager qui oublie le décalage horaire à l’international ou exige la présence des autres à son rythme, quand ça l’arrange et sans raison objective d’activité, si ce n’est sa négligence à l’égard des contraintes de chacune et chacun.

Distance géographique, distance temporelle. L’espace et le temps sont indissociables, non ? Mais il y a aussi les distances organisationnelles, tiens : pense, par exemple, à ces deux personnes qui ont le même job, qui travaillent dans le même bureau et parce qu’elles ne sont pas juridiquement rattachées à la même entité juridique, l’une a 2 mois de participation et intéressement et pas l’autre. A mon avis, de ces deux-là, il y en a une qui expérimente une distance bien réelle et il est fort probable que cela nuise à sa présence morale !

On peut parler aussi de distance statutaire quand les barrettes et les galons donnent à certains l’impression qu’ils sont au-dessus des autres. Qui ne connaît pas une entreprise où des métiers sont stars ou bien certaines professions où le rang statutaire en impose autant que les plumes du chef que tu évoquais il y a un instant ? Décidément, la distance peut prendre de multiples formes comme nous le rappellent certaines personnes si hautaines !

En résumé, le travail à distance nous renvoie à deux notions, le travail et la distance. D’abord, deux catégories sont bien à distinguer. Le travail à distance encadré. Ce qu’on appelle généralement le télétravail. Et le travail à distance non encadré, une forme de nomadisme professionnel. Puis la distance, qui revêt 4 grandes formes : la distance géographique ou physique, mais aussi la distance temporelle, organisationnelle ou statutaire. Toutes ces formes de distance doivent nous interroger sur ce qu’est être présent, au travail et aux autres. Le travail à distance est en ce sens un révélateur culturel.

J’ai bon cheffe ?

Oui tu as bon sous-chef mais on ne va pas en faire toute une histoire !