Le Chief Happiness Officer en mode pile ou face

Dans cet épisode, nous allons vous parler du Chief Happiness Officer (CHO) et du bien-être qu’il ou elle est supposé·e faire naître, ou de tout son contraire…

Dans cet épisode nous allons vous parler du Chief Happiness Officer (“CHO”) et du bien-être qu’il ou elle est supposé·e faire naître, ou de tout son contraire…

C’est fou, tous ces gens qui veulent faire notre bonheur à notre place dans une société, au moins dans nos sociétés occidentales riches, où le bien-être personnel est devenu une quête absolue des personnes que l’entreprise cherche à satisfaire coûte que coûte.

Oui et c’est le rôle des Chief Happiness Officer non ? Au motif, qui pourrait sembler une évidence mais c’est là le sujet, que plus on est heureux plus on est performant. Happy world ! L’enfer est pavé de bonnes intentions !

Le Chief Happiness Officer comme gardien du bien-être d’un collaborateur épanoui, source de performance pour lui et surtout pour l’entreprise. Comment ne pas y adhérer ? Mais cela peut être tout son contraire. Alors le Chief Happiness Officer, c’est quoi l’histoire ?

Commençons par le début. Le Cidj, le centre d’information et de documentation jeunesse, association soutenue par l’état et destinée à informer les jeunes, nous dit qu’il ou elle a pour mission je cite « de favoriser le bien-être au travail et d’améliorer la convivialité au sein de son entreprise » et un peu plus loin « son objectif en arrière-plan : éviter le turn-over du personnel, améliorer la productivité et l’efficacité, réduire l’absentéisme des salariés… ».

En d’autres termes, on nous dit que le CHO crée les conditions du bien-être au travail pour que les salariés s’engagent et que cela soit générateur de performance pour l’entreprise in fine. C’est une bonne intention, non ?

Ah bah oui, d’un côté des personnes dont le bien-être est assuré et de l’autre une performance collective. Aucun doute que cela soit une bonne idée. Bon, on ne “chouignera” pas sur les multiples confusions dont ce sujet est porteur : le présupposé que ce bien-être-là est source de bonheur, c’est un raccourci un peu rapide sur ce qu’est le bonheur. Mais bon on renverra à l’écoute des très bonnes conférences d’André Comte-Sponville sur le sujet.

Oui et sans compter qu’il n’est pas démontré, du moins à la lecture des études scientifiques que la somme des bien-être individuels soit réellement source de performance collective. Mais soit, admettons l’idée générale sans “chouigner” comme tu dis. Des salariés dont le bien-être est réel ont plus de chances de contribuer à la performance collective. Admettons-le !

C’est bien là le sujet. Le Bien-être au travail et ce que cela veut dire au fond. S’il s’agit de s’attaquer à ce que sont les sources du mal-être pour le juguler, en traitant les causes profondes, non seulement l’intention est noble mais elle a du sens. Et les causes profondes du mal-être au travail sont bien loin de l’image qu’on a du CHO comme la personne qui mettrait en place des baby-foots et des massages.

Mais tout le problème vient de la capacité à s’attaquer aux causes profondes. Limiter le sujet à sa surface, en tentant de calmer les symptômes ou travailler au fond ! Et le fond c’est précisément ce qui fait mal et expose de fait la personne qui s’y attaque.

On sait que ce qui est bien souvent en cause c’est la destruction du sens du travail, à cause d’un déséquilibre trop grand entre les intérêts des parties prenantes, que c’est l’autonomie qui vole en éclat sur le mur des processus silotés au nom de la productivité ou simplement l’absence de reconnaissance réelle des personnes. Mais ce mal-être-là c’est un autre sujet et c’est précisément celui auquel il faut s’atteler.

En d’autres termes, il ne s’agit pas de parler de « bien-être au travail » mais d’être « bien dans le travail ». Ce que cela questionne n’est pas ce qui se passe autour du travail mais bien le travail en lui-même. Ce qu’il est devenu dans certaines entreprises.

Absolument. Alors le CHO qui, parce que l’expression de bonheur au travail est porteuse et qu’elle répond au fond à une appétence sociétale du moment, s’en revendique pour mieux s’attaquer à ces vrais sujets de fond, cela ne pose pas de problème bien au contraire.

Mais cela peut être exactement le contraire. D’abord une naïveté de personnes qui n’ont pas lu l’essentiel et qui y croient, peut-être même cyniquement manipulées par d’autres d’ailleurs, ou au pire un cynisme tout à fait assumé qui s’apparente au fond à donner du pain et des jeux au peuple.

Et oui. D’un côté une bonne intention, qui, si elle fait preuve de lucidité et d’honnêteté dans la lecture du sujet a tout son sens, et on ne “chouignera” pas sur les mots et les modes, et de l’autre, tout son contraire, une sorte d’écran de fumée qui détourne de l’essentiel et entretient par voie de conséquence le mal-être au travail.

En résumé, le CHO a pour mission de travailler sur le bien-être au travail ce qui est utile et pertinent, quand bien même bonheur et bien-être ne soit pas pareils, s’il s’attaque aux causes profondes du mal-être au travail. Mais si ce focus sur le bien-être externe au travail masque la réalité brutale du travail en lui-même et qu’il s’en détache, c’est tout l’inverse qui se produit. Un cautère sur une jambe de bois. Une chose donc et son contraire.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.