En RH comme ailleurs, attention aux raccourcis !

Dans cet épisode, nous allons parler d’une erreur que nous commettons trop souvent, en RH comme ailleurs, celle de confondre concomitance et causalité.

Dans cet épisode, nous allons parler d’une erreur que nous commettons trop souvent, en RH comme ailleurs, celle de confondre concomitance et causalité.

Tu sais, j’ai remarqué quelque chose d’étrange. A chaque fois que je sors de chez moi, il se met à pleuvoir. Je crois bien que je suis la cause de la pluie.

Non, non c’est que tu habites en Bretagne… tu sais cette belle région où l’on dit qu’il n’y pleut que sur les cons ! Encore un cliché, de croire qu’il pleut plus en Bretagne qu’ailleurs ! Tiens en avril 2021 c’était même la région la plus ensoleillée de France juste pour faire taire les médisants.

Entre cliché, raccourcis intellectuels et raisonnement à l’emporte-pièce… On n’est pas sorti de l’auberge ni des ronces. Alors, en RH comme ailleurs, attention aux raccourcis, c’est quoi l’histoire ?

L’existence d’une relation mathématique entre deux séries de données n’est en aucun cas la preuve de l’existence d’une relation de cause à effet. On le sait, corrélation n’est pas causalité, même si cette erreur est très fréquemment commise.

Et dans le domaine des relations humaines, ce type de raccourci intellectuel, erroné, existe aussi. Émile Durkheim affirmait dans « Les règles de la méthode sociologique » que « nous n’avons qu’un moyen de démontrer qu’un phénomène est cause d’un autre, c’est de comparer les cas où ils sont simultanément présents ou absents et de chercher si les variations qu’ils présentent dans ces différentes combinaisons de circonstances témoignent que l’un dépend de l’autre. »

Pour qu’il y ait une relation de cause à effet, il faut bien que la cause précède l’effet non ? Ton exemple sur la pluie c’est troublant car le temps entre ce que tu supposes comme étant la cause, ta sortie, et l’effet, la pluie, est bien court pour y croire ! Le nuage s’est formé le temps que tu passes la porte !

Concomitance et causalité, au sens propre, c’est presque antinomique oui. Mais même lorsqu’un événement en précède un autre, cela ne veut pas dire que le premier est la cause du second. C’est ce qu’on appelle le raisonnement post-hoc : « Post hoc, ergo propter hoc » : à la suite de cela, donc à cause de cela. Encore un sophisme.

Et un sophisme fréquent consiste en effet à juxtaposer deux phénomènes pour affirmer l’existence d’un rapport de causalité entre eux. Bref, un raccourci un peu rapide.

On va prendre un exemple concret pour bien comprendre.

Prend l’exemple de la direction informatique qui observe un taux de turn-over subi très élevé sur ses « dev ops ». L’hémorragie ne cesse d’augmenter depuis quelques années.

Dans le même temps, elle observe que sa politique salariale sur cette population est de moins en moins compétitive sur la même période. Et en poussant l’analyse statistique un peu plus loin, elle observe même qu’elle décroche fortement par rapport à la médiane du marché sur les moins de 30 ans.

Comme par hasard, tous les « dev ops » qui ont quitté l’entreprise avaient moins de 30 ans. Le sang de la direction informatique ne fait qu’un tour, elle appelle la DRH et lui dit qu’il faut revaloriser les salaires au plus vite sur cette population.

En plus, on le sait tous, le marché est pénurique. Cela paraît évident non ?

Pourtant, 3 entretiens de départ avec des ingénieurs ayant démissionnés avaient été menés. En y faisant un peu plus attention, on pouvait y trouver la mention d’un management « autoritaire et déficient ».

La DRH reprit alors une enquête de management interne réalisée tous les ans et exploitée de façon collective et anonyme. Une analyse plus fine de ses résultats, à l’aide de tris croisés sur la population des dev ops, conforta l’hypothèse sans pour autant infirmer celle des salaires.

En substance, une insatisfaction très légèrement plus importante que les autres populations sur les salaires mais surtout une critique bien plus forte sur les aspects managériaux, notamment sur le plan de la clarté des objectifs, les marges de manœuvre données par la hiérarchie et l’ambiance de travail.

Ces résultats ont invité la DRH à ne pas circonscrire le sujet à une simple question de salaires dont l’augmentation n’aurait vraisemblablement pas résolu le problème !

Peut-être même à s’interroger sur les qualités managériales réelles de la direction en question. En fait, les ingénieurs partaient parce que le manager était un sale con ! Pas à cause du salaire. Mais ça, c’est une autre histoire.

Bref, on le voit au travers de cet exemple, malheureusement pas si caricatural car tiré d’une situation réelle, il est préférable de se questionner avant de conclure. Et dans le métier RH comme ailleurs, cela demande le temps de l’analyse.

Formuler un véritable diagnostic, s’appuyer sur des faits et des données bien sûr, mais les interpréter, d’une part avec la rigueur qu’impose les statistiques et, d’autre part, en ayant recours à un exercice de déduction logique. Une forme d’hygiène du raisonnement en quelque sorte.

Les chiffres ne suffisent pas en effet. L’analyse statistique est un exercice qui oblige de faire preuve d’une rigueur irréprochable si l’on veut aller voir un peu plus loin que le bout de son nez avant de tirer des conclusions hâtives et souvent erronées.

Ne serait-ce que parce qu’en la matière comme en d’autres il existe de bien nombreux biais. Ceux qui sont liés à l’analyse statistique en tant que telle comme les biais de sélection, de catégorisation ou de confirmation mais aussi tous les biais cognitifs qui altèrent nos jugements et par voie de conséquence nos décisions.

Alors, évitons les raccourcis et faisons l’effort de réfléchir. A commencer, lorsque nous portons des jugements hâtifs sur les gens. Non, ce n’est pas parce que tu as une poignée de main molle que tu es un mou qui ne sais pas décider.

Cela veut juste dire que tu as une poignée de main molle.

En résumé, nos jugements et décisions sont truffés de biais et de raccourcis erronés comme par exemple celui de croire que la concomitance entre deux phénomènes témoigne d’un rapport de causalité entre eux. Il convient donc d’analyser les faits avec rigueur et d’en tirer des enseignements en veillant à l’hygiène de nos raisonnements.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.