Apprendre à apprendre : une méta-compétence

Dans cet épisode nous allons apprendre à apprendre, nous allons nous interroger sur ce qu’il faut développer pour apprendre.

Dans cet épisode nous allons apprendre à apprendre, nous allons nous interroger sur ce qu’il faut développer pour apprendre.

Il y a 15 ans, en 2006, l’Europe définissait un référentiel de 8 compétences-clés parmi lesquelles figurait déjà « apprendre à apprendre ». Et parfois, quand on observe les comportements des uns et des autres, on se dit, qu’on gagnerait à la mettre en oeuvre…

Mais ça veut dire quoi au juste apprendre à apprendre ? Il y a un guide méthodo ? Un manuel, un livre de recettes, des « tips and tricks » pour développer sa capacité à apprendre ? Ou est-ce plus compliqué que cela ? Et au fond à quoi ça sert ? Tu es sûr que c’est utile ? Et puis par où commencer ? Bref, apprendre à apprendre, une méta compétence, c’est quoi l’histoire ?

Bah déjà, ça commence bien Patrick, tu poses des questions et tu doutes… et c’est une bonne chose ! On va le voir, la question, le doute, sont clés dans l’apprentissage, c’est peut-être même le point de départ !

Le doute comme le moteur d’une pensée plus féconde … Ah ça y est, je sens venir le doute Cartésien, le « je pense donc je suis »… Les méditations métaphysiques… ouh la la… « qui ne doute pas acquiert peu » disait Léonard de  Vinci …

Oui, et non… Je ne parlais pas ici de questions philosophico-soporiphico-intellos. D’autres l’ont fait bien mieux que nous depuis longtemps. Je parlais simplement de faire preuve d’un peu de curiosité, de s’arrêter un instant pour se demander, « tiens pourquoi ? » ou « mais c’est bien vrai ça ? » S’interroger pour essayer de mieux comprendre.

Au fond, ce qui compte ce n’est pas le savoir en tant que tel, mais bien la capacité à le questionner. En fait, c’est ça apprendre à apprendre : développer notre capacité à nous approprier ces savoirs pour en sortir grandis. C’est tout le sens du mot « élever ».

Et cela suppose de mobiliser un certain nombre de connaissances et d’aptitudes : savoir entre autres communiquer, lire et écrire…. Avant de conduire, vous apprenez bien le code de la route, et bien là c’est pareil, il faut déjà maîtriser quelques bases.

Mais au-delà de ce socle, nécessaire bien que non suffisant, « apprendre à apprendre » suppose de développer une attitude particulière face à l’apprentissage en lui-même pour qu’il devienne continu. Et c’est ça que nous allons questionner dans ce podcast.

En fait, on peut considérer ce processus « d’apprendre à apprendre » comme un cercle qui s’autoalimente. Et tout part de la question comme je le disais en introduction !

C’est par là que ça commence, en effet. Et ça suppose de faire preuve de curiosité, d’avoir envie d’aller chercher l’information, de creuser. La question est motrice. Mais c’est aussi se questionner, challenger ses certitudes, en un mot commencer par désapprendre.

Accéder à l’information aujourd’hui, ce n’est pas bien compliqué. La plupart des informations dont on a besoin est à portée de clics. C’est une des conséquences du digital d’ailleurs qui bouleverse notre rapport au savoir. Et pour ceux qui en doutent encore, on a fait un podcast sur ce sujet.

Mais les données ne rendent pas nécessairement intelligents ! Ce savoir est noyé au milieu d’un tas d’autres informations qui ne sont pas toujours vraies ou factuelles. Il faut alors être capable de sortir la tête de ce qu’Edgard Morin appelle le nuage informationnel[1] .

Être capable d’extraire le vrai du faux, de distinguer le fait de la croyance, l’objectif du subjectif.

Et c’est bien la deuxième étape de notre cercle d’apprentissage : le discernement ou l’esprit critique comme vous voulez.

Après s’être posé une question qui nous pousse à chercher la réponse, il faut discerner parmi les informations que l’on a ce qui relève de faits, démontrés.

Mais si on s’arrête ici, notre cercle n’est pas complet. Tu disais tout à l’heure que la base de la conduite c’était de connaître le code de la route. Puis on a ajouté qu’il fallait aller chercher des informations, en gros du carburant.

Et d’être capable de choisir le bon carburant : diesel ou essence.

Ou de l’électricité ou de l’hydrogène peut-être un jour. Bref, une fois qu’on a choisi le bon carburant bah il faut le mettre dans le réservoir.

Et il faut tourner la clef ! Appuyer sur les pédales. C’est-à-dire faire le lien entre l’essence qu’on a mis dans la voiture, le moteur de notre voiture, les connaissances que l’on a du code de la route etc. Bref coordonner tout cela pour former un tout qui peut rouler.

Ça veut dire faire le lien entre la théorie et la pratique, entre cette information nouvelle que je viens de découvrir et les savoirs que j’ai en stock. Ce n’est pas renouveler son stock en en remplaçant une partie par un flux nouveau mais bien profiter de ce flux nouveau pour enrichir, amender, et faire évoluer le stock existant.

C’est notre troisième étape : adopter une vision globale, tisser des liens. Le savoir ne peut être considéré en silo, bien cloisonné d’un champ d’expertise à un autre. Apprendre à apprendre c’est aussi développer une vision transverse, comprendre les liens entre les choses, les impacts, les causes, les conséquences.

En effet : tisser des liens entre les choses. Une formule simple à retenir : apprendre, comprendre, entreprendre. J’ai une information que j’apprends, le préfixe (a) c’est-à-dire enlever, nettoyer son regard des pollutions qui déforme cette information (mes biais cognitifs, les intérêts des uns et des autres). Bref le doute. Puis comprendre, le préfixe com (avec), je m’approprie cette connaissance nouvelle, je tisse des liens avec ce que j’ai déjà acquis, puis j’entreprends. J’agis en cohérence avec ce que j’ai compris.

Et on va insister sur ce dernier point. Entreprendre. Apprendre en soi ça ne sert pas à grand-chose si ensuite on ne mobilise pas notre savoir dans la pratique. Je suis prêt dans ma voiture, j’ai mis de l’essence, ma ceinture, tourné la clef, mais je ne passe pas la première… C’est un peu con.

Si tu veux avancer oui c’est con. Se nourrir l’esprit c’est très bien, on ne remet pas cela en cause, mais ce qui est encore mieux, c’est de mettre en pratique ce que l’on a appris. C’est notre 4ème point : la capacité à agir.

Agir oui, et de temps en temps… se questionner sur nos actions et ce qu’elles nous apprennent ! Et la boucle est bouclée !

Certains vont parler de pas de coté, de prise de recul, de rétrospective, de pratique réflexive… peu importe les mots que vous employez il s’agit bien de se remettre en question au regard des nouvelles informations que l’on apprend et des actions que l’on entreprend.

Et c’est finalement ça apprendre à apprendre : sortir grandi de ce processus, de ce cercle vertueux dont on parle depuis le début. Un cercle vertueux qui invite à progresser en permanence.

Nous avons toute une vie pour apprendre. Alors le cercle d’apprentissage recommence encore et encore. Ça suppose un certain inconfort, on ne peut pas se reposer sur des certitudes. S’endormir sur ses lauriers. Donc ça demande un effort. Ce n’est pas simple. Ça bouscule. Mais c’est du déséquilibre que naît le mouvement et donc l’apprentissage.

Finalement apprendre à apprendre c’est développer toutes ces capacités-là : faire preuve de curiosité, d’esprit critique, de vision globale et de remise en question. Et personne ne peut le faire à notre place.

Pas de méthode, de manuel ou de recette miracle mais des approches et une vision de l’apprentissage qu’il convient de cultiver. Car au fond, c’est bien une question de culture.

Et pour ceux qui se disent « oh ça fait beaucoup, je ne saurai pas par quoi commencer » rappelez-vous le début de ce podcast : la question. C’est la question qui est à l’origine de l’apprentissage. Alors questionnez-vous : pourquoi, comment, est-ce bien vrai ?

En résumé, apprendre à apprendre est une méta-compétence composée de plusieurs capacités qu’il faut développer : 1 La curiosité, 2 l’esprit critique, 3 la capacité à tisser des liens 4 la capacité à agir et 5 la remise en question et la boucle est bouclée, puisqu’on revient à la question.

J’ai bon cheffe ?

C’était quoi la question ? Je blague, oui tu as bon, mais on ne va pas en faire toute une histoire !

[1] Edgard Morin, Pour sortir du XXème siècle, Nathan, 1981