Les éléments de langage en mode pile ou face

Dans cet épisode, nous allons évoquer avec vous les bienfaits des éléments de langage … ou tout l’inverse … en mode pile ou face

Dans cet épisode, nous allons évoquer avec vous les bienfaits des éléments de langage … ou tout l’inverse … en mode pile ou face.

De la petite phrase politique habilement travaillée par un orfèvre de la punchline pour faire le buzz aux inventions créatives de l’éducation nationale qui réussit à transformer le ballon de rugby en « référentiel bondissant à la trajectoire aléatoire » en passant par les mots des ados qui laissent les vieux à la porte de leur club, le langage fascine et façonne…

Oui mais en politique comme en entreprise on utilise très souvent des « éléments de langage » pour parler d’une seule et même voix. Ça évite de tenir des discours cacophoniques ! Surtout en temps de crise… Et c’est bien … ou pas. Bref, les éléments de langage, c’est quoi l’histoire ?

Crise ou pas crise, un Comex ou un Codir par exemple dont les messages seraient cacophoniques c’est certain que ce n’est pas terrible. Diriger suppose d’être compris, qu’il s’agisse des orientations stratégiques à venir comme d’un plan d’action plus immédiat. Et être compris c’est quand même faire en sorte que tous les destinataires aient bien compris la même chose.

Surtout en situation de crise où il est nécessaire d’éviter encore plus cette cacophonie. Tiens à Paris on va confiner 3 semaines puis tout ouvrir ensuite et hop 3 jours plus tard on s’oppose au confinement le week-end. Pas sûr que le fond du message soit audible donc compris.

Bien sûr qu’il faut parler à l’unisson. C’est-à-dire jouer la même partition ! C’est essentiel en management. Et se donner des points de repère dans l’expression de cette partition, c’est utile oui.

Alors en cela, veiller à ce que chaque personne susceptible d’être porteuse d’un message en comprenne la substantifique moelle et s’accorder sur quelques mots-clés qui aident à forger un discours partagé cela a du sens et c’est efficace.

Mais jouer à l’unisson est-ce que cela signifie que tout le monde doit jouer la même note et du même instrument au même moment ? Avoir des éléments de langage pour s’accorder sur le sens des mots oui, utiliser les mêmes mots pour désigner les mêmes concepts essentiels oui mais attention.

Erigé en dogme, ou en copie qu’il faudrait respecter à la lettre, le recours aux éléments de langage peut aussi avoir des effets pervers. Goethe disait que « le langage fabrique les gens bien plus que les gens ne fabriquent le langage » …

Surtout si les mots employés ne sont pas conformes à la réalité… ou édulcorent les choses et donnent par conséquent l’impression à celles et ceux qui les écoutent… qu’on les prend pour des cons ! Les figures de style de la méiose, de la litote ou de l’euphémisme peuvent vite devenir de redoutables instruments de manipulation.

L’histoire regorge d’expressions de ce type ! Les « événements » pour parler de mai 68 ou « the troubles » pour désigner la période de violences en Irlande du Nord… Bref, les mots comme outil pour façonner les représentations.

Et quand les gens ne sont pas dupes du décalage entre ces éléments de langage et la réalité qu’ils éprouvent, pas sûr qu’on n’obtienne pas le résultat inverse de celui qu’on escomptait. Les techniques sont connues : édulcorer le réel pour faire passer la pilule par exemple.

Par exemple le poste de « vendeur » qui devient un « conseiller clientèle » mais dont la réalité des faits, pour la personne qui l’occupe comme pour le client, c’est plutôt une grosse pression pour placer des produits sans aucune forme de conseil et de harceler le client au téléphone par exemple … pas sûr que les intéressés comme les clients gobent ça !

Ou réduire le nombre de mots. Dans la durée, les éléments de langage cela peut contribuer à limiter le nombre de mots pour désigner les choses. On gomme les nuances et on façonne les esprits à penser de façon manichéenne. Une technique bien connue de la novlangue d’Orwell dans 1984 !

Oui parce que réduire le champ des mots c’est réduire le champ de la pensée. « C’est le langage qui génère la pensée » écrit Roy Lewis. Et réduire le champ de la pensée, sur le destinataire comme peut-être même sur l’émetteur, c’est mieux le contrôler.

En exagérant le recours aux éléments de langage, on réduit l’autonomie de celles et ceux qui s’expriment au point d’instrumentaliser leur prise de parole. En poussant plus loin, on nie leur capacité à penser. Bref, comme toujours, le problème n’est pas la méthode mais ce qu’on en fait. Avec les mots, peut-être plus qu’ailleurs, la nuance est utile !

On connaît l’adage « parlons peu mais parlons bien » c’est une invitation à aller à l’essentiel mais pas à réduire le nombre de mots ni à gommer les nuances. On peut être simple sans être simpliste !

Et parler à l’unisson, c’est s’assurer qu’on a tous compris la partition, la mélodie et le rythme, en un mot c’est « connaître la chanson » ce n’est pas la réduire à 5 notes ni interdire l’improvisation qui est en harmonie avec le thème.

En résumé, les éléments de langage c’est utile pour parler d’une même voix mais ne pas laisser de place à la liberté d’expression ou travestir le sens des mots c’est s’exposer à un retour de bâton des destinataires et infantiliser les émetteurs. Une chose donc et son contraire en mode pile ou face.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire