Confusion des mots, confusion des idées

Dans cet épisode, nous allons parler des mots et de la nécessité de ne pas les employer à tort et à travers.

Dans cet épisode, nous allons parler des mots et de la nécessité de ne pas les employer à tort et à travers.

Combien de fois avez-vous entendu que c’était « stratégique » alors que c’était juste « important », comme si l’emploi du mot « stratégique » rapprochait inconsciemment celui qui le prononce des cîmes d’un pouvoir auquel il n’a pas accès mais qu’il lorgne avec cupidité.

On recrute des « talents » parce qu’on ne recrute peut-être plus, tout simplement, des « personnes ». On est « conseiller » alors qu’on nous demande de vendre tout à n’importe quel prix, bref les mots ont un sens parfois bien différent de ce qu’ils désignent en réalité.

« Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde » écrivait Wittgenstein. Alors confusion des mots, confusion des idées. C’est quoi l’histoire ?

C’est vieux comme le monde ça non, pourquoi en parler ici ? Après tout, le monde de l’entreprise est d’abord un monde fait d’êtres humains et ces imprécisions de langage sont habituelles.

Sauf qu’entre la maladresse de l’imprécision et l’éventualité de la manipulation, consciente ou inconsciente, la frontière peut être fragile. Alors, l’imprécision des mots devient un indicateur intéressant à capter.

Et comme tout indicateur, peut être que cette imprécision n’est pas révélatrice ni d’une intention manipulatoire ni d’une quelconque mauvaise volonté mais tout simplement d’une erreur de langage sans conséquences

Mais dans certains cas, il peut aussi s’agir d’un témoin d’alerte, qui révèle une culture, une manière de voir les choses, ou une intention. Et c’est en cela qu’il faut y prêter attention. Pas tant pour la démasquer d’ailleurs que pour se prémunir des éventuelles dérives que cela peut dissimuler.

Au fond, quand tu changes les mots, tu changes beaucoup de choses. Le mot changement qui a été supplanté par celui de transformation par exemple. Simple évolution de langage sans importance ? Ou témoin par exemple d’une prise de conscience que le premier fait peur là où le second invite à embarquer celles et ceux dont on a besoin pour la réussir ?

Mais quelle brutale déception aux effets dévastateurs quand ladite transformation n’était en réalité qu’une réorganisation, peut-être nécessaire au demeurant, et qui conduit à un plan social. Nul doute que ce jeu de mots ne laisse des traces durables dans le corps social, rendant les transformations à venir plus dures à mener.

Alors on les baptisera métamorphose ? Sauf que là encore, lorsqu’on appelle un chat un chat, les gens peuvent le comprendre, même s’ils n’aiment pas les chats. Mais lorsqu’on maquille le chat en chien, au premier miaulement et bien les gens ont alors acquis la certitude qu’on leur a menti.

La précision des mots est alors non seulement une hygiène de raisonnement sans laquelle aucune pédagogie managériale n’a de chance de porter ses fruits mais aussi une marque de respect à l’égard de ses interlocuteurs.

On peut aisément comprendre que le choix des mots contribue à formater la pensée des gens, c’est un instrument bien connu au pouvoir très fort. C’est certainement le premier danger. Celui de l’uniformatisation des représentations.

Imaginons que nous n’ayons que deux mots pour désigner les couleurs de l’arc-en-ciel. Ceci conduirait à ce que chacun en oublie progressivement l’infinité de ses nuances. Et à la fin tout le monde dit noir ou blanc, gentil ou méchant, “bah voila quoi”.

Mais en entreprise, dès lors que l’on veut faire vivre un projet c’est-à-dire une mission et une ambition, dont il faut faire la pédagogie et bien ces représentations aussi réduites qu’erronées de ce que l’on désigne, les personnes les voient

Et alors toute la crédibilité de la pédagogie en est affectée. Au mieux, cela la rend confuse, au pire cela jette un voile de suspicion sur l’intention qui est derrière. En d’autres termes, aucun projet d’entreprise ne peut être raisonnablement porté dans la durée sans pédagogie.

Et aucune pédagogie ne peut raisonnablement porter ses fruits si elle repose sur des arguments biaisés et un langage impropre. L’entreprise a donc tout intérêt à veiller à ne pas laisser ses modes linguistiques pervertir la pensée managériale faute de quoi ce sont ses propres objectifs qu’elle ratera.

En résumé, les mots ont un sens et le respecter contribue à la qualité de la pédagogie nécessaire à tout projet d’entreprise. Faute de quoi, la confusion des idées qui résulterait de la confusion des mots serait au mieux inefficace au pire perçue comme manipulatrice.

J’ai bon cheffe ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire