Les marqueurs de l’innovation managériale dans le secteur public

Dans cet épisode, nous allons nous pencher sur la question de l’innovation managériale dans le secteur public en imaginant ce qui pourrait en constituer des marqueurs.

Dans cet épisode, nous allons nous pencher sur la question de l’innovation managériale dans le secteur public en imaginant ce qui pourrait en constituer des marqueurs.

Ah innover, innover, la quête ultime de l’entreprise contemporaine en mal de nouveautés et de modernité, comme s’il fallait – en tout temps – afficher la promesse d’un monde nouveau nécessairement meilleur tant le monde d’avant est le symbole de tous les maux du présent.

Pourtant innover est aussi un réel facteur de progrès. Et quand on parle d’innovation cela va bien plus loin que la seule innovation en termes de produits ou de services. Bref, l’innovation ce n’est pas que de la R&D et des brevets, loin s’en faut !

Oui, c’est aussi dans les manières de travailler, pour trouver de nouvelles sources d’efficacité collective par exemple. Et c’est donc aussi une question de management. C’est la raison pour laquelle l’innovation managériale est un centre d’intérêts, dans le secteur public en particulier, comme ailleurs, en général.

Mais si elle est aussi importante que cela, qu’est-ce qui peut nous faire dire que telle ou telle évolution est une innovation managériale ? Les marqueurs de l’innovation managériale dans le secteur public, c’est quoi l’histoire ?

Pour donner une perspective au sujet, commençons d’abord en nous interrogeant sur les raisons pour lesquelles cette forme d’innovation fait l’objet d’un intérêt particulier, notamment dans les organismes publics et parapublics.

Au fond, les enjeux de transformation qui animent les entreprises s’inscrivent dans une logique simple : comment faire preuve d’une meilleure capacité d’adaptation collective tout en préservant la productivité. Secteur concurrentiel, privé, public, toute organisation soumise à des contraintes à cette double exigence de productivité et d’agilité.

Cela nous renvoie à cette image d’organisation silotées, processées à outrance, cloisonnées, aux modes de fonctionnement où le sens aigu de la hiérarchie, de la conformité et de la rigidité prédomine et qu’on aimerait assouplir.

Et les organisations publiques n’y échappent pas plus que les grandes bureaucraties que la compliance des groupes cotés peut produire. Elles en sont d’ailleurs conscientes et ici et là tentent des expérimentations pour faire évoluer leurs modes de fonctionnement, leur culture, leurs façons de faire.

Le management prenant alors une place centrale. Tiens, en témoignent par exemple en Belgique la Sécurité Sociale Belge et le ministère des transports qui ont expérimenté les préceptes de l’entreprise libérée.

On ne va pas épiloguer ici sur le sujet de l’entreprise libérée ou sur le chief happiness officer, mais ce sont des illustrations. En France aussi d’ailleurs de nombreuses institutions publiques ou de délégation de service public comme la sécurité sociale par exemple se transforment.

Alors entre d’une part les modes managériales sur lesquelles les uns se précipitent en toute bonne foi et les autres simplement pour briller et d’autre part la notion même d’innovation managériale, source de progrès pour ladite institution, il ne faut pas trop vite franchir le pas !

Dit en d’autres termes, il ne suffit pas de faire du design thinking, du management by walking around ou d’instituer des réunions courtes debout autour d’un café à la place d’une pesante réunion d’équipe formelle pour qu’il s’agisse d’innovations managériales.

Par conséquent, les marqueurs des véritables innovations managériales sont à chercher du côté des résultats produits bien plus que dans le recours à une quelconque nouvelle méthode tendance.

La profusion des pseudo-nouveautés managériales qu’on trouve ici ou là constitue en effet bien plus un marqueur de la course à l’image de celles et ceux qui s’en targuent que celui d’une évolution réelle de la culture et des pratiques managériales.

En vérité, les évolutions culturelles sont souvent longues et silencieuses ou étouffées lorsqu’elles dérangent les positions établies. Ce qui pose une question : comment alors identifier des marqueurs de ce qui œuvre en silence ou de ce qui est volontairement occulté si ce n’est en s’intéressant à des signaux faibles quant aux effets produits ?

On peut néanmoins en suggérer quelques-uns pour les organisations publiques, pour illustrer le propos.

Puisqu’au fond on parle ici d’évolutions culturelles, peut-être faudrait-il en effet chercher du côté des représentations, des attitudes et des façons de faire des agents, comme par exemple des agents qui s’identifieraient et se présenteraient par leur fonction ou par leur rôle mais pas par leur statut.

Ah oui, j’en connais. Tu leur demandes « Bonjour, vous faites quoi ? » et ils te répondent « bonjour, je suis catégorie A »… « Euh, so what ? » Ou alors ils te disent « bonjour, Professeur Bidule ou Docteur Machin ».

« Enchanté moi c’est Patrick ou Mahé ».

Bref, plus de rôle, plus de fonction, que de statut ! Ce serait un signe oui. Mais il y en a certainement plein d’autres. On pourrait aller chercher du côté de la RH aussi par exemple…

Tu veux dire par exemple des agents qui seraient reconnus pour leurs compétences, leur engagement et leur performance mais pas pour leur ancienneté ? Mais on peut chercher aussi du côté du management justement !

Avec des agents à qui une véritable délégation managériale aurait été faite pour qu’ils puissent faire preuve d’initiatives et d’autonomie ? Ou des équipes dans lesquelles la fluidité des échanges et la coopération l’emporteraient manifestement sur les cloisonnements internes ?

En fait, ce qu’on dit là c’est que les symboles et les signaux, même infimes, sont parfois des témoins bien plus fiables des évolutions culturelles que les indicateurs formels des grands plans de transformation ou les lancements de nouveautés en grandes pompes.

Et le sujet est suffisamment complexe et compliqué pour qu’on laisse faire les expérimentations sincères qui œuvrent à faire avancer les choses dans l’intérêt du bien commun plutôt qu’à chercher à tout prix à mettre en valeur les péripéties de celles et ceux qui cherchent justement à se mettre en valeur.

En résumé, les innovations managériales dans le public comme ailleurs relèvent d’une dimension culturelle profonde. Il est par conséquent difficile de définir des marqueurs objectifs si ce n’est en cherchant du côté des symboles et des résultats…

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire