4 clés pour le management post Covid

Dans cet épisode, nous allons nous intéresser à ce que pourrait être le management après avoir tiré les enseignements de la crise de la Covid.

Dans cet épisode, nous allons nous intéresser à ce que pourrait être le management après avoir tiré les enseignements de la crise de la Covid.

Quand on vit un événement aussi majeur que la crise de la Covid, il est finalement assez légitime de voir tout un tas de prédictions se profiler à l’horizon. Nous avons vécu une expérience bouleversante et nous ne manquons donc pas d’en tirer des enseignements.

En effet et c’est alors qu’on extrapole les enseignements immédiats de ce que l’on expérimente en les projetant à un horizon plus long. C’est légitime puisque c’est ce que nous vivons à l’instant t.

C’est dans cette dynamique-là que les entendements communs se sont d’abord accordés sur des évolutions structurantes pour le management : la généralisation d’un travail à distance hybride pour les métiers pour lesquels c’est possible, l’importance du rôle du numérique ou la redécouverte de l’importance des métiers et de la juste reconnaissance qu’en espèrent ceux qui les exercent, etc.

Et ces évolutions constitueront vraisemblablement une part importante de ce qui attend le manager post crise. Mais cette crise a aussi livré des enseignements qui relèvent des fondamentaux du management. Alors quelles clés pour le management post crise Covid ? C’est quoi l’histoire ?

Retenons d’abord une première évidence que toutes les entreprises ont vécu. La crise a constitué en quelque sorte un test in situ de leur capacité d’adaptation à une incertitude qui était peut-être devenue difficilement pensable pour certaines d’entre elles.

Cette première évidence invite à un premier enseignement de fond concernant le management en entreprise au sens large : celui de l’exigence d’humilité. L’humilité de comprendre – et donc d’expliquer on y reviendra – qu’il n’existe pas de pierre philosophale pour répondre à l’incertitude et qu’il faut donc nourrir collectivement un esprit critique pour discerner ce qu’il convient de faire au-delà des processus et des normes.

Et Dieu sait à quel point l’entreprise qui est soucieuse de maîtriser tous les risques parce qu’elle ne les aime pas voit certaines de ses postures profondément ancrées voler en éclat et elle doit alors prendre conscience que la réponse n’est pas dans un modèle.

On en revient à l’exigence d’agilité ou de capacité d’adaptation en permanence. Et sur ce plan, la crise de la Covid nous a montré que cette agilité espérée résidait d’abord dans l’engagement des personnes et de leurs initiatives sur le terrain pour l’intérêt du bien commun.

Oui beaucoup plus que dans une quelconque tendance managériale qui prétendrait en détenir des clés universelles. La réponse est en effet certainement en grande partie dans la capacité d’initiatives, encadrée certes, de celles et ceux qui travaillent et qui font face à des situations inédites.

C’est précisément cette raison-là qui place l’esprit critique comme une compétence clé des années à venir. Pour que l’initiative dont on parle puisse s’exercer, il lui faut bien sûr un cadre, celui de la délégation qu’on t’a donnée mais il faut également que tu fasses les bons choix.

En l’occurrence on parle bien ici de la capacité à lire une situation inédite pour laquelle la solution ne relève pas du domaine de l’appris, il n’y a pas de guide méthodo tout fait. Il faut donc la comprendre, l’analyser au mieux pour prendre la décision adaptée. Bref, faire preuve d’esprit critique. Notre deuxième mot-clé.

Par ailleurs, cette autonomie qu’il faut retrouver et qui s’exerce dans le sens de l’intérêt du Bien Commun, celui de l’entreprise, de sa mission, de son projet, c’est-à-dire ce qui doit guider les initiatives qui en résultent, et bien cela a un nom : l’empowerment. Notre troisième mot-clé.

En cela, la crise a peut-être signé le glas d’une dérive organisationnelle et managériale dans certaines entreprises depuis les années 90 ; dérive à la fois source d’inefficacité et de mal-être chez les salariés. Une dérive qui a conduit à pousser à son paroxysme le modèle taylorien, pour des raisons de productivité, mais en réduisant l’autonomie professionnelle à peau de chagrin, y compris pour des postes de cadres avec des responsabilités.

Une dérive qu’on voit moins d’ailleurs dans certains types d’entreprises, lorsqu’un certain équilibre entre les parties prenantes existe. Mais c’est un autre sujet. On retient donc pour le moment 3 mots-clés : humilité, esprit critique et empowerment.

Oui 1. L’humilité d’accepter le réel tel qu’il est 2. L’esprit critique pour que chacun sur le terrain sache analyser la situation à laquelle il est confronté et 3. Empowerment pour que chacun prenne les initiatives qu’il faut, dans un cadre, celui de son autonomie et dans une perspective, celle de l’intérêt du Bien Commun.

Et si l’on accepte l’idée de ces 3 premiers enseignements de fond, alors le management post crise devra en conséquence être en capacité de faire vivre ce bien commun dont on parle, de susciter l’engagement de toutes et tous et enfin de créer les conditions de cette autonomie retrouvée.

Et cela d’autant plus que nombre de collaborateurs ont goûté à cette autonomie en période d’urgence et ont bien compris non seulement qu’elle était une des conditions essentielles du sens au travail, donc de leur propre intérêt, mais également un facteur d’efficacité.

Cette exigence managériale, qui met au placard un style de management fondé sur l’autorité hiérarchique, suppose une pédagogie de tous les instants. Cette pédagogie – notre 4ème et dernier mot-clé – est finalement l’une des dimensions clés que le management n’aurait jamais dû occulter.

Alain Touraine[1] disait « le changement du monde (…) est d’abord et toujours décomposition » alors espérons en effet que cette crise conduise à la décomposition d’un style de management dénaturé au profit de la réhabilitation de ce qu’il aurait dû toujours être, à savoir une combinaison de capacité de délégation et de leadership.

En résumé, la crise nous enseigne 1. l’humilité d’accepter la réalité de l’incertitude 2. L’esprit critique pour analyser les situations qui en résultent 3. L’empowerment qu’il faut privilégier pour que naisse une initiative de terrain féconde et 4. La pédagogie que ce management renouvelé suppose.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire

[1] Touraine Alain (1977) « La Société invisible. Regards (1974-1976) » (Seuil)