L’agilité est morte, vive la résilience organisationnelle

Dans cet épisode, nous allons parler de résilience organisationnelle et tenter de comprendre ce dont il s’agit. Ou pas.

Dans cet épisode, nous allons parler de résilience organisationnelle et tenter de comprendre ce dont il s’agit. Ou pas.

Ah la résilience, cette disposition ou capacité personnelle de rebond après un choc et qu’on met désormais à toutes les sauces au point que lesdites sauces risquent bien de dénaturer le goût des plats !

C’est pourtant une qualité personnelle, ou une capacité comme tu dis, qui est utile. Elle aide à avancer diront certains, elle permet de se remettre d’un traumatisme diront d’autres. On ne peut pas s’empêcher de penser à la chanson d’Adjani avec son « Pull Marine » quand elle touche le fond de la piscine. Et hop, un petit coup de pied, et ça remonte à la surface.

Et cette disposition personnelle, dont on doit la popularisation en France à Boris Cyrulnik à la fin des années 90, les entreprises aimeraient bien l’avoir. On parle alors de résilience organisationnelle. Une expression qui a supplanté l’agilité dans le discours managérial depuis la crise covid 19. Mais pourquoi au juste ? L’agilité est morte, vive la résilience organisationnelle, c’est quoi l’histoire ?

A l’origine le terme de résilience est utilisé en physique. C’est l’énergie qu’absorbe un corps après une déformation. On voit bien l’image du gros sac mou qui absorbe et amortit un bon coup de poing. Mais sur un plan psychologique l’idée va plus loin que de simplement amortir le choc.

Oui c’est même l’idée au fond de rebondir plus haut après avoir subi un traumatisme. L’idée qu’après avoir encaissé le choc on en ressort grandi et plus fort et que peut intervenir une nouvelle phase de croissance.

Comment un tel concept pourrait-il ne pas intéresser l’entreprise ? On voit poindre l’image du Phoenix qui renaît de ces cendres. C’est tentant l’idée de rebondir plus haut et plus fort après un choc.

Et c’est pour cela que la reprise du terme dans le discours managérial est arrivée après la crise de la covid. Après le choc. Encaissons et rebondissons plus haut !

D’autant plus que l’agilité, qui rythmait le même discours managérial avant cette crise, a montré toutes ces limites lorsqu’elle est arrivée. Elle a été bureaucratisée par des consultants à force de méthodes – il faut bien vendre des jours de conseils ! En devenant dogme, elle a rajouté une couche de compliqué à la complexité ! Un peu comme la qualité dans les années 90.

La voie était ainsi ouverte pour accueillir ce nouveau concept salvateur : la résilience organisationnelle. Au fond on parle de quoi ? En fait, d’une certaine capacité d’une organisation à s’adapter (donc d’agilité hein !) à la suite d’un événement fort qui l’a choqué et d’en profiter pour rebondir.

Seulement voilà, comme dans bien des situations le passage de la capacité individuelle à la capacité collective est un peu rapide. Comme si une entreprise était la somme d’individus. Comme si les caractéristiques d’une organisation de personnes étaient la somme des caractéristiques desdites personnes.

C’est d’abord oublier qu’un groupe en tant que système organisé à ses caractéristiques intrinsèques, qui lui sont propres, et notamment à son organisation, sa culture, son histoire etc.

Et c’est faire fi de tout un champ de contraintes qui conditionnent et structurent en profondeur la vie d’une entreprise. A commencer par ses choix d’organisation. En fait l’expression résilience organisationnelle fait presque abstraction de fait précisément de la question de l’organisation.

Or, cette organisation est la déclinaison logique de choix stratégiques dans un contexte de contraintes donné. Ces contraintes sont le plus souvent dictées par des exigences de productivité ou d’innovation. L’organisation ne peut par conséquent pas être réduite à une notion aussi simple qu’une somme d’individus formant un groupe.

L’utilisation d’ailleurs fréquente mais abusive du mot « organisation » à la place du mot « entreprise » en est une bonne illustration. La méconnaissance des contraintes qui conduisent à des choix organisationnels conduit au fond à ignorer la question de l’organisation en tant que telle.

Et on finit alors par croire que le management d’une entreprise ça revient à gérer une équipe de sport collectif ! D’où les nombreux raccourcis qu’on voit ici ou là, et qui devraient plutôt nous inviter à revenir aux fondamentaux du management.

En d’autres termes, la résilience organisationnelle finalement est peut-être encore un mot valise qui ne désigne que la capacité d’adaptation d’une entreprise, et donc notamment de son organisation, à un contexte qui change – et parfois brutalement – pour reprendre la métaphore du choc chère à l’idée de résilience.

Alors la résilience organisationnelle ne serait qu’un avatar de plus … après l’agilité, l’intelligence collective, l’organisation apprenante etc. Une tendance managériale de plus qui livre toujours le même enseignement sous-jacent.

C’est qu’on ne connaît toujours pas la pierre philosophale de l’organisation qui permet d’allier à la fois productivité et capacité d’adaptation rapide, mais ça c’est un autre sujet.

En résumé, la résilience organisationnelle est un concept dérivé de celui de résilience en psychologie qui désigne la capacité de rebond après un traumatisme. Toutefois, l’extrapolation du concept à une entreprise est un peu hasardeux car une entreprise n’est pas qu’un groupe de personnes mais une organisation choisie en fonction d’une stratégie pour répondre à un système de contraintes.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire