Apprendre : une responsabilité individuelle pour faire société

Dans cet épisode nous allons voir qu’apprendre est nécessaire pour pouvoir faire société

Dans cet épisode nous allons voir qu’apprendre est nécessaire pour pouvoir faire société.

A quoi ça sert d’apprendre ? Je suis plus à l’école, c’est fini tout ça le bac, les diplômes, les révisions… c’est bon, ça suffit maintenant. Si c’est pour rester assis derrière un bureau à écouter la bonne parole d’un auto-proclamé expert… ça va 5min, mais je suis très bien sur mon canapé.

C’est vrai que dit comme ça, ça ne fait pas rêver. On aurait bien aimé rendre ça plus cool en mode test and learn, pour que ce soit hype, « in », à la mode, mais vous connaissez notre aversion pour les buzzwords. Alors non, on va bien parler d’apprentissage. Et de notre responsabilité d’apprendre même en dehors des bancs de l’école. Apprendre, une responsabilité individuelle pour faire société, c’est quoi l’histoire ?

Apprendre c’est un processus, une sorte de boucle, qui devrait être sans fin. On ne va pas détailler toutes les étapes ici, c’est un autre sujet, mais rappelons simplement qu’apprendre à apprendre c’est une méta-compétence qui regroupe des aptitudes (savoir lire, écrire par exemple) et des attitudes (faire preuve de curiosité, d’esprit critique, de remise en question, etc).

C’est finalement une sorte de culture face à l’apprentissage qu’il convient de développer si l’on veut avoir réellement la capacité d’apprendre.

L’école doit nous aider à apprendre en nous en transmettant l’envie, mais aussi en nous donnant des clés de lecture, des ressources, des méthodes d’apprentissage etc. C’est tout le rôle de l’enseignant, et même au-delà de l’école certainement celui aussi du formateur, du mentor, de toutes les personnes animées par cette volonté de transmettre.

Mais ce qui est compliqué une fois que l’on a dit ça c’est que personne ne peut apprendre à notre place. Bien sûr qu’il existe des cadres plus propices que d’autres pour apprendre, des méthodes d’apprentissages, des ressources utiles. Mais si je n’ai pas envie, je n’apprendrai pas. Les attitudes nécessaires à l’apprentissage sont personnelles : la curiosité, l’envie, le doute, le questionnement, la volonté de chercher etc.

Et c’est bien pour cela qu’il s’agit avant tout d’une responsabilité individuelle ! On ne va pas s’attarder ici sur le rôle de l’École mais on va se consacrer à ce qui se passe après les études : personne n’est responsable de notre apprentissage, ni la société, ni l’entreprise, ni les RH, ni le management. C’est bien à nous, individuellement de chercher à nous développer, donc à apprendre.

Et des opportunités d’apprendre, on en a tous les jours devant les yeux. Pas besoin de se payer une grande école. Le 1er enjeu c’est bien sûr celui du temps que l’on y consacre, de notre propre volonté d’accéder à des ressources gratuites sur internet, par exemple, d’engager des conversations fécondes, des échanges et des partages pour se nourrir du savoir de son voisin.

Le savoir est à portée de main, il est dans notre poche, au bout des doigts pour reprendre l’image de Michel Serres et sa petite Poucette. C’est bien une des conséquences du digital ! C’est à nous de les saisir ces opportunités. Un peu comme dans un buffet lors d’une réception, le plateau de petits fours passe sous ton nez, mais personne ne te mettra le petit four dans la bouche.

C’est à toi de tendre la main pour le saisir ! Tu n’as pas envie ? Tant pis. C’était trop loin, déplace-toi, le plateau va repasser.

Bref, vous avez compris l’idée !

Euh je peux en avoir un autre c’est bon ! Bien sûr, on ne dit pas que c’est simple. Ça demande évidemment un effort. Et peut-être le tout premier effort à savoir celui de l’humilité, celle de savoir que l’on ne sait rien comme nous l’a si bien appris Socrate.

Tout notre savoir n’est que représentation. On croit savoir, mais on ne touche pas réellement du doigt le réel, simplement on s’en approche. Pour apprendre, il faut donc être prêt à déconstruire nos propres systèmes de représentation.

Et ça… c’est flippant ! Ce n’est pas confortable, c’est instable. Si à chaque information je dois tout remettre en question, et faire l’effort de chercher de nouvelles réponses qui demain seront-elles aussi remises en question… c’est rude ! Sisyphe c’est sympa mais bon …

Tu as raison, on est bien mieux en étant engoncé dans nos certitudes. Je ne sais pas pourquoi on a écrit ce podcast, arrêtons tout. Pourquoi s’infliger tout cela ?

En fait, cet inconfort ne relève pas d’une forme de sadisme mais bien d’une nécessité et ce à 2 échelles. D’abord à l’échelle individuelle. Qu’est-ce que je gagne à apprendre ?  A quoi ça sert ? bah à être moins con !

Une meilleure compréhension du monde dans lequel je vis, une meilleure lecture des choses. En apprenant, je grandis et je m’élève. Même si je sais que je ne pourrai jamais atteindre le réel, apprendre me permet de m’en rapprocher infiniment. Ça nourrit mon esprit. Dans une société où la quête de sens est perpétuelle, apprendre peut nous permettre de répondre à ce besoin. Hannah Arendt le dit : la « compréhension est productrice de sens ».

Mais pour ceux qui se disent « ouais bof » le jeu n’en vaut pas la chandelle, on fait quoi ?

On pourrait tout à fait s’arrêter là, une fois de plus. Apprendre c’est une responsabilité individuelle, l’instruction est obligatoire jusqu’à 16 ans, après tu fais ce que tu veux. Mais allez, on vous donne un autre argument : l’employabilité.

Alors non, ce n’est pas un mot magique mais c’est quand même un argument, plus prosaïque certes que celui de l’élévation spirituelle, mais un argument quand même. L’active learning est même cité par le World Economic Forum comme softskill essentielle d’ici à 2025.

Au-delà de l’argument d’autorité « c’est le World Economic Forum qui l’a dit », apprendre c’est la capacité à lire le réel pour mettre à jour nos systèmes de représentation, c’est donc clé sur un marché du travail mouvant où l’on sait que les métiers n’auront de cesse d’évoluer et où notre capacité à nous adapter et à développer de nouvelles compétences constituera un atout majeur.

Apprendre c’est finalement une des conditions de notre adaptabilité ou agilité (un autre buzzword).

Et ça nous renvoie à la deuxième échelle : l’échelle collective.

Apprendre n’a pas seulement une finalité individuelle que ce soit la satisfaction de notre besoin de sens ou notre envie de faire carrière. Apprendre a aussi une finalité collective.

C’est un devoir en tant que citoyen, en tant que membre d’une société quelle qu’elle soit. Le monde évolue, nous devons évoluer avec lui. Le regarder tel qu’il est et non pas tel qu’il était ou que l’on voudrait qu’il soit.

La première étape de cette lucidité de l’optimiste qui regarde la réalité en face c’est bien la capacité à apprendre. Et si nous voulons entreprendre, si nous voulons prendre part à ce monde qui se joue autour de nous, ne serait-ce qu’en consommant, ou en allant voter, alors nous nous devons d’apprendre, c’est-à-dire de progresser nous-mêmes.

Apprendre, en tant que devoir citoyen, constitue finalement les fondations de notre capacité à progresser collectivement. Apprendre nous pousse en fait à faire société sans s’enfermer dans un entre soi exacerbant nos individualités aux dépends de ce qui nous unit collectivement, en tant qu’humain : notre capacité à penser.

Apprendre c’est s’ouvrir à l’autre et au monde. C’est accepter de le faire entrer dans notre système de pensée. Comme le dit notre ami Patrick Bouvard : apprendre, c’est je cite « entrer en amitié avec… ». C’est un principe de civilisation.

En résumé, apprendre suppose un inconfort et demande un effort qui est nécessaire : d’abord à l’échelle individuelle : pour satisfaire son besoin de sens et son employabilité mais aussi à l’échelle collective pour faire société et vivre ensemble. En un mot, un enjeu d’humanité.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon, mais on ne va pas en faire toute une histoire.